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Koyaanisqatsi

Godfrey Reggio

Godfrey Reggio

Œuvre d’expérimentation pure, Koyaanisqatsi continue de fasciner plus de quarante ans après sa sortie. Porté par Godfrey Reggio à la réalisation, Ron Fricke à la direction de la photographie ainsi que Philip Glass pour la musique, cet artefact audio-visuel n’a rien perdu de sa singularité.


Koya-quoi ? kézako ? Le difficilement catégorisable film expérimental de Reggio éclate les structures habituelles. A la croisée du documentaire et de la collection d’images, Koyaanisqatsi (dont le titre a volontairement été choisi pour ne rien évoquer aux oreilles des populations occidentales) transfigure le médium cinéma.

Trouvant sa genèse dans des campagnes publicitaires de l’institut d’Education Régionale (IRE, en anglais) menées par Godfrey Reggio, Koyaanisqatsi tire profit de l’aide d’un chef-opérateur spécialiste et précurseur des time-lapses : Ron Fricke. Pendant plus de sept ans, les deux cinéastes vont accumuler des images en tout genre. Immensités paysagères, autoroutes infinies, bouillonnement urbain et machineries aussi géantes que microscopiques viennent s’intercaler en un parfait kaléidoscope de notre civilisation.


Que suis-je en train de regarder ?

Koyaanisqatsi ne se contente pas de sortir des sentiers battus, il les pulvérise et les transforme en de vagues souvenirs, si bien qu’il est normal de s’interroger sur la nature même de ce que nous sommes en train de regarder. Il n’y a aucune narration explicite, si ce n’est la frénétique succession d’images accélérées ou ralenties, parfois même jouées en inverse. Les points de vue sont multiples et oscillent nerveusement. Plans rapprochés, plans panoramiques, macros, longs travellings, prises de vue depuis un véhicule terrestre ou même aérien, pour ne citer que les plus marquants. La ville, la campagne, le ciel, la terre, l’humain comme l’artificiel, rien n’est épargné par Fricke et Reggio.


Une bande originale magistrale


Seul appui à ces images : la composition de Philip Glass, qui réalise ici sa première bande originale de film. Initialement réticent à cette idée, le compositeur britannique se laisse convaincre par Reggio et signe une œuvre aussi obsédante que parlante. La richesse orchestrale ainsi que les voix entêtantes de cette composition ont servi à étayer le propos du réalisateur. Glass raconte qu’il visionnait les images sans aucun son pour tenter de retranscrire ses impressions sur partition. Ces mêmes ressentis figureront plus tard sur cet enregistrement tout aussi monumental que le film en lui-même. La composition s’avéra ultimement si importante qu’après l’avoir écoutée, Godfrey Reggio réarrangea les divers plans et séquences en un ordre qui suit une chronologie musicale. C’est finalement l’unité de la bande originale qui a primé, donnant l’œuvre telle que nous la connaissons aujourd’hui.


Que nous veulent Fricke et Reggio ?


Pour la faire courte : impossible de savoir. L’intérêt tout particulier de Koyaanisqatsi, à l’instar de son titre, est de nous laisser seuls décideurs du sens qu’il véhicule. Godfrey Reggio explique dans un entretien :

L’unique but [de ces images] est de créer une expérience du sujet. Le spectateur choisit ce qu’elles signifient. Certains y voient une campagne environnementale, d’autres une ode à la technologie, d’autres encore une vraie merde et d’autres enfin, quelque chose de profondément émouvant, tout dépend de la personne. Si le spectateur se demande pourquoi il est en train de regarder ce film, il y a peu de chance qu’il l’apprécie grandement. Il s’agit plutôt d’un voyage. Tout l’objectif réside justement dans ce voyage, et non l’endroit où on va.

– Godfrey Reggio (Interviewé par MGM studios, 2002)



Nous voici donc devant un film d’une envergure dantesque, doublé d’une abstraction monolithique et aux nuances aussi multiples que son nombre de spectateurs. Véritable tour de force du grand-écran, ce chef d’œuvre d’expérimentation n’a rien perdu de sa puissance interrogatrice. Quarante ans après sa sortie, les questions qu’il suscitait restent d’une brûlante actualité. Il en est de même pour les ressentis très disparates mais pas moins forts qu’il continue de provoquer. Pour les cinéphiles endurcis, les téméraires curieux, ou simples amateurs de cinéma cherchant à se laisser porter par les images, Koyaanisqatsi demeure une œuvre phare et totale dont il faut faire l’expérience.



Voir dans le catalogue de la BML

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