Du bio au naturel : les nouvelles façons de faire du vin

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 27/11/2019 par J.E.

Vins bios, naturels, biodynamiques, en agriculture raisonnée... Sans doute, comme moi, en avez-vous entendu parler, voire vous les avez goûtés ! Mais savez-vous ce qui les différencie ? Le vin naturel c'est quoi ? Un effet de mode qui fera bientôt pschitt ? Quelle différence avec le vin bio ? Et le vin biodynamique ? C’est la même chose que le biologique ? Avant d’exercer activement votre palais (avec modération bien évidemment...), petit éclairage sur ces nouvelles façons de faire du vin, pour déguster en connaisseur avisé !

Grappes
Grappes (cc) Vincent Brassine

Un monde qui change…

La production du vin a connu un tournant majeur au cours des années 60-70.

Les vignerons, entrant de plein fouet, comme le reste de la société française, dans l’ère de l’efficacité et de la rentabilité, se sont engouffrés dans l’usage massif de la chimie et des additifs, alors que le vin était jusque-là produit de manière « naturelle ». Aujourd’hui, la culture de la vigne consomme 20% des produits phytosanitaires alors qu’elle n’occupe que 3,7% de la surface agricole.

Mais depuis une quinzaine d’années, avec la prise de conscience de plus en plus répandue des dégâts sanitaires et environnementaux causés par l’usage abusif des produits phytosanitaires, de nombreux vignerons souhaitent produire différemment. Ils veulent retrouver le goût de leur terroir qui s’est perdu dans le goût standardisé des vins conventionnels. Standardisation révélée et dénoncée en 2003 dans le film à succès Mondovino

Les vins de ces producteurs d’une nouvelle ère sont bios, biodynamiques, natures, en agriculture raisonnée et occupent environ 9% du vignoble français, contre 3% pour les autres grandes cultures.

Les vins en agriculture raisonnée, un pont entre deux mondes ?

 

Les vignerons « raisonnés » utilisent les mêmes produits chimiques que ceux de la viticulture conventionnelle, mais leur maître mot est : MODÉRATION. Ils n’y ont a priori recours qu’en cas d’aléas climatiques, de maladies de la vigne, d’attaque de parasites… On peut dire que la viticulture raisonnée est un compromis entre les intérêts économiques du viticulteur et le respect de l’environnement. Car la production de vin biologique, et plus encore de vin nature, est un vrai risque pour le vigneron : en cas de maladie, impossible d’utiliser la chimie. Pour s’en protéger, ils devront créer sur leurs parcelles un équilibre d’autodéfense naturelle…

C’est pourquoi, pour certains producteurs, le vin en agriculture raisonnée peut être un passage avant de se lancer dans un type de production plus risqué…

La certification la plus connue en viticulture raisonnée est Terra Vitis. On notera également HVE ou « Agriculture raisonnée ».

 

Label Terra Vitis

Label HVE

Label Agriculture Raisonnée

 

 

 

 

 

Les vins biologiques, le grand écart

 

Les vins bios garantissent que la vigne n’est pas traitée avec des produits phytosanitaires. Seuls certains produits comme le cuivre et le soufre sont autorisés. Ces derniers se déposent sur les parties aériennes et ne franchissent pas les parois cellulaires de la vigne.

Cependant, l’usage du cuivre reste problématique car bien que naturel, il est très toxique pour les sols. Utilisé depuis la fin du XIXe siècle pour lutter contre le mildiou avec la fameuse bouillie bordelaise, son usage est aujourd’hui remis en question mais difficile de s’en passer…

En bio, le travail physique intervient également beaucoup plus que la chimie. Par exemple, plutôt que d’utiliser des pesticides, on fera appel au travail mécanique et à plus de main-d’œuvre pour désherber.

Mais c’est au moment de la vinification, c’est-à-dire de la transformation du moût de raisin en vin, qu’il peut y avoir de grandes différences de traitement d’un vin bio à l’autre.

En effet, bien que la liste des produits autorisés par la réglementation de 2012 sur le vin bio soit bien moins longue qu’en viticulture conventionnelle, elle n’est pas vide pour autant.

Ainsi, au moment de la vinification, sont autorisés le traitement thermique, l’ajout de tanins, l’ajout de copeaux de bois, de soufre (entre 100-150 mg/l contre 150-200 mg/l en conventionnel), les levures industrielles, la thiamine, des ingrédients de clarification, d’acidification ou de désacidification, de filtration…

Tout ceci explique que dans la production bio, il puisse y avoir de si grands écarts dans l’authenticité des vins. Par “authenticité”, entendez pureté du breuvage, celle-là même qui fait l’essence des vins natures…

Labels Agriculture Biologique

Les vins en biodynamie, prévenir plutôt que guérir

 

Rudolf Steiner vers 1905. Source Wikipedia

A l’origine de la biodynamie, Rudolph Steiner qui publie en 1924 Cours aux agriculteurs. Cet éclectique philosophe allemand est notamment connu dans le monde éducatif pour sa désormais célèbre pédagogie éponyme, aujourd’hui appliquée dans les écoles alternatives Steiner.

