RESIDENCE 2024 CIRQUE A VAISE

Héloïse et Diane en interview

Les arts du cirque au service d’un sujet de société

- temps de lecture approximatif de 12 minutes 12 min - Modifié le 06/12/2024 par rossinante

La médiathèque de Vaise est dotée, depuis son origine, d’une orientation thématique autour des arts vivants. Son auditorium offre un espace d’expression à des artistes tout au long de l’année. Du 5 novembre au 14 décembre, nous accueillons, des artistes circassiennes, un duo à ne pas manquer !

Programme résidence 2024 Médiathèque de Vaise
Programme résidence 2024 Médiathèque de Vaise

Au programme de ces six semaines : un travail de création à découvrir au fil de rencontres régulières, des animations pensées par la compagnie, des ateliers pour adultes et enfants, des rendez-vous cinéma, lecture et cirque en lien avec la résidence.


Les artistes

Héloïse Rodot de la compagnie « le fil à retordre »
Diane Gossiôme de la compagnie « les Goss »

Qui êtes-vous, comment êtes-vous arrivées à vos pratiques artistiques respectives ?

Heloïse : Je suis née à Fontainebleau. J’ai commencé par l’équitation à trois ans, cela me plaisait énormément et je participais à des concours. Je faisais aussi d’autres activités extrascolaires comme du violon, du kayak ou du tennis. Le déclic pour le cirque, je l’ai eu lors d’une représentation au centre aéré par des enfants qui avaient été en stage cirque, avec des enseignants du Cirque Pinder. Là, je me suis prise de passion pour les acrobates, j’ai décidé de m’inscrire au stage suivant et j’ai commencé le cirque à 6 ans. En découvrant les sensations au trapèze, je me suis dis que je serai trapéziste et l’idée ne m’a plus lâchée.

Diane : Moi je suis originaire de Dardilly et j’ai commencé par la danse. Petite, j’ai eu des cours d’éveil à la danse à l’école de mon quartier. J’étais dyslexique et il se trouve que mon orthophoniste y était professeure de danse. La danse a comme déverrouillé une situation de blocage. Latéraliser mon corps pendant les cours de danse, c’était facile. Je pense que c’est grâce à la danse que j’ai fait des progrès scolaires assez spectaculaires. A 8 ans, j’ai intégré le conservatoire régional de Lyon où j’ai pratiqué la danse classique jusqu’en classe de terminale.

Vos formations artistiques sont assez différentes…

Heloïse : Nous avons la danse en commun. J’ai commencé la danse étant petite avec le classique, contemporain, jazz… C’est après un stage de cirque que j’ai commencé la gymnastique, c’était ce qui se rapprochait le plus de l’acrobatie, n’ayant pas d’école de cirque près de chez moi. J’ai ensuite intégré l’Ecole Nationale de cirque de Châtellerault à 15 ans pour faire un bac littéraire option arts du cirque, puis le centre régional d’arts du cirque de Chambery : Arc en Cirque.

Diane : Le cirque est arrivé plus tard pour moi. Après le conservatoire de Lyon, je suis partie 2 ans à l’école-atelier Rudra Béjart à Lausanne en Suisse où j’ai appris à la fois la danse classique et moderne. C’est en 2017 à la Martha Graham School 2 (junior compagnie) à New York, que j’ai découvert les techniques Graham au sol. A mon retour en France, c’est tout simplement vers le cirque que je me suis dirigée.

Quelles sont vos disciplines de prédilection ?

Heloïse : Je suis une touche à tout mais je dirais principalement le trapèze-danse, la contorsion, les portés acrobatiques, le dressage de rats… J’aime aussi le travail de comédienne : interpréter un rôle et porter un personnage sur scène. J’ai hésité longtemps entre être comédienne au théâtre ou artiste de cirque.

