Amelia

Laurie Anderson

lu, vu, entendu par Civodul - le 05/03/2025

Laurie Anderson conte dans cet album-concept le dernier vol d'Amelia Earhart, aviatrice américaine (1997-1937), célèbre pour avoir été la première femme à traverser l'océan Atlantique en solitaire. La douceur intimiste du récit contraste étrangement avec le destin tragique de l'héroïne.

Le style musical : dès les premières secondes on reconnait la manière de Laurie Anderson. Un sprechgesang chuchoté en confidence, ouaté, nimbé de multiples réverbérations harmoniques. Le texte, que l’éditeur a eu le bon goût d’inclure dans le livret, n’est ni vraiment dit ni vraiment chanté car les deux à la fois. Et subtilement scandé avec cette diction hypnotique caractéristique. A l’arrière on aperçoit les cordes moelleuses de l’Orchestre symphonique de Brno, sous la baguette de Dennis Russell Davies, et les entrelacs d’effets acoustiques et électroniques, dont la guitare de Marc Ribot.

L’histoire : en une vingtaine de vignettes elle déroule un carnet de vol. Ce sont des images et sensations liées à des villes visitées (Dakar, Karachi, Khartoum …). Ce sont des humeurs, des exaltations, des angoisses : la pilote est très seule dans son cockpit. Encastré entre deux étapes un étrange insert d’archives (est-la voix d’Amelia ?) nous parle de ces femmes d’avant-garde qui n’avaient pas froid aux yeux.

Une escale est prévue au milieu de l’océan Pacifique, une île minuscule …. si petite qu’Amelia ne la trouvera jamais. Plus de carburant, plus de radio, allo-papa-tango-Charlie. Le tour du monde en moins de 80 jours ne sera jamais bouclé. Les deux derniers vers de ce poème aéronautique sont symboliquement les deux lignes qui entamaient le récit. On suppose que son avion s’abîme en mer le 2 juillet 1937. On ne la déclarera officiellement morte que deux ans plus tard.

Un touchant hommage aux pionnières des airs et le plaisir inaltérable de retrouver une (toujours si jeune) vieille dame de la musique expérimentale.