Le caca : et si on en parlait sérieusement ?

- temps de lecture approximatif de 7 minutes 7 min - Modifié le 01/02/2025 par DptSciencesTechniques

Merdes, crottes, fientes, bouses et autres coprolithes : tous ces termes ne sont que différentes formes d’excréments. Une substance dont on parle peu, sinon pour faire des blagues grasses. Pourtant le sujet est on ne peut plus sérieux. Aussi vieille que la vie organique sur Terre, cette matière méritait bien un petit passage sous les spots. Le domaine d’étude étant assez vaste, nous ne vous proposerons ici que quelques éclairages. Prenez une loupe, un pince-nez et sautons sur nos coursiers pour explorer le monde des excréments. En selle(s) !

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Vie de merde

La Vie au départ c’est tout simple : une bactérie récupère des éléments nutritifs à travers sa membrane, utilise ce dont elle a besoin pour vivre et se multiplier, et rejette les déchets, des excréments en quelque sorte.

Ainsi très tôt, il y a environ 3,5 milliards d’années, des bactéries ont acquis la capacité de transformer l’énergie lumineuse pour synthétiser grâce la chlorophylle la matière minérale absorbée et la transformer chimiquement en molécules utiles pour son développement : lipides, sucre, protéines…

Et parmi les déchets rejetés au cours de milliards d’années, un gaz appelé oxygène, constituant actuel de l’air à 21 %. Nous respirons donc des excréments gazeux (ou des pets au choix) de bactéries dites « végétales »  ayant laissé sur Terre les plus vieilles traces de vie : les stromatolithes.

Cette création d’excréments par les organismes vivants est toujours d’actualité. Plus l’organisme est gros et complexe, plus son métabolisme exige de l’énergie donc de la matière ingérée, et plus la production est conséquente.

Coupe schématique d'une bactérie

Coupe schématique d’une bactérie (Wikimedia commons)

Visite de crottes préhistoriques

Les coprolithes (n.m. , du grec kopros « excrément », et lithos « pierre ») sont des excréments fossilisés. On retrouve surtout des coprolithes de carnivores et mangeurs d’os, car le calcium osseux favorise la fossilisation. Mais on a retrouvé aussi des coprolithes humains.

Leur rôle est essentiel dans la compréhension du régime alimentaire de leur poseur disparu et par conséquent de son mode de vie. Ainsi des coprolithes d’homme de Neandertal vieux de 50 000 ans retrouvées et analysées en Espagne (Université La Laguna) ont confirmé que notre cousin était bien omnivore et non essentiellement carnivore. Son mode d’alimentation varié lui a assuré une longévité de présence sur Terre de 120 000 ans BP jusqu’à son extinction mystérieuse il y a environ 25 000 ans. Nous, Homo sapiens ne sommes encore que des gamins par rapport à lui.

Pour l’anecdote William Buckland, traqueur britannique de dinosaures  découvrit le premier coprolithe en 1823. Il en coupa un grand en deux et le transforma en table dure comme du marbre, sur laquelle ce farceur servait le thé à ses invités qui posaient leur cuillère sur de la vieille crotte !

un coprolithe malgache tenu dans une main

un coprolithe malgache (Wikimedia commons)

L’agriculture dans la m… depuis longtemps

Dès le début du premier millénaire avant J-C les agriculteurs ont utilisé les déjections animales et humaines, souvent mélangées à la paille (on parle de fumier), afin d’augmenter la fertilité de la terre.

En Europe à la Renaissance, les techniques empiriques d’amendement des sols par les engrais naturels se sont grandement améliorées grâce à des savants comme Bernard Palissy. Avec la révolution agricole de la seconde moitié du XXè siècle, le phénomène s’est amplifié et l’emploi d’engrais naturels ou chimiques s’est généralisé. A quel prix ?

On sait maintenant que l’utilisation excessive des fertilisants a un impact négatif sur l’environnement. Les plantes n’utilisent pas tout l’apport en azote, potasse et acide phosphorique et la terre gavée vient polluer les nappes phréatiques.

Comme le rappellent ces deux articles des sites çamintéresse.fr  et natura-sciences.com, le lisier de porc étendu sur les champs en Bretagne est désigné comme un des artisans majeurs de la prolifération des algues vertes sur certaines plages.

