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Lichen

Théâtre

Magali Mougel

Un père, sans travail, vit avec sa fille dans un îlot urbain qui va être rasé pour construire des ateliers d’artistes. Le père ne veut pas quitter sa maison. Il résiste.

C’est une petite fille qui parle. Son père ne veut pas abandonner sa maison, ses pigeons, ce lieu où il a toujours vécu.

L’écriture tendre et naïve, à hauteur d’enfant, est très poétique. C’est un texte très dur et très fort sur le déracinement forcé et la résistance. Il pose également la question de ce qui persiste après la destruction. Comment continue-t-on à lutter quand a priori il n’y a plus rien ? Y a-t-il un bonheur possible sur des ruines ?

Magali Mougel a écrit ce texte suite à une longue résidence dans le Bassin minier du Pas-de-Calais. Elle a partagé le quotidien des habitants de cette région dont les quartiers ont été réhabilités. Elle y croise notamment un homme qui ne veut pas quitter sa maison. Il va l’obséder et énormément la toucher. “Il devient celui qui se bat pour ne pas tout perdre dans Lichen. Le texte commence là.”, dit l’autrice.

Ce texte a reçu le Grand Prix de Littérature dramatique 2024.

Magali Mougel

Après des études à l’Ensatt à Lyon (2008-2011), Magalie Mougel a enseigné à l’Université de Strasbourg et a été rédactrice pour le Théâtre national de Strasbourg. En 2015, elle choisit de se consacrer entièrement à l’écriture théâtrale.
Elle collabore avec de nombreux théâtres et des compagnies en France et en Suisse. Ses pièces sont jouées dans de nombreux pays.

Extrait

Papa tourne en rond comme un lion en cage. Il va de la porte de la cuisine à la table de la cuisine. Il allume une cigarette, la fume, puis l’éteint. Papa tourne en rond et tu le regardes faire un ballet de désolation alors que ta tartine en main plonge puis ressort de ton bol pour, au fur et à mesure, disparaître dans ta bouche. Il y a depuis ce matin une fuite au plafond. De l’eau qui s’infiltre. De l’eau qui fraye son chemin entre les briques. De l’eau qui a réussi à entrer et qui tombe, goutte à goutte, dans un bol à côté de ton bol. Demi-tour, Papa s’arrête net devant la fenêtre. « Les chênes », dit-il. Les chênes ont grandi. Ou ils ont attrapé plus de feuilles. Ou quelque chose a changé. Cette nuit. Ça a été vite. Cette nuit. Quelque chose a bougé. « Il y a plus de chênes qu’hier », il dit. « Ces arbres, c’est du chiendent », il dit. « Si on les laisse faire, ils vont tout recouvrir. Tout faire disparaître. Engloutir. Et transformer irrémédiablement le paysage. Modifier irrévocablement le paysage. Gommer tout ça, pour toujours. Il faudrait les abattre, ces arbres. » Tu penses à ce qu’il y a au-dessus de la terre. Tu penses à ce qu’il pourrait y avoir sous terre. Tu poses la question. Il n’y a rien en dessous. Il n’y a plus rien. C’est sec. « Je sors. », il dit. Il ouvre la fenêtre. Jette la cigarette. « Il n’y a plus rien depuis longtemps. S’il y avait encore une possibilité de quoi que ce soit venant de sous la terre ça se saurait. »

Pour aller plus loin

Voir dans le catalogue de la BML

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