Nuits Sonores : les musiques électroniques à Lyon

- temps de lecture approximatif de 13 minutes 13 min - Modifié le 25/06/2016 par Luke Warm

La quatrième édition du festival Nuits Sonores, panorama des musiques électroniques, se déroulera à Lyon du 24 au 28 mai 2006. Comme chaque année, le festival investira une cinquantaine de lieux dans la ville : friches industrielles (le Port Rambaud), lieux remarquables du patrimoine architectural de Lyon (l'Hôpital de l'Antiquaille, la Chapelle de la Trinité, la Piscine du Rhône...), salles de concert mais également galeries, cinémas, musées...

LA PETITE HISTOIRE…

L’acte de naissance des musiques électroniques à Lyon correspond pratiquement à son acte de décès. Au début des années 90, la musique électronique est trop peu présente à Lyon : quelques radios diffusent de la dance music et les rares soirées organisées restent confidentielles. En 1994, ouvre le premier club techno, l’Hypnotic. Mais Lyon est surtout connu dans le monde des musiques électroniques comme la capitale de la répression : le magazine Coda titre « Rhône-Alpes, première région sinistrée ».

Cette réputation se confirmera avec le fiasco de la soirée Polaris : le 24 février 1996, est organisée à la Halle Tony Garnier, par l’association responsable du festival Boréalis de Montpellier, une soirée qui devait regrouper la crème des musiciens électroniques de l’époque : Carl Cox, Prodigy, Sven Vath… Plus de 10 000 personnes sont attendues et beaucoup sont déjà en ville ce samedi après-midi quand, sous la pression de l’Association des discothèques de Lyon et sa région (ADLR) inquiet de voir leur clientèle déserter leurs établissements au profit des raves qui se multipliaient dans la région, la mairie n’accorde une autorisation pour la soirée que jusqu’à minuit trente. L’événement est alors annulé.

Le dossier de Lyon Capitale sur l’événement

A la suite de cet événement techno avorté naquit Technopol, association luttant contre les interdictions qui frappaient les raves hexagonales.

Pour comprendre les musiques électroniques :

A lire

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3672, la free story, par Sarah DE HARO, Trouble Fête
Cet ouvrage présente, largement de façon graphique, l’historique et la culture des free parties, présentes en France depuis une dizaine d’années. Une sorte de plongée ou de reportage au sein des raves.

 

 

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Electrochoc, par Laurent GARNIER et David BRUN-LAMBERT, Flammarion
Le plus célèbre et illustre DJ français, figure majeure de la musique techno, raconte l’histoire des musiques électroniques à travers son propre parcours (les premiers émois des boîtes de nuit à la consécration en tant que compositeur en passant par son expérience de DJ à l’Hacienda de Manchester, du Summer of Love…) en ne cachant rien des histoires secrètes et des excès.

 

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French touch : des raves aux supermarchés, l’histoire d’une épopée électro , par Stéphane JOURDAIN, Castor Astral
Ce livre-reportage retrace l’aventure d’un mouvement musical connu du monde entier sous le nom de French Touch. Il présente ses racines et ses influences, ses principaux acteurs et leurs musiques. Leur triomphe aussi : la magie d’Homework, premier album des Daft Punk, la majesté de Pansoul de Motorbass, l’efficacité de Superdiscount d’Etienne de Crécy, les succès artistiques et commerciaux de Dimitri from Paris, Cassius, Bob Sinclar, Air, Modjo ou Mr Oizo.

 

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Modulations : une histoire de la musique électronique, par Peter SHAPIRO, Rob YOUNG, Simon REYNOLDS…, Allia
Tous les livres concernant la musique édités par Allia sont de fantastiques ouvrages s’adressant aussi bien aux néophytes qu’aux spécialistes. Modulations ne fait pas exception : chaque chapitre rédigé par un spécialiste aborde un genre particulier des musiques électroniques, propose une discographie sélective et l’interview d’un acteur du mouvement.

 

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Techno-rebelle : un siècle de musiques électroniques, par Ariel KYROU, Denoël
Ariel Kyrou part de l’Art des bruits de Luigi Russolo (1913) pour expliquer la genèse des musiques électroniques qu’il étudie par filiations : jazz, dub, krautrock allemand, avant-gardes artistiques… rendant par la même caduque la vieille opposition musique savante / musique populaire montrant que les artistes les plus intéressants étaient à cheval sur les deux, faisant de l’avant-garde sans le savoir (voir les anecdotes sur l’invention du dub ou de la techno, genres nés quasiment par accident).

