
L’apparence du vivant
Charlotte Bourlard
lu, vu, entendu par Yôzô-san - le 28/04/2022
« Pendant plus de quarante ans, elle a passé ses soirées de solitude à écouter les symphonies de Bruckner, focalisée sur les détails qui narguent la mort, les plis de la peau et le tracé des veines, la couleur des caroncules. Elle a appris seule, avec des vieux bouquins de taxidermie. Elle a acquis chaque geste et chaque technique, les différentes recettes et les petits secrets, elle a merdé puis recommencé, des milliers de fois, inlassablement, jusqu’à rendre aux cadavres la vie qu’elle leur avait ôtée. »
Anciens propriétaires d’un funérarium, les Martins sont désormais un couple âgé. Afin de s’occuper d’eux, ils accueillent en leur demeure une jeune photographe captivée par la mort. Dans la maison, elle découvre la passion du couple avec d’innombrables animaux empaillés par Mme Martin, comme pour leur faire accéder à l’éternité. Entre les deux femmes, une complicité se noue et la vieille dame entreprend d’enseigner à sa jeune protégée l’art de la taxidermie. Un art dans lequel elle excelle et qu’elle veut amener à son apogée avec une œuvre nouvelle avant de disparaître. Mais pour cela, il y a du travail du travail à accomplir. Un travail dans lequel la morale n’a pas sa place, pas plus que la légalité…
Premier roman étrange dans lequel les apparences sont trompeuses à bien des égards, ce livre transporte le lecteur dans une ambiance à la fois douce et mortifère avec des personnages tout en ambiguïté, capable de commisération, d’amour mais aussi de prendre des vies au nom de leur art. Un roman hypnotique, formidablement bien écrit (attention, les descriptions des travaux de taxidermie nécessiteront d’avoir le cœur bien accroché), et qui plonge son lecteur dans un état second en l’enfermant avec ces trois protagonistes au sein de cette maison cachée derrière les tilleuls. Un texte très fort qui aborde la question de la vieillesse et de la mort d’une façon très originale.
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