Peter Eötvös, l’orient, l’électronique … parcours d’écoute de Musiques en scène 2008

Peter Eötvös

[*Un parcours composite*]

L’itinéraire musical de Peter Eötvös se nourrit d’influences multiples. Le théâtre et l’opéra, qu’il fréquente assidûment dès l’enfance, la musique populaire hongroise, « à la base de [s]a formation ». Mais aussi le jazz et les musiques improvisées, bouffée d’air subversive dans la Hongrie de la guerre froide, le cinéma et les musiques fonctionnelles dont il vivra d’abord. Enfin Stockhausen et l’électronique pionnière (il travaille au studio de Cologne de 1971 à 1979), Boulez et l’Ensemble Intercontemporain qu’il dirigera de 1978 à 1991…
Marqué par les contraintes -la guerre, le totalitarisme, l’argent-, le parcours de Peter Eötvös témoigne d’un certain nomadisme géographique et esthétique, fait de détours, d’évitements et d’aléas.

« Le langage musical le plus élaboré était celui de Bartók, c’était un fait admis, et il n’y avait rien d’autre.”L’avant-garde occidentale et capitaliste » allant de Schönberg à Webern et Stockhausen était interdite. J’ai dû prendre plusieurs voies différentes pour enfin aboutir à la mienne »

[*Quelques oeuvres présentées à la Biennale*]

Parmi les oeuvres au programme de Musique en scène,

Shadows met en place une sorte de dégradé de timbres dans l’espace. Les instrumentistes, divisés en plusieurs groupes, produisent un halo qui vient dilater et projeter comme une ombre le son des solistes qu’ils entourent. Le relai des hauts-parleurs participe à cette mise en perspective de l’espace acoustique.

Windsequenzen, comme d’autres pièces de Peter Eotvos, s’intéresse aux intervalles, cette fois à ceux produits à l’intérieur des sons eux-mêmes par les harmoniques. Les mêmes sons sont encadrés, irisés, par des séries harmoniques différentes, mais aux proportions identiques. Le procédé crée comme un faisceau mobile qui éclaire le même objet sous des couleurs différentes.
Ce paradoxe produit une musique sobre et méditative, inspirée par un séjour de Peter Eötvös au Japon.

Lady Sarashina

Du Japon, il sera également question avec la création mondiale de l’opéra Lady Sarashina (d’après le journal poétique d’une anonyme du XIè siècle). C’est le quatrième ouvrage lyrique du compositeur, auteur notamment du remarqué Trois soeurs, créé à l’Opera de Lyon en 1998. A noter que les autres opéras d’Eötvös seront projetés à l’Amphithéâtre de l’Opéra de Lyon.

D’autres pièces remarquables

Electrochronicle, musique microscopique pour électronique faite de sons tremblés, d’intervalles flottants aux contours mobiles, aux reflets changeants. C’est un cycle fascinant et minimaliste qui illustre remarquablement l’intérêt d’Eötvös pour les intervalles. Nombre de ses oeuvres les explorent de façon minutieuse et organique, à l’instar des éloquents Intervalles-Intérieurs.

Atlantis

Atlantis est une pièce phare du compositeur. Musique étrange et grandiose, comme un cinéma d’après l’apocalypse, où d’un monde englouti surnage le fantôme d’un air transsylvanien.

[*Lire, écouter, voir*]

Peter Eötvös

La Bibliothèque Municipale de Lyon possède 16 enregistrements d’oeuvres composées ou dirigées par Peter Eötvös.

Le label hongrois BMC présente le catalogue et une discographie (avec extraits) des oeuvres de Peter Eötvös, accessibles aussi sur son site personnel.

La Cité de la Musique propose un entretien filmé avec le compositeur qui évoque entre autres Stockhausen, le jazz, la musique hongroise et son travail de chef [1]

[*En traversant la Biennale*]

Parmi les 79 oeuvres jouées à la Biennale -dont 19 créations mondiales-, quelques associations ou parcours d’écoute peuvent être proposés à partir de l’univers musical de Peter Eötvös :

Deux des musiciens les plus importants du XXIè siècle en Hongrie seront représentés :
György Kurtag avec …quasi una fantasia, pour piano et groupes instrumentaux, oeuvre à la fois dense et dépouillée, qui alterne bruissements et déflagration.
György Ligeti avec les Bagatelles, pièces espiègles et vives à la complexité croissante, interprétées ici dans leur version pour saxophones par le Quatuor Habanera.

Le signe de Scelsi

L’orient, asiatique ou imaginaire occupe une place de choix dans cette programmation. Le Festival Japon 2008 de l’Opéra de Lyon ouvre avec Lady Sarashina, d’Eötvös. Il se poursuit avec un opéra de Toshio Hosokawa, Hanjo. Le festival propose également Okanagon, une oeuvre de Scelsi, l’ascète arpenteur de la verticale du son. Egalement au programme Prométhée, le poème du feu de Scriabine, conçu à l’origine pour un clavier de lumière. Oeuvre bâtie atour cet « accord mystique » aux confins de la tonalité qui a obsédé ce compositeur cosmique.

Karlheinz Stockhausen

La musique électronique est un des terrains d’investigation d’Eötvös. Il a notamment travaillé avec un des explorateurs du genre, Karlheinz Stockhausen, récemment décédé. Musique en Scènes, en association avec le festival Nuits Sonores, propose une sélection de l’oeuvre électronique et mixte de Stockhausen. Figurent ces pièces jalons que sont Kontakte, Hymnen et Gesange der Junglinge.
Baroque, daté, génial, c’est un moment fondateur de l’histoire de la musique électronique qui est dévoilé ici.
Edgar Varèse fut lui aussi un défricheur et un chercheur de sons nouveaux. Déserts est une des premières oeuvres à mêler sonorités instrumentales et sons fixés sur bande.
Enfin, le duo finlandais Pansonic et son electronica minimaliste et élaborée sera comme un prolongement en forme de contrepoint actuel aux sonorités des aînés.

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