Road-trip musical
Welcome to the Stoner Rock Valley
Publié le 20/11/2019 à 15:00 - 13 min - Modifié le 19/11/2020 par Juliette A
Le stoner rock, c’est l’univers de l’acide lysergique, des riffs lourds et lents, hypnotiques : suivez-nous dans ce road-trip désertique !
Cette musique entêtante et psychédélique a trouvé son nom avec la compilation Burn One Up : music for stoners parue en 1997 chez Roadrunner records, mais ses racines ont commencé à pousser dans le désert californien de Joshua Tree dès le début des années 1990, voire avant.
Un tempo ralenti, des rythmiques et des riffs répétitifs proches de la transe, une basse lourde et compacte sont les éléments qui caractérisent le stoner rock, aussi appelé desert rock. Courant issu du rock psychédélique des années 70, ce sont aussi les influences de Black Sabbath, Hawkwind ou encore Deep Purple qui ont fait naître ce métissage mêlant des lignes hypnotiques au caractère puissant du hard rock. Un des premiers groupes à l’origine de ce genre et qu’on pourrait qualifier de matriciel est Blue Cheer, groupe californien des années 1960, avec leur premier album Vincebus Eruptum (1968). Avec le titre “Doctor Please”, on est déjà clairement dans l’univers stoner : presque 8 min d’une rythmique implacable et de guitare fuzz, pour un son brut et frontal, explosif.
Mais le groupe qui a incontestablement rassemblé et inspiré ce mouvement musical, c’est Black Sabbath, avec l’album Master of Reality (nom qui sera ensuite adopté par un autre groupe), sorti en 1971. Le titre “Sweet Leaf”, ode à la feuille de Marijuana, débute par un son de toux du guitariste, prélude à un titre alourdi parla fumée de cette “douce feuille” : riff se répétant à l’infini, simplicité de la construction, paroles louant les plaisirs interdits, tout est là pour constituer ce qui deviendra plus tard le stoner.
La scène stoner émerge dès le milieu des années 1980, avec une multitude de groupes évoluant dans ce milieu alors confidentiel : ce n’est que bien plus tard qu’ils seront remis sur le devant de la scène par des artistes devenus phares. Mais à ce moment-là, ces groupes encore inconnus se retrouvent régulièrement pour faire des concerts sauvages au milieu du désert et des canyons, à l’aide de groupes électrogènes : c’est sur cette scène alternative que naîtra l’un des premiers groupes phares, qui se fait alors appeler Sons of Kyuss.
Kyuss
S’il y a un groupe à qui l’on peut attribuer la paternité du stoner, c’est bien Kyuss. Formé en 1987 par des lycéens de Palm Desert en Californie, il est alors constitué de John Garcia (chant), Josh Homme (guitare), Chris Cockrelle (basse) et Brant Bjork (batterie). Le groupe s’appelle alors Katzenjammer mais sera bien vite renommé Sons of Kyuss en 1989 (en référence à un monstre de Donjons et Dragons) puis simplement Kyuss en 1990 lors de la sortie de leur EP Sons of Kyuss… Ils ont alors seulement 17 ans !
Ils partent à Los Angeles enregistrer pour Chameleon Records l’album Wretch (1991) avec cette fois Nick Oliveri à la basse. Il sera lui-même remplacé après la sortie du second album, Blues For The Red Sun par Scott Reeder.
C’est avec ce line-up qu’ils enregistrent le troisième album Welcome to sky valley le dernier avec que Brant Bjork ne quitte le groupe, remplacé par Alfredo Hernández : c’est l’album qui aura la plus grande audience auprès de la critique.
Le son de Kyuss, c’est un martèlement sans faille de basse et de batterie, soeurs jumelles de riffs lourds et hypnotiques. La guitare de Josh Homme est elle aussi singulière : un son distordu par les effets, et par l’utilisation d’un ampli basse. La voix tendue, geinte, criée de John Garcia vient lacérer cet univers épais et heavy. L’incroyable titre “Gardenia”, aux rythmiques quasi tribales, en est un parfait exemple.
En 1995, Kyuss sort un album avec un titre pour le moins évocateur, And The Circus Leaves Town, qui sera le dernier. Josh Homme décide alors de dissoudre le groupe, qu’il estime être arrivé au sommet de sa créativité : en 1997 Kyuss n’est plus, mais aura ancré durablement les racines et les contours du stoner.
Ils se retrouvent une dernière fois au studio El Rancho de la Luna, et enregistrent un split avec un groupe encore mystérieux… Queens of the stone age !
