
Du commerce dans la peau
Pierre David
lu, vu, entendu par Tori - le 15/03/2021
Cette œuvre de Pierre David est surprenante voire inquiétante. En tout cas elle ne nous laisse pas indifférents.
Nuancier
Sous la forme traditionnelle d’un nuancier, catalogue définissant visuellement un ensemble de couleurs, quarante hommes, quarante employés du Musée d’Art Moderne de Salvador de Bahia (ancienne capitale du Brésil) acceptent de poser torse nu, de face, sur fond neutre en studio et de dos. Chaque lamelle du nuancier présente une « couleur de dos » au recto, et le portrait en buste de l’homme correspondant au verso.
de la couleur…
Pierre David a agencé les lamelles de la plus claire à la plus foncée. Et comme dans un nuancier commercial, les teintes sont produites industriellement (par Sikkens pour ce catalogue). Chaque couleur a un identifiant unique et porte le nom de chaque personne. Une lamelle comme une forme de vie singulière.
Ne nous trompons pas, il ne s’agit pas des couleurs sable des plus belles plages de Salvador de Bahia (qui s’étendent sur environ 60 kilomètres) mais bien d’un panel de la diversité raciale et chromatique de sa population.
Comment comprendre et interpréter ce nuancier aux couleurs humaines ? Plusieurs lectures s’offrent à nous : sociologique, ethnographique ou simplement esthétique. « Chez Pierre David la représentation du corps conteste les codes sociaux qui enferment chacun dans des catégories ethniques, stylistiques et comportementales. » selon Caroline Bongard, directrice des musées de Chambery.
… à la lumière
Mais la couleur n’est-elle pas une construction humaine, qui sert à établir des distinctions, et parfois des discriminations ? Elle permet d’identifier, de sélectionner et de choisir. Mais du point de vue de la physique, la couleur est avant tout lumière, spectre continu, onde électromagnétique continue qui dans le visible se voit sous forme d’arc en ciel. C’est l’homme qui la découpe en sept couleurs, puis Sikkens (ou autres fabricants de peinture) en des milliers de nuances. La lumière est une. L’homme décide de la découper.
attraction / répulsion
Paradoxalement ce nuancier qui catégorise dit en même temps le caractère éminemment personnel du goût, du désir.
Trouver la couleur et plus que la couleur, la texture, le grain qui nous répugne, nous trouble, nous attire, la nuance que nous aimons. Est-ce celle qui nous ressemble, ou celle qui donnerait un ton dépaysant au mur de la chambre à repeindre ? La chambre, lieu par excellence de l’intimité voire du secret où les corps, d’abord étrangers se rencontrent, se découvrent et se mêlent…
Cette œuvre a été réalisée dans le cadre de l’année de la France au Brésil 2009.
Première édition en 2009 : 250 exemplaires ; réédition RVB BOOKS en 2014 : 1200 exemplaire
Les photographies des modèles ont été prises par Thierry Chassepoux, la conception graphique du nuancier a été réalisée par le studio graphique Superscript2 . “Nuancier” a été financé par le groupe AkzoNobel.
Pour aller plus loin
Voir aussi Pierre DAVID « De l’usage de l’autre » exposition au musée des Beaux-Arts de Chambery du 21 mai au 18 septembre 2016. Paris : Dilecta : 2016
Voir dans le catalogue de la BML
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