Dostoïevski lit Hegel en Sibérie et fond en larmes
Làszlo F. Földényi
lu, vu, entendu par PASDEçaDANSMONSERVICE - le 07/12/2020
Après sa période de détention au Goulag comme condamné politique, Dostoïevski est envoyé comme simple soldat dans le sud de la Sibérie. Il s’établit dans une petite maison de village au milieu de nulle part et réfléchit à la rédaction d’un manuscrit en lien avec cette expérience douloureuse
Ce récit, imaginé par Laszlo F. Foldényi, trouve son inspiration, avant tout, dans la découverte, faite par l’écrivain Fiodor Dostoïevski, de l’ouvrage des « Leçons sur la philosophie de l’histoire » de Hegel paru en 1837.
A l’occasion de discussions et de lectures en compagnie du procureur local, Alexandre Iégorovich Wrangel, il découvre avec stupéfaction la sentence du « philosophe de l’Histoire » à propos de la Sibérie : « la morphologie du pays n’est pas propice à une culture historique ou à devenir un acteur particulier de l’Histoire ». La vie de l’auteur, ses souffrances, ses errements ne serviraient à rien car ils ne font pas partie du monde moderne et seraient inscrits dans un non-temps et un non-lieu historiques hégéliens.
S’ensuit une réflexion autour de l’Histoire, de la Sibérie à l’Afrique dans son intégralité, sachant que ce qui se joue dans le discours de Hegel, c’est le processus rationnel grâce auquel « la technique s’impose au XXe siècle comme le grand vainqueur », excluant tout ce qui sort de la Logique. Il ferait ainsi du monde contemporain cette « déclivité septentrionale » généralisée qui exclut de l’Humanité sa plus grande partie.
Dostoïevski opposerait à cette idée de la philosophie européenne et hégélienne, une philosophie comme pensée nomade. Ainsi, « l’Histoire ne révèle[rait] sa propre essence qu’à ceux qu’elle a au préalable exclus d’elle-même ». Cette lecture aurait été le déclencheur d’un changement radical de la pensée dostoïevskienne.
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Intéressante analyse de cet ouvrage que je ne connaissais pas. Pour ce qui est des exclus de l’histoire et de leurs terres, ne pas oublier le rôle de l’Église qui déclarait assez facilement terra nullius (territoire sans maître) des continents entiers pourtant habités depuis fort longtemps. Ce principe sera celui adopté par l’Europe colonisatrice : ainsi les aborigènes australiens sortis de l’histoire et exclus de leurs terres parce qu’ils étaient réputés ne pas la cultiver (en fait il semblerait que ce fut une affirmation fausse des premiers colonisateurs).