La Marseillaise dans tous ses états
Publié le 04/05/2007 à 23:00
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11 min -
Modifié le 30/09/2022
par
Admin linflux
Par quels cheminements le chant de guerre pour l’armée du Rhin, composé à Strasbourg en avril 1792, en est venu à prendre la stature qu’il a revêtue : le premier des hymnes nationaux modernes, à la différence de ces chants autour desquels se reconnaissait l’Europe monarchique à l’âge de l’absolutisme, l’expression volontaire d’une conscience nationale.
la Marseillaise revêt un double visage : chant révolutionnaire, exaltant, à travers la liberté, les valeurs d’un monde nouveau, chant de guerre exprimant avec une âpreté que l’on a jugée parfois « sanguinaire » le patriotisme d’une nation en lutte.
Chant de guerre, chant de la Révolution Française :
Chant de guerre pour l’armée du Rhin, dédié à la gloire des Défenseurs de la Patrie.
Deux documents originaux que possède la BmL imprimés à Lyon en (1792 ?)
Le 20 avril 1792, la guerre a été déclarée par la France révolutionnaire « au roi de Bohême et de Hongrie », un officier français en poste à Strasbourg, Rouget de Lisle compose, dans la nuit du 25 au 26 avril, chez Dietrich, le maire de la ville, le « Chant de guerre pour l’armée du Rhin ».
Ce chant est repris par les fédérés de Marseille participant à l’insurrection des Tuileries le 10 août 1792
une icône républicaine : Rouget de Lisle chantant la Marseillaise par Isidore Pils

- Rouget de Lisle chantant la Marseillaise
Les Lieux de mémoire. I. La République sous la dir.de P.NORA,Gallimard Aux armes, citoyens, formez vos bataillons,marchez, marchez ! Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons ! , ce refrain dénonce avant tout l’ennemi étranger, cette « horde d’esclaves, de traîtres, de rois conjurés », ces « cohortes étrangères » qui riment avec phalanges mercenaires : et c’est au peuple en armes,_soldats , héros, guerriers, tour à tour « fiers » et » magnanimes »_qu’il s’adresse, pour l’inviter à se regrouper sous les drapeaux de la patrie afin de défendre fils et compagnes ; avec force et simplicité , la Marseillaise fixe pour longtemps les clichés de la patrie en armes.
Chant national…Hymne national
La Marseillaise en trente dates de 1792 à 1981… 14 février 1878 :
La Marseillaise est reconnue officiellement comme « hymne national français », sous la pression des républicains majoritaires à l’Assemblée
Le concert des nations:le tour du monde en 198 hymnes Jean-Marc CARA, Edition n°1

- concert des nations
Les emblèmes de la France par M.PASTOUREAU ,Editions Bonneton

- les emblèmes de la France
Peu à peu la Marseillaise prit le pas sur tous les autres chants patriotiques ou révolutionnaires, notamment le ça ira(1790), la Carmagnole (1792)et surtout sur le chant du départ(1794). Un décret de la Convention du 26 messidor an III (14 juillet 1795)consacra celle-ci « chant national »
Sans doute le décret du 26 messidor an III, qui intrônise La Marseillaise comme chant national , scelle l’alliance de la patrie et de la République. Mais par la suite, l’histoire de La Marseillaise est une histoire complexe qui se confond avec celle de la République.
[actu]L’ambiguïté de la Marseillaise[actu]
L’ambiguïté apparaît dès que l’hymne est associé à la gloire militaire – campagne d’Italie, funérailles de Hoche- alors qu’il garde son caractère avant tout républicain et révolutionnaire lorsque le conseil des Cinq-cents essaie de s’opposer au coup d’état du 18 brumaire. On retrouve son trait originel lors des révolutions de 1830 et 1848, du seul fait que la Restauration a proscrit la Marseillaise et qu’on sait que Louis Philippe l’a tolérée. On la chante dans les prisons ; et, dans sa prison le socialiste Raspail l’appelle « la prière du soir ». Pourtant dès les années trente, ça ira et la Carmagnole paraissent déjà plus subversifs […]Réduite au rôle de fond sonore lors du centenaire de la révolution française en 1889, comme pour l’exposition universelle de 1900, elle devient de plus en plus chant de guerre, plutôt que chant de paix et on lui a fait oublier ses origines révoltuionnaires quand s’annonce en 1840, comme en 1870 ou en 1914, le conflit avec l’Allemand. Par contrecoup lors des grèves , c’est la Carmagnole qui finit par être plus près du peuple, plus loin des autorités…
Quelques livres pour parcourir cette histoire paradoxale
histoire de la Marseillaise , Hervé LUXARDO,Plon Revendiquée, pillée, parodiée , caricaturée ou brocardée, voici l’histoire mouvementée de la Marseillaise, toujours à la croisée des chemins . Passions et rejets, effervescence et crainte, inquiétude des uns et entousiathme des autres : cette marche traverse les régimes, épouse les soubresauts de l’Histoire, porte les révolutions et finit par s’impose comme hymne national. Son aventure se confond avec les origines de la France contemporaine. La voici, dans tous ses états…
La Marseillaise, Frédéric ROBERT, Fayard Ce très beau livre illustré présente deux histoires parallèles de la Marseillaise : l’une, en France, heurtée, contrastée, liée au caractère à la fois guerrier et révolutionnaire de l’hymne ; l’autre , linéaire et continue, à l’étranger où la Marseillaise n’a jamais cessé d’être le chant de la France et des révolutions. Aussi, la Marseillaise est-elle en même temps un classique – parfois contesté – du peuple français et un classique incