Les métamorphoses
Camille Brunel
lu, vu, entendu par Mad - le 04/11/2020
Dans un monde qui ressemble au nôtre, on suit le quotidien d’Isis, qui se bat farouchement pour la défense des animaux. Elle est traductrice, vit en osmose avec Dinah, sa chatte, et ne quitte pas son téléphone, qui la relie aux indispensables réseaux sociaux. Cette vie, aux apparences tranquilles, est rapidement bouleversée par l’apparition de plus en plus fréquente d’animaux exotiques dans son quartier, et, dans le même temps, par la disparition d’êtres humains…
Les métamorphoses reprend les codes du roman d’anticipation grâce à ses métaphores filées, questionnant notre rapport aux animaux mais aussi à la famille, à l’écologie, à ceux qui nous entourent et dont nous nous sentons parfois moins proches que d’un animal domestique.
Dans un contexte de pandémie mondiale, cette sorte de manifeste déguisé fait écho aux problématiques actuelles de gestion de crise. Il souligne également notre aveuglement et notre (in)humanité face aux catastrophes qui accablent le monde. Loin d’être sombres et moralisatrices, les clés du virus bouleversant l’humanité, ces transformations, “tétramorphoses” dans le texte, sont décrites avec un certain détachement qui confine parfois à l’humour.
C’est un roman intéressant car très particulier, très original dans le traitement de la maladie fantasmagorique qu’il scénographie avec cynisme. Il questionne nos pratiques quotidiennes concernant les animaux, que ce soit pour les manger, les protéger ou les dorloter comme nos propres enfants. Cet univers, qui se délite en une sorte d’apocalypse, sous des airs de revanche de Mère Nature, interroge aussi les relations entre humains : qui sont les cafards et qui sont les oiseaux ? Qui sont les serpents et qui sont les pumas ? Quel niveau de conscience « humaine » peut-on plaquer aux “non humains” ? Et comment les traiter, ensuite, selon le degré d’affection ou qu’on leur porte, selon le degré de souffrance dont il seraient capables ?
Ces axes de réflexions évoquent des sujets brûlants, et ne sont pas sans rappeler la dystopie aux revendications animalistes de Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs. L’héroïne de l’histoire, queer, libérée, hyperconnectée et féministe, offre de belles possibilités d’identification et met en avant une marge de la société encore trop peu écoutée et entendue : on a très vite envie de s’y identifier.
Si certaines thématiques engagées ont le mérite d’être abordées, elle le sont parfois assez superficiellement, qu’il s’agisse des relations familiales, du véganisme, ou de la bioéthique… Les lecteurs et lectrices peuvent de temps en temps se demander où Camille Brunel veut en venir, et s’il va aller jusqu’au bout de son propos. Ce dernier reste toutefois agréable à lire, grâce à son style vif et incisif. On retrouve ces qualités dans son premier roman, La Guérilla des Animaux, tout aussi engagé.
Les Métamorphoses est un livre qui oscille entre le grinçant et le poétique, sélectionné cette année pour le prix Renaudot des lycéens, qui ne s’y sont pas trompés.
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