Mais c’est une autre histoire, revenons-en à notre sujet, la biodynamie !

Sa règle d’or : soigner la terre pour renforcer les végétaux et ainsi éviter l’usage curatif des produits phytosanitaires de la viticulture conventionnelle.

Il s’agit d’une culture de prévention : une terre saine c’est la garantie d’une plante vigoureuse plus solide face aux maladies. La plante reçoit l’énergie du sol mais aussi du cosmos et des planètes. Au centre de tout cela, l’homme, qui est là pour assurer ce cycle vertueux plantes, terre, planètes.

Le vigneron en biodynamie détermine ses traitements en fonction d’un calendrier complexe basé sur les rythmes lunaires, solaires mais aussi des autres planètes. Il fabrique des préparations à base de bouse de corne, de silice ou encore de tisane d’orties qu’il pulvérisera ou enterrera dans le sol.

Ces pratiques, perçues par ses détracteurs comme complètement ésotériques ont pourtant été adoptées, comme le rappelle le guide Hachette des vins bio par “d’excellents vignerons, dont certains ont reçu une formation scientifique”.

Pour une compréhension pratique et en images du travail du vigneron en biodynamie, n’hésitez pas à lire la passionnante BD d’Etienne Davodeau Les ignorants : à sa lecture tout s’éclaire !

 

 

Il existe deux certifications en biodynamie : Demeter et Biodyvin. Pour la vinification, elles s’appuient sur les règles 2012 du vin biologique mais en étant encore plus contraignantes sur la question des sulfites, de la chaptalisation et de l’acidification.

 

Label Demeter

Label Biodyvin

 

 

Et enfin, les vins natures…

Ou naturels, ou vivants ! Bref, peu importe, à vous de choisir le terme qui vous conviendra le mieux !

Dans tous les cas le vin naturel est un vin mythique, un Graal à atteindre. Le vigneron nature est un puriste et parfois jusqu’au-boutiste. Son objectif : obtenir le vin le plus pur, le plus authentique possible et pour cela, il n’ajoute (presque) aucun sulfite. La fermentation se fait à base de levures indigènes seulement, c’est-à-dire celles qui se retrouvent à la surface des raisins venus à maturité, et surtout pas de levures industrielles ! Une bouteille de vin naturel parfaite ne contient que du raisin, rien que du raisin !

Mais comme l’explique très bien Pierre Overnoy, vigneron naturel fort d’une expérience de 40 ans, dans l’ouvrage Le vin au naturel, parfois, plutôt que de perdre tout une cuvée, il vaudra peut-être mieux ajouter un peu de soufre, un peu de levures industrielles… Tout est question de nuance et de contexte !

La démarche du vigneron nature est à la fois militante et philosophique. C’est une pratique complexe et risquée économiquement qui demande beaucoup de connaissances, de savoir-faire et sans doute des années d’expérience pour obtenir un vin authentique.

Pour l’heure, il n’existe aucune réglementation sur le vin nature. Seules les associations AVN (Association des Vins Naturels) et SAINS (Sans Aucun Intrant Ni Sulfite) donnent un cadre. La plupart du temps les producteurs de vins natures sont certifiés bio et biodynamiques mais certains d’entre eux refusent toute étiquette, pour des raisons économiques ou idéologiques. Ils peuvent ainsi renvoyer une image de rebelles, hors de contrôle. Ce qui parfois les mène devant les tribunaux…

L’avocat Eric Morain expose très bien le problème, exemples à l’appui, dans son ouvrage plein de verve Plaidoyer pour un vin naturel.

Pas simple d’être précurseur et de faire bouger les lignes. Il faudra sans doute encore des années pour que l’univers normé et contrôlé du vin évolue et revienne, en partie, comme se plaît à le rappeler Eric Morain, à des pratiques « dont les traces les plus anciennes remontent à plus de 8 000 ans aux confins de la Géorgie et de la Grèce. A cette époque-là les acratopotes, entendez les buveurs de vins purs, étaient légion ».

 

(C) Cédric Mendoza pour l’association des Vins SAINS

 

Maintenant que tout est plus clair, enfin on l’espère, n’hésitez pas à exercer votre palais (avec modération toujours !) au salon des vins actuels et naturels de Lyon les 16 et 17 novembre prochains !

 

A votre santé !

 


Pour aller plus loin…

Cet article s’est beaucoup inspiré du Grand Précis des vins au naturel de Stéphane Lagorce.

A lire de toute urgence si vous voulez tout savoir et même plus sur le sujet !

 

… encore

http://servicepresse.arte.tv/empunkovino-le-vin-naturel-en-musiqueembr-une-webserie-documentaire-ineditenbspsur-arte-tv-br-10-episodes-pour-dire-le-vin-autrement/



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