 

Le caca c’est la santé …

L’étude des matières fécales s’appelle la coprologie. En médecine, elle permet de trouver des indices de pathologies diverses, par exemple par l’étude des germes ou parasites du caca. L’examen pratiqué est la coproculture.

Analyser la couleur, la texture et l’odeur des selles donne beaucoup d’information sur l’état de santé du patient. La médecine traditionnelle chinoise prescrit ce type d’examens depuis fort longtemps.

La coprologie est aussi pratiquée dans d’autres domaines comme l’écologie ou la zoologie. Ainsi comme les coprolithes, les déjections animales nous  en apprennent beaucoup sur leurs auteurs, ainsi que leurs comportements vis-à-vis de leurs déjections.

Savez-vous par exemple que les salamandres à dos rouge d’Amérique du Nord femelles inspectent les crottes de leurs congénères mâles, jugeant l’état de santé d’un futur partenaire sexuel à la qualité des restes de ses repas ? Non, la coprologie n’a pas été inventée par la médecine chinoise !

Une station d'épuration urugayenne

Une station d’épuration urugayenne (Wikimedia commons)

… Mais point trop n’en faut !

Certains spécialistes affirment que l’apparition des maladies infectieuses date des débuts de la domestication des animaux, il y a 10 000 ans environ, du fait de la proximité des humains avec le fumier (on y revient).

Et l’explosion récente de la population humaine et des animaux domestiques, jointe à une urbanisation galopante amenant un regroupement des excréments humains n’arrange rien. La liste des maladies liées aux excréments est longue : hépatite A, gardiase, amibiase, maladies liée à l’Escherichia coli,  campylobactériose, choléra …. Les morts se comptent en millions.

On connaît les moyens de limiter les maladies liées à l’omniprésence des excréments : meilleur traitement des ordures, eau courante (chasses d’eau, lavabos pour se laver les mains, tout-à l’égout) et stations d’épuration. Une solution connue mais loin d’être généralisée sur la planète, c’est bien là le problème.

Justement le 19 novembre 2019 se tiendra la journée mondiale des toilettes organisée par les Nations Unies et destinée à nous sensibiliser sur cette crise mondiale de l’assainissement. Souhaitons bonne chance à cette journée en prononçant bien fort un mot de cinq lettres.

Ayé j’ai fini … mon article

 

Pour aller plus loin

    Couverture du livre Merde : ce que les excréments nous apprennent sur l'écologie, l'évolution et le développement durable / David Waltner-Toews. Piranha, 2015.   Couverture du livre Construire des toilettes sèches à compost : écologiques, économiques et confortables / Patricia Beucher, Ulmer, 2017. Couverture du livre Comment la vie a commencé / Aexandre Meinesz, Belin, 2016.

 

couverture du livre Safari dans la bouse / Marc Giraud, Roland Guarrigue. Delachaux et Niestlé, 2014.  Couverture du livre Le livre très sérieux du caca : le transit au-delà des tabous / Caroline Balma-Chaminadour, Jouvence Éd., 2018.  Page du titre du livre Les œuvres de [Bernard] Palissy / publiées d'après les textes originaux avec une notice historique et bibliographique et une table analytique par Anatole France. 1880.

 

Couverture du livre Les matières organiques des sols: rôles agronomiques et environnementaux / Raoul Calvet, Claire Chenu, Sabine Houot. Éd. France agricole, 2011.  Couverture du livre Au cœur du caca / Bunpei Yorifuji, Kôichirô Fujita. Éditions BP 42, 2018.  Jaquette du DVD La fabuleuse histoire des excréments /réalisation De Thierry Berrod et Quentin Russel, ZED, 2016.

 

 

Quelques questions du Guichet du savoir

Question pipi-caca

Couleur pipi-caca

Étrons flotteurs

Excréments au Moyen-âge

Excréments au Pôle nord

Les serpents font-ils pipi et caca ?

Les plantes font-elles caca ?

Fréquence du passage aux toilettes

Selles quasi fluorescentes

Henriette de Mortsauf, la “céleste créature” du Lys dans la Vallée faisait-elle caca ?

 

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