Diane : Je pratique aussi l’acrobatie, l’équilibre sur les mains, la danse acrobatique… C’est pour pouvoir développer cette interdisciplinarité que j’ai créé cette année ma compagnie « les Goss », afin de pouvoir collaborer à plusieurs projets en même temps : passer du Hip Hop, au cirque, à la danse de rue. Mon calendrier professionnel tient du puzzle et c’est très enrichissant.

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Diane : Nous nous sommes croisées à des spectacles et chacune a été impressionnée par les performances de l’autre. Nous avions aussi des amis en commun dans le milieu lyonnais de l’acrodanse.

Heloïse : De mon côté il se trouve que je cherchais une partenaire pour monter un spectacle traitant de sujets tels que le poids, des injonctions à la beauté, du corps des femmes…


Le spectacle

Dans le cadre de la résidence  à la médiathèque, vous travaillez sur la création de votre première collaboration : le spectacle ENORME qui aborde la question des TCA. Pourquoi ce choix ?

Heloïse et Diane : En discutant, nous nous sommes aperçues que nous connaissions beaucoup de personnes touchées par les TCA (Troubles du Comportement Alimentaire). Près de 50 % au moins y ont été confrontées.

C’est étonnant ! On pourrait croire que le corps des circassiens et des danseurs est un outil tellement maitrisé et rodé qu’il ne pose pas de problèmes (à part le risque de blessures). La performance et la puissance des corps athlétiques semblent enviables et tiennent presque du modèle d’harmonie. On se dit que c’est la discipline qui modèle le corps…

Heloïse et Diane : Justement ! Le corps d’un athlète, c’est son problème numéro un ! Parce qu’on est habitués à ces modèles d’esthétique que sont la danseuse longiligne, la voltigeuse fluette, les acrobates musculeux et effilés… Or, un muscle, c’est lourd, c’est rond. Les danseuses et les circassiennes ont besoin du muscle pour performer mais il ne faut surtout pas que cela alourdisse leur silhouette. Comme si la grâce était synonyme de minceur. Cela entraine de gros problèmes de santé, impacte tout l’organisme ainsi que la santé mentale. C’est une souffrance qui reste silencieuse.

Heloïse : Par exemple, il y a un risque d’anorexie chez les équilibristes car on leur répète beaucoup qu’il ne faut pas qu’elles grossissent pour être performantes, alors qu’il y a des équilibristes rondes qui ont une très bonne technique ! Si une circassienne n’est pas assez mince, il lui faudra performer encore plus. Un peu comme si elle devait se faire pardonner un corps “normal” ou plus rond par des exploits encore plus remarquables. De 15 à 18 ans, je me rappelle avoir eu faim parce qu’on me demandait toujours de maigrir, pas pour améliorer mes capacités mais juste pour l’apparence.

Diane : Dans le milieu de la danse aussi, il existe ce genre de standards de beauté aberrants. On y entend par exemple « ce serait une belle danseuse avec 5 kg de moins, dommage ! ». Comme si les qualités de la danseuse reposaient uniquement sur son poids ! Non seulement, on nous invite à maltraiter nos corps avec des régimes draconiens mais en plus, avec cette obsession de la balance, on nous inflige cette douleur psychologique et mentale liée à la culpabilité, la perte de confiance, la mauvaise estime de soi…

Si vous aviez un message à transmettre…

Heloïse et Diane : ENORME, c’est surtout un spectacle de divertissement avec des acrobaties, des équilibres, de la pole dance, du jeu théâtral et clownesque, bref du cirque. C’est vrai, il y infuse un propos sérieux car nous aimerions sensibiliser le public aux TCA et changer un peu la perception qu’on peut avoir des standards de beauté. Il faudrait être capable de tolérer tous les physiques, ne pas être dans le jugement. Ce serait génial ! On espère que ce spectacle permettra d’instaurer une réflexion, un dialogue en plus d’amuser.

Etes-vous des habitués des bibliothèques ?

Diane : Oui quand j’étais petite, j’y allais avec l’école. Mon problème de dyslexie me portait plus vers les livres de cherche et trouve comme « Où est Charlie ? » .

