Sea of Buddha
La dévoration lumineuse selon Sugimoto
Hiroshi Sugimoto
lu, vu, entendu par Dalli - le 08/02/2018
En plaçant l’objet photographié à la lisière de l’abstraction, porteur de sérénité et d’inquiétude mêlées, Sugimoto pense l’accélération et l’imminente fin de l’humanité. A 69 ans l’artiste, collectionneur d’art, revient s'installer au Japon. Si, dit-il, son « art se contente de refléter la nature », il se fonde sur des phénomènes physiques mués en poésie. L’artiste transcende la temporalité, l’histoire de l’humanité, les éléments, l’architecture…
Avec Sea of Buddha, il interroge l’expérience du regard porté sur une statue de Bouddha dans un monde qui n’a plus la foi selon lui. Nous sommes, il en est convaincu, inscrits dans un système de disparition programmée, un état néant dans lequel le cycle de la naissance comme celui de la mort vont se dissoudre.
1164, 13, 120, 33, 1000, 1001, 28, 21, 1973…Le Sanjûsangendô (Paradis de la Terre Pure) érigé au 13e siècle en 1164 (époque Heian) à l’heure du déclin du bouddhisme à Kyoto, est un temple qui s’étire dans le temps, dans l’espace (120 mètres de long). Il démultiplie les intervalles (33) et les statues (1000), s’inscrit dans la profusion, la densité concentrant l’or dans la pénombre avec les 1000 Kannon (Kan (observer) on (le son) celle qui entend les cris du monde, la compassion) aux 21 bras chacune tenant de petits outils. En cyprès du Japon patiné d’or, elles sont restaurées en continu depuis 1973 et gardées par 28 divinités. En son centre, sur une fleur de lotus une divinité plus grande est assise, la 1001ème.
Sugimoto garde un souvenir extatique de l’heure où la lumière s’infiltre dans le temple dévorant les divinités, les caressant,rasant l’auvent du bâtiment avant de l’envahir au point de l’immerger dans une lumière aveuglante, une phase immatérielle de disparition momentanée. Pour retrouver cette sensation, cette quête du Paradis de la Terre Pure, il négocie pendant 7 ans avant d’obtenir l’unique autorisation délivrée à ce jour, de photographier l’idée du secret éphémère et immuable de l’intérieur.
Il en résulte un livre d’artiste Sea of Buddha, un film d’artiste ainsi qu’une monographie dédiée à son travail photographique et à sa parole : Accelerated buddha.
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