 

A voir

La french touch, réalisé par Philippe LEVY et Alexis BERNIER, Sombrero
Dans les années 90, nous voilà fiers d’être français grâce à notre musique. Fait exceptionnel, le son français est à la mode. Au point que les anglais, grands pourvoyeurs de tubes, lui ont trouvé un nom : La French Touch. De Madrid à New-York, la house music des Daft Punk ou la pop électronique de Air ont envahi les ondes et les clubs. Les albums de Motorbass ou de Superdiscount font jeu égal avec ceux des superstars Chemical Brothers ou Underworld.

 

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Warp vision : The videos 1989-2004 réalisé par Chris Cunningham, Jarvis Cocker, The Designers Republic…, Warp
Ce DVD regroupe 32 vidéoclips réalisés pour les artistes du label Warp, label pionnier à l’image exigeante pour qui le clip n’est pas un outil promotionnel ou une simple illustration de la musique, permettant ainsi à des vidéastes expérimentaux de s’exprimer librement. Parfait exemple : “Come to daddy” de Aphex Twin réalisé par Chris Cunningham, clip le plus “flippant” jamais réalisé.

 

A écouter

Rough Trade shops : electronic 01, Compilation, Mute
L’histoire des musiques électroniques en 2 CD : on y trouve aussi bien des précurseurs comme Brian Eno ou Pierre Henry que des “vulgarisateurs” comme Depeche Mode ou Human League, des avant-gardes d’hier

Pour avoir un point de vue sur l’histoire des musiques électroniques à Lyon, vous pouvez consulter ce mémoire de maîtrise d’ethnologie de Anthony Beauchet, sous la direction de François Laplantine “Entre raves et réalité : une ethnologie de la culture techno” et notamment la partie consacrée à la région lyonnaise.

 

NUITS SONORES

Cette mésaventure a handicapé la ville pendant plusieurs années et il faudra attendre 2003 pour que les musiques électroniques connaissent une véritable reconnaissance critique, publique et surtout politique avec l’organisation du festival Nuits Sonores. Organisé par l’association Arty Farty repérée par la Mairie de Lyon et le public en 2002 avec leur festival « autogéré » , le festival accueillera pour sa première édition 15 000 personnes puis 29 000 en 2004 et enfin 36 000 en 2005 !

Sous-titré « panorama des musiques électroniques », la programmation accueille tous les courants des musiques électroniques (techno, house, electro-pop, electronica, electro-jazz…) au sein d’une structure originale : la programmation se partage entre soirées officielles (les Nuits) et Circuit Electronique qui propose des soirées gratuites, investit des lieux inhabituels (Piscine du Rhône, Les Subsistances, Les Salins du Midi…), fait se marier musique-art contemporain-cinéma à travers le Parcours Associé, invite chaque année une ville dont un des représentants se voit offrir une Carte Blanche (après Marseille, Barcelone, Manchester, 2006 sera l’année de Paris) avant de se conclure par les Siestes Sonores le dernier jour du festival dans un cadre convivial et une ambiance familiale. Nuits Sonores est un festival consacré aux musiques et aux cultures électroniques dans son acceptation la plus large : la programmation consacre toutes les musiques qui entrent en interaction avec l’électronique (hip-hop, electro-rock, musiques expérimentales…)

En trois ans, le festival fera l’unanimité aussi bien au niveau critique que public tout en gardant une programmation pointue et originale, mêlant stars internationales et artistes locaux, jeunes pousses et artistes confirmés, devenant même pour certains le meilleur festival français par son originalité, son ouverture d’esprit :

« LYON CHAMPION :
Non, nous n’allons pas vous dresser ici les louanges de Juninho et de sa bande […] Ce nouveau titre de champion lyonnais s’adresse donc à toute l’équipe d’Arty Farty, les organisateurs des fabuleuses Nuits Sonores. Jamais festival n’aura réussi en seulement trois éditions à cumuler tels succès public et critique. La transhumance massive vers la capitale des Gaules du gotha médiatico-électronique parisien montre tout l’attrait de l’événement. Une caution mondaine respectable certes, mais qui ne vaudrait pas grand-chose sans l’indispensable soutien public. Et de ce côté-là, les Nuits Sonores ont également fait le plein. Une quantité remarquable (plus de 35 000 participants) qui, au regard des « smile » éclatants des festivaliers tout au long de ces quatre nuits et cinq jours intensifs, s’est mixée à merveille avec une qualité de tous les instants. C’est sûr, on reviendra. »
(edito de Trax, juin 2005).

Les précédentes éditions des Nuits Sonores

« Les Nuits sonores, nouvel épicentre français des musiques électroniques ? » dans Lyon Capitale du 4 mai 2005

 

L’EDITION 2006

Principales nouveautés de l’édition 2006 : le parcours Images Sonores autour du Vjing et des connexions entre culture électronique et images et les cartes blanches laissées au label de Cologne Kompakt, au festival MEG (Montréal Electronic Groove festival) et au magazine Trax.

