Théâtre
L’art de la comédie à l’italienne
Publié le 21/11/2016 à 10:00 - 6 min - Modifié le 14/12/2018 par le fonctionnaire inconnu
Oui, les footballeurs italiens sont de grands comédiens. Mais ils sont loin d'être appréciés des amateurs de ballon rond pour ce talent. Pourtant, en d'autres lieux, l'art de la comédie à l'italienne est très apprécié, et ce depuis des siècles ! Il s'agit de la Commedia dell'arte.
Mort il y a de cela quelques semaines, le dramaturge italien Dario Fo, prix Nobel de littérature et l’un des dramaturges italiens les plus représentés dans le monde avec Goldoni, avait fortement contribué à renouveler l’attrait pour la commedia dell’arte au cours du XXème siècle. Lui-même a été très admiratif et très influencé par Angelo Beolco, dit Ruzzante, le “vrai père de la Commedia dell’arte”.
« Un extraordinaire homme de théâtre de ma terre, peu connu… même en Italie. Mais qui est sans aucun doute le plus grand auteur de théâtre que l’Europe ait connu pendant la Renaissance avant l’arrivée de Shakespeare. Je parle de Ruzzante Beolco, mon plus grand maître avec Molière : tous deux acteurs-auteurs, tous deux raillés par les plus grands hommes de lettres de leur temps. Méprisés surtout parce qu’ils mettaient en scène le quotidien, la joie et le désespoir des gens du commun, l’hypocrisie et l’arrogance des puissants, la constante injustice »
Discours de Dario Fo lorsque lui fut attribué le prix Nobel en 1997.
Née d’une tradition populaire qui plonge ses racines dans la Rome antique, la commedia dell’arte est apparue en Italie au début du XVIe siècle. Théâtre populaire italien où des acteurs masqués improvisent “des comédies marquées par la naïveté, la ruse et l’ingéniosité”.
Il s’agit de l’un des phénomènes les plus importants du théâtre moderne, développé par des personnes aux professions jugées basses ou infamantes : bouffons, charlatans, saltimbanques, acrobates et prestidigitateurs… Des acteurs qui enfreignaient ouvertement les règles dominantes.
La plupart des acteurs étaient ainsi capables de multiples acrobaties, physiques ou verbales, connues sous le nom de lazzi, et qui faisaient la singularité de chacun d’entre eux. De même, ils disposaient d’une grande liberté de jeu et avaient un grand talent d’improvisateur.
La commedia dell’arte a rapidement imposé des types, caractérisés chacun par un nom, un costume, un masque, et un art particulier du jeu théâtral, reposant sur cette faculté d’improvisation à partir d’un canevas comique. Les personnages de la commedia dell’arte reviennent dans toutes les pièces. Certains personnages sont ainsi extrêmement célèbres comme Polichinelle, Pantalon (d’où l’expression pantalonnade !), le Capitan ou bien évidemment Arlequin.
Il y a bien eu quelques textes écrits mais la plupart du temps il s’agissait d’improvisations très attachées aux particularités locales. Nombre de compagnies itinérantes, en Italie et en France principalement, pouvaient ainsi jouer, sur des tréteaux, des situations inspirées des contextes locaux et attirer un public nombreux.
La popularité de la commedia dell’arte fut extraordinaire, principalement au XVIIIème siècle. A tel point que certains gouvernements tentèrent de la censurer.
La commedia dell’arte inspira alors les plus grands dramaturges français de l’époque, comme Pierre Corneille, Molière ou Regnard. A tel point qu’un certain nombre de leurs pièces fut repris, réduit à leur canevas, dans le répertoire de la commedia dell’arte !