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Queens of the Stone Age
Après la séparation du groupe Kyuss, Josh Homme décide de créer son propre projet. Il s’entoure alors de Matt Cameron (ex-Soundgarden et Pearl Jam) à la batterie, Van Conner (ex-Screaming Trees) à la basse et John McBain de Monster Magnet à la guitare. Ce premier groupe, Gamma Ray, réalise un EP en janvier 1996. Mais ils sont menacés de poursuites par un groupe allemand utilisant le même nom : c’est là que Josh Homme va rebaptiser le groupe. C’est la naissance de Queens of the Stone Age.
Après quelques changement de line-up et l’arrivée d’Alfredo Hernández à la batterie et de Nick Oliveri à la basse, un premier album studio sort en 1998 : Queens of the Stone Age, bien accueilli par la critique. Avec un stoner moins lourd et plus rapide le groupe a su éviter la comparaison avec Kyuss et trouver son propre style. Les morceaux sont composés par Josh Homme et Alfredo Hernández, fils rouges de ce groupe à la géométrie fluctuante. Josh Homme est le seul membre permanent, et s’entoure successivement de Dave Catching, Mark Lanegan, Chris Goss ou encore Dave Grohl. C’est avec l’album Rated R que QOTSA installera durablement son style, avec des influences beaucoup plus pop, notamment au niveau du chant, et en s’éloignant des racines stoner.
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Fu Manchu
Fu Manchu a été formé en 1987 par Kenn Pucci (chant), Scott Hill (guitare), Greg McCaughey (basse) et Ruben Romano (batterie). Il s’agit au départ d’un groupe de punk hardcore connu sous le nom de Virulence. Ce n’est qu’en 1990, lors de la sortie de leur premier single stoner “Kept Between Trees” que le groupe change de nom et devient Fu Manchu.
En 1995, Fu Manchu sort Daredevil avec un nouveau line up, puis, un an plus tard, l’album In search of… Le rock de Fu Manchu y est toujours aussi lourd et puissant mais, à la différence de beaucoup d’autres groupes de la mouvance stoner, très dynamique, ce qui leur permet de se démarquer des autres groupes et de se forger une solide réputation live en obtenant un vrai statut de cult band.
En 1997, avec l’arrivée de Brant Bjork (ex Kyuss) à la batterie et Bob Balch à la guitare en remplacement de Glass et Romano (partis fonder Nebula), c’est un album très différent qui s’annonce. The action is GO! est non seulement un très bon album stoner, mélange d’énergie punk et de fuzz du desert rock, mais c’est aussi celui qui va ouvrir les portes du marché européen à Fu Manchu.
Par la suite, le groupe sortira des albums sans s’éloigner d’un univers bien rôdé : c’est en 2018 qu’ils surprennent à nouveau leur public avec Clone of the Universe, bien plus expérimental, notamment dans le dernier titre “Il mostro atomico”.
https://www.youtube.com/watch?v=hP0bR7vpRVM
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Monster Magnet
Aux origine de Monster Magnet, il y a Dave Wynford : un passionné de rock psychédélique et de punk qui, dans les années 70, chante dans le groupe Shrapnel (à mi-chemin entre punk et powerpop). Après la dissolution de ce groupe en 1984, il apprend la guitare en autodidacte et décide de donner sa propre vision d’un rock psychédélique, influencé par le hard rock. Il persuade Tim Cronin, John Mc Bain, Joe Calandra et Tom Diello de se joindre à lui, formant ainsi les Monster Magnet. En alliant leurs influences metal, punk, space rock et psyché, le groupe développe un son hard rock lourd et mystique qui séduit le public.
En 1990, le groupe signe chez Caroline Records et sort le single Murder/Tractor. En 1991, leur premier album studio, Spine of God, est bien accueilli par la scène stoner rock et devient par la suite un des albums fondateurs de ce courant. Après des changements de line-up et de label, ils sortent Superjudge et Tab (1993), puis Dopes to Infinity (1995), et Powertrip (1998). C‘est cet album qui leur permettra enfin d’atteindre la notoriété et de devenir un groupe de stadium rock, en tournant aux côtés d’Aerosmith, Metallica, Rob Zombie, ou encore Marilyn Manson.
Depuis les années 2000 et l’explosion de cet album, Monster Magnet est lentement revenu à une esthétique plus underground et davantage psychédélique.