Les artistes à ne pas manquer :

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DJ HELL : souvent dénigré mais néanmoins visionnaire, DJ Hell (rien à voir avec l’enfer, son nom étant simplement Helmut) malgré ses vingt ans d’activisme dans la sphère techno reste toujours aux avant-gardes des musiques électroniques en inventant quasiment à lui tout seul l’electroclash à travers son label International Deejay Gigolos (le découvreur de la française Miss Kittin c’est lui) ou en étant l’un des premiers à se retourner sur des années 80 tant dénigrées ou sur l’EBM. Ses sets dj sont souvent à l’image de cette érudition sans bornes. Nuit 1, 3h30-6h30
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Le site de DJ Hell

 

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FAUST : véritable légende du krautrock des années 70, le groupe allemand est toujours actif autour de deux de ses membres originels (que viennent compléter deux membres du groupe Ulan Bator en concert) comme peut le prouver leur collaboration étonnante mais néanmoins aboutie avec le rappeur Dälek. Nuit 1, 00h15-1h15
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Le site de Faust

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ESG : encore un groupe mythique à l’affiche des Nuits Sonores. ESG est un groupe de sœurs né à la fin des années 70 dans le Bronx. Groupe mutant étiquetté No wave, ESG est un savant mélange de punk-rock arty et de funk minimaliste que le hip-hop samplera sans vergogne. Elles signeront leur premier single sur Factory (label culte) en 1981, single qui sera mixé par Martin Hannett (producteur culte de Joy Division). Que du culte…. Nuit 3, 23h00-00h00
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Nathan FAKE : nouveau petit prodige des musiques électroniques, auteur d’un disque magnifique (sans nul doute le disque electro de l’année) et novateur qui sera vraisemblablement à l’origine de nombreuses vocations. Nuit 3, 22h30-23h30
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L’album de Nathan Fake en coup de coeur sur Points d’actu !

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SUBTLE : groupe de 6 membres formé autour de Dose One (Themselves, Clouddead, 13 & God) et Jel (13 & God, Themselves), artistes du label de hip-hop le plus passionnant du moment Anticon, Subtle propose une approche rock du hip-hop en convoquant lors de leur live guitares, batterie, synthés… Subtle est signé sur Lex (branche hip-hop de l’irréprochable label Warp), label qui a trouvé la parade au piratage en offrant des références de grande qualité dans des packaging luxueux. Nuit 4, 23h00-00h30
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Le site de Subtle

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Andrew WEATHERALL : attention légende ! Si on vous dit : Warp, Sabres of Paradise, Screamadelica, Junior Boys Own, Two Lone Swordsmen, The Chemical Brothers…., vous pensez à qui ? Et bien tout simplement à Andrew Weatherall, quadragénaire de génie, à l’origine des groupes Sabres of Paradise et Two Lone Swordsmen signés sur Warp, producteur du disque fondateur « Screamadelica » de Primal Scream qui célèbre la rencontre du rock et des musiques électroniques (et qui du coup démocratiseront celles-ci), fondateur du label Junior Boys Own découvreur du groupe The Chemical Brothers, remixeur et DJ inégalable et inégalé. Ouf ! Nuit 4, 2h30-4h30

Voir dans le catalogue les compilations mixée par Andrew Weatherall
Voir dans le catalogue les disques de Sabres of Paradise
Voir dans le catalogue les disques de Two Lone Swordsmen

 

Mais aussi : Alan Vega, Clinic, Coldcut, Funkstorung, Alva Noto…. Et Laurent Garnier pour un All-day long pendant lequel le plus grand artiste français des musiques électroniques tiendra la scène pendant 9 heures d’affilée.

Toute la programmation sur le site nuits-sonores.com

LE LYON ELECTRONIQUE D’AUJOURD’HUI

Le succès critique et public du festival Nuits Sonores a permis un coup de projecteur sur toute la scène électronique lyonnaise, hier dénigrée, aujourd’hui reconnue. Des artistes programmés à leurs débuts sur le festival se voient aujourd’hui invités partout dans le monde : Agoria est considéré comme l’un des meilleurs djs français actuel, Flore a été programmée en 2004 sur le festival marseillais Marsatac, Para.Lel (du label Bee) est programmé à Sonar (plus gros festival de musiques électroniques) en 2005, Le Peuple de l’Herbe – High Tone – Meï Teï Sho organisent (en septembre et octobre 2005) le « Lyon Calling Tour » qui visitera 26 villes européennes à travers 17 pays…

« Le guide de l’electro à Lyon », réalisé en 2004, rend compte de cette richesse et d’un dynamisme retrouvé qui fait oublier les débuts difficiles des musiques électroniques à Lyon. Ce guide sera bientôt réactualisé et mis en ligne.

Les disques des artistes de la région à la bibliothèque

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