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Foot la machine à broyer

Eric Champel

Dans les coulisses du football

Pour succéder aux dithyrambes diffusées sans recul par la couverture médiatique lors des jeux olympiques, se pencher sur les coulisses de la pratique sportive peut ne pas être inutile.

C’est ce que nous permet l’ouvrage d’Eric Champel, ancien grand reporter au quotidien l’Equipe et à l’hebdomadaire France Football.

Il nous apprend qu’avec 1027 joueurs évoluant à l’étranger en 2019 la France est le deuxième exportateur de main d’oeuvre footballistique derrière le Brésil.En revanche le championnat français est celui où les inégalités de salaires sont les plus importantes d’Europe.

Cependant le revenu annuel moyen d’un joueur de Montpellier, club de milieu de tableau est de 640 000 euros sans les primes. Cela aiguise les appétits, mais, si les prétendants sont nombreux, le nombre d’élus est considérablement réduit. 85% des jeunes qui intègrent le centre de formation d’un club professionnel ne réussissent pas à obtenir un contrat. Les recruteurs cherchent des joueurs de plus en plus jeunes, même ceux qui ont 12 ou 13 ans. C’est un univers dénaturé par l’appât du gain et balisé par les destins brisés de ceux qui restent sur le bord de la route.

Car de multiples intermédiaires, parfois peu compétents, approchent ces joueurs pour leur faire miroiter un avenir prometteur qui, statistiquement, a peu de chances de se réaliser. Par ailleurs, certains clubs ,profitant des énormes flux financiers qui circulent dans le milieu ont des financements opaques grâce auxquels ils achètent des joueurs pour les revendre avec des plus- values juteuses. La dimension purement spéculative prend le pas sur la dimension sportive.

A ce titre le championnat français de football est celui qui, en Europe, a les joueurs dont la moyenne d’âge est la moins élevée. Cela est dû à la volonté de devancer les recruteurs d’autres clubs et de rentabiliser rapidement la mise de départ. Cela a pour conséquence de fragiliser des organismes soumis trop tôt à d’importantes charges de travail.

Cette frénésie de la réussite gagne même les footballeurs amateurs qui, grâce à une application,renseignent leur profil et mettent à jour leurs performances. Le miroir aux alouettes brille de mille feux. Cela rend d’autant plus difficile la tâche des éducateurs qui font face à une nouvelle génération de joueurs qui n’ont pas toujours les codes de la vie en société.

Ils sont d’autant plus vulnérables face aux dérives du milieu. Le transfert d’un joueur générant beaucoup d’argent, celui ci est parfois racketté par des connaissances ou par des voyous qui savent être persuasifs. Ainsi certains clubs sont gangrénés par une mafia suffisamment puissante pour négocier des bénéfices avec des clubs ou des agents de joueurs.

En conclusion, citons quelques chiffres:sur une base de 100 000 licenciés âgés de 11 ans, 700 intègrent un centre de formation au moins une saison. Le taux d’échec est de 90 % pour les jeunes âgés de 12/13 ans.Sachant que dans les centres de formation il y a trop peu d’exigence sur le plan scolaire quel avenir attend ces jeunes gagnés par les mirages du foot business?

Malgré la présence d’éducateurs qui ont une éthique il est difficile dans un milieu où les enjeux financiers sont considérables de protéger une jeunesse vulnérable aux appels d’une gloire supposée. Loin d’une vision superficielle entretenue par le milieu sportif, il est temps de se pencher sur la réalité d’une situation aux antipodes de l’image fantasmée qui nous est transmise par le seul récit des exploits sportifs.

Voir dans le catalogue de la BML

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