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Sleep
Sleep s’est formé vers le début des années 90 à San José, en Californie, par le bassiste et chanteur Al Cisneros, les guitaristes Matt Pike et Justin Marler et le batteur Chris Haikus. Souvent comparé à des groupes comme Saint Vitus, Sleep a davantage une esthétique doom à l’origine : des tempos lents, un univers dépressif et une voix lugubre. Il faudra attendre le départ de Justin Marler (qui quitte la musique pour devenir moine!) et la sortie de Sleep’s Holy Mountain en 1993 pour que le virage stoner soit amorcé et qu’ils soient reconnus en tant que leaders de la scène émergente au côté de Kyuss et de Monster Magnet. Sleep’s Holy Mountain est largement considéré comme un album ayant contribué au développement du stoner metal, avec son titre phare “Dragonaut”.
Signés chez London Records, ils débutent l’enregistrement de leur troisième album en 1995 : Dopesmoker. Il s’agit d’un single long de plus d’une heure, et ce choix esthétique radical effraie le label, qui refuse de le sortir tel quel. Sleep n’accepte pas de scinder le titre (parfois appelé Jerusalem), qui sera diffusé par plusieurs labels sous différentes versions avant d’être réédité en 2003. Plus d’une heure de guitare fuzz et de basse abyssale, fondues dans un univers cosmique, un trip mené par une voix rauque et enfumée par la marijuana. Presque un seul long riff, dont le parti pris pourrait paraître inaccessible à la première écoute, mais qui dévoile une lente montée en puissance.
Sleep revient en 2018 avec l’album The Sciences, creusant le sillon du stoner doom.
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Nebula
En 1997, le chanteur et guitariste Eddie Glass et le batteur Ruben Romano quittent Fu Manchu, et recrutent le bassiste Mark Abshire pour former un nouveau groupe : Nebula. Le line-up évolue ensuite beaucoup, avec comme seul membre permanent Eddie Glass.
Leur premier EP Let It burn (1997), connaît un véritable succès auprès des amateurs du genre : un power trio de stoner aux sonorités bluesy. Les albums qui suivent confirment leur talent et les imposent définitivement comme l’un des groupes majeurs de la scène stoner. Ils sont repérés dès leur premier album To the Center (1999), véritable claque de sons saturés et distordus, emmenés par une rythmique groovy.
Mais c’est véritablement Atomic Ritual, leur troisième album sorti en 2003, qui les fera exploser, avec leur heavy puisant dans les racines du stoner, du space rock et du psychédélisme.
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Orange Goblin
Le stoner, bien que trouvant ses racines en Californie, a essaimé outre Atlantique. Orange Goblin voit le jour en 1995 dans le quartier de Soho à Londres sous le nom de Our Haunted Kingdom. La formation s’articule alors autour de Ben Ward (chant), Joe Hoare (guitare), Pete O’Malley (guitare), Martin Millard (basse) et Chris Turner (batterie).
Le groupe publie un split-single en 1996 avec Electric Wizard puis change de nom pour celui d’Orange Goblin. Leur univers est très contrasté, entre des filiations certaines avec le rock psychédélique pur et un lien fort avec Black Sabbath ou Hawkwind.
Leur deuxième album, Time Travelling Blues, sorti en 1998, propose un univers oscillant entre les lourds riffs de basse, la voix fantômatique de Ben Ward, et des ruptures rythmiques très énergiques, comme dans le titre “Shine”.
Le groupe a produit une discographie riche, mais a ensuite évolué vers une esthétique davantage hard rock que psychédélique, s’éloignant de ses racines stoner rock.
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Ramifications du stoner
Nous aurions pu présenter de nombreux autres groupes de stoner rock, genre dont vous pouvez parcourir les ramifications sur l’excellent site Every Noise at Once.
Rancho de la Luna et Desert Sessions
Au centre de cette myriade de groupes, un point de ralliement : El Rancho de la Luna.
Perdu au milieu du désert et des arbres de San José, ce studio est créé au début des années 1990 par l’ingénieur du son Fred Drake et le musicien Dave Catching. Josh Homme, encore dans Kyuss, entend parler de ce studio et de son matériel, et c’est là-bas qu’il rassemblera une dizaine d’artistes pour une semaine de jam hypnotique. En 1998, la session paraît sur le label Man’s Ruin, c’est la première des Desert Sessions.
Une playlist à écouter pendant votre lecture, ou à emporter avec vous !
Pour aller plus loin
- L’histoire et anthologie du stoner, avec l’excellent : Stoner : blues for the red sun / Jean-Charles Desgroux
- Une visite du Rancho de la Luna
- Le documentaire (VO non sous-titrée) LO Sound Desert sur la scène californienne.
- Les catalogues des labels Man’s Ruin, Roadrunner records, MeteorCity et Relapse records.
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