Et jusqu’à aujourd’hui, à l’instar de Dario Fo, de nombreux auteurs et metteurs en scène s’inspirent et jouent encore avec les codes de la commedia dell’arte…
Quelques textes de Ruzzante (ou Ruzante)
- Scènes de la commedia dell’arte / Ruzante [Livre]
- Les noces de Betia / Ruzante [Livre]
- Retour de guerre ; (suivi de) Bilora / Ruzante [Livre]
Pour aller plus loin
GENERALITES
- Commedia dell’arte [Encyclopédie Larousse en ligne]
- La commedia dell’arte et ses enfants / Pierre-Louis Duchartre [Livre]
Bien qu’un peu ancien (1955 !), il s’agit de l’un des ouvrages les plus complets sur le sujet, et les plus richement illustrés. - L’art du masque dans la commedia dell’arte / Donato Sartori et Bruno Lanata [Livre]
L’histoire du masque, l’influence et les formes dérivées de la commedia dell’arte, avec une riche iconographie.OUVRAGES PRATIQUES
- Commedia dell’arte : le jeu masqué / Michèle Clavilier, Danielle Duchefdelaville [Livre]
Une approche pratique de la commedia dell’arte, à travers une description systématique de chaque personnage, un recueil des principaux lazzi, des exemples de canevas originaux, des techniques diverses d’improvisation et de réalisation pratique de masques et de costumes. - Voyage en commedia dell’arte / Patrick Pezin [Livre]
Contient un recueil de textes, avec des prologues, des scènes de contrastes, des tirades, des bons mots et des répliques pouvant servir dans différentes occasions. Des paroles d’acteurs pour les acteurs.POUR LES ENFANTS :
- Théâtre en scène : 7 pièces pour les 10-15 ans : la commedia dell’arte / Anne-Caroline d’Arnaudy, Hélène Bayard, France Kadah-Theys [Livre]
Avec une introduction sur les principales caractéristiques de la commedia dell’arte, son histoire, les personnages typiques, la fabrication des masques, le masque et le jeu. - Commedia dell’arte [Livre] [également disponible en ligne au format Pdf]
Ouvrage à destination des adolescents proposant des textes pour improviser autour de personnages fameux de la comédie italienne.ESSAIS :
- La commedia dell’arte : introduction au théâtre professionnel italien entre le XVIe et le XVIIIe siècle / Claude Bourqui [Livre]
- Le masque et l’âme : de l’improvisation à la création théâtrale / Irène Mamczarz [Livre]
- Arlequin : vie et aventures de Tristano Martinelli, acteur / Siro Ferrone [Livre]
Témoignage sur la vie des comédiens dans l’Europe cosmopolite du XVIe siècle, en particulier sur Tristano Martinelli (1557-1630), acteur acrobate et funambule qui imposa le personnage d’Arlequin au costume coloré. - La farce : un genre médiéval pour aujourd’hui ? [Revue Etudes théâtrales n° 14]
Est-ce bien la peine de s’intéresser à la farce en cette fin de XXè siècle ? D’autres pourront juger que cet “affrontement comique de personnages populaires cherchant à duper ou à dominer autrui” n’engendra que gaudrioles bien trop vulgaires pour qu’on s’y attarde. C’est bien sûr faire peu de cas de l’énorme succès européen de la farce et de sa “cousine” la commedia dell’arte entre le XVè et le XVIIè siècle. - Ecrits sur le théâtre : dramaturgie de l’acteur et poétique théâtrale / Carlo Gozzi [Livre]
Dramaturge vénitien, Carlo Gozzi se fait d’abord remarquer en publiant des pièces et poèmes satiriques. Défenseur de la commedia dell’arte et de la littérature toscane contre les influences étrangères, il se pose en rival de Goldoni et de son théâtre réaliste. Il devient célèbre pour ses fables théâtrales, qui font se côtoyer sur scène la bouffonnerie des masques italiens et le merveilleux des contes populaires et littéraires, autour de situations puissantes.DARIO FO :
- Jongleurs des temps modernes : Dario Fo et Franca Rame / Brigitte Urbani [Livre]
Les caractéristiques essentielles du théâtre de Dario Fo, et de son épouse Franca Rame, sont présentées, à travers un panorama de leur carrière, un aperçu du contenu de leurs comédies ainsi que des techniques par lesquelles ils délivrent leur message. - Le monde selon Fo : conversations avec Giuseppina Manin [Livre]
Par le biais d’anecdotes multiples et vivantes, le dramaturge italien Dario Fo raconte son passé : l’Italie de l’après-guerre, son combat de gauche et son combat contre toutes les censures. Il décrit sa pratique d’homme de théâtre, sa sensibilité et son érudition. - Faut pas payer / une pièce de Dario Fo, mise en scène par Jacques Nichet [D.V.D.]
Une pièce emblématique de l’œuvre de Dario Fo : Antonia et Margherita ne peuvant plus faire face à l’augmentation des prix des loyers, les femmes du quartier décident alors “l’autoréduction des prix” dans leur supermarché habituel… - Mystère bouffe : jonglerie populaire / Dario Fo [Livre]
A VOIR AUSSI :
- Shadi / film documentaire de Maryam Khakipour [D.V.D]
A Téhéran, la tradition de la Commedia dell’Arte à l’iranienne, fondée sur une saine critique des institutions, n’est pas du goût des autorités. La compagnie Siâh Bâzi, expulsée de son théâtre, se rend à Paris à l’invitation d’Ariane Mnouchkine afin de monter un spectacle au Théâtre du Soleil…
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