Heloïse : J’ai été une grosse lectrice et emprunteuse en bibliothèque enfant. Avec mes frères et sœurs,  on avait lu tout le rayon jeunesse de notre bibliothèque de Fontainebleau et il a fallu aller jusqu’à la bibliothèque d’Avon pour pouvoir nous satisfaire. J’ai dû lire en moyenne 7 ou 8 livres par semaine, surtout des romans.

Heloïse et Diane : Aujourd’hui, devenues adultes, il faut bien avouer qu’on se retrouve plus dans les bibliothèques pour danser et performer que pour lire.

Et vous voilà donc à la bibliothèque de Vaise pour cette résidence… Qu’en attendez-vous ?

Heloïse et Diane : A Vaise, nous séjournerons six semaines. Six semaines au même endroit pour travailler, c’est un luxe ! La phase d’élaboration et de recherche pour monter un spectacle, c’est un moment où on se sent un peu fragiles. Alors se savoir entourées et accompagnées par toute une équipe bienveillante, c’est réconfortant. En amenant le cirque à la médiathèque, nous avons l’opportunité de rencontrer un public qui n’est pas forcément porté vers nos pratiques. C’est une belle occasion de vivre des situations inhabituelles et de susciter des réactions passionnantes.

Dont acte ! Lever de rideau le 9 novembre


Leur univers : les films, les livres et les musiques

Diane :

MUSIQUE : J’ai baigné enfant dans les morceaux de piano de Claude Debussy dont le Claire de Lune. J’ai un attachement particulier à la musique classique, comme si cela m’avait forgée. Aujourd’hui je suis plus qu’amoureuse de l’univers de Patrick Watson ou encore November Ultra. Mais j’écoute en général tout type de musique, le rap français comme “Mauvais Payeur” de La Fève ou bien des grands classiques comme Pink Floyd.
LIVRES : Petite, j’ai dévoré la trilogie de Pierre Bottero. “Le Pacte des Marchombres” était mon préféré. Aujourd’hui, je lis surtout pour m’informer : par exemple avec le livre de Camille Froidevaux-Metterie “Seins. En quête d’une libération”. J’aime aussi beaucoup la poésie, Camille Readman Prud’homme a écrit un recueil de poèmes “Quand je ne dis rien je pense encore” qui me transporte à chaque relecture.
FILMS : “Mulan” est le film que j’ai le plus regardé étant enfant. Les films qui m’ont le plus marquée sont “Close” de Lukas Dhont ou bien “Mommy” de Xavier Dolan, dernièrement “Un p’tit truc en plus” d’Artus.

Héloïse:

LIVRES : Étant enfant/ado, j’ai adoré « Moi, boy » de Roald Dahl ou « J’ai 14 ans et je suis détestable » de Gudule, mais également les livres de Anna Gavalda. Dans mes lectures plus actuelles, il y a : “Zaï zaï zaï zaï” de Fabcaro, Ovidie “Assise, debout, couchée !”, des auteur-e-s comme Virginie Despentes ou Charles Bukowski. J’aime aussi la poésie de Charles Baudelaire et d’Arthur Rimbaud.
MUSIQUE : J’aime beaucoup de styles différents. J’écoutais beaucoup Émilie Jolie étant petite. Actuellement, j’écoute aussi bien M, Orelsan, Odezenne, Flavia Coelho ou Soviet Suprem… que Saint-Preux, Louise attaque, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong ou Brassens et Brel…
FILMS : Enfant, « Moi César, 10 ans 1/2, 1,39 m » m’a beaucoup plu. J’aime les films d’Albert Dupontel  comme “Adieu les cons“, “Second tour” ou “Bernie“,  ainsi que ceux de Xavier Dolan “Miraculum” et “Laurence anyways“.  Je regarde aussi des films fantastiques comme “L’imaginarium du Dr Parnassus“, “Le labyrinthe de Pan” ou “Cloud Atlas” et bien sûr “Matrix“.

A propos des TCA :

Livres

Podcast

DVD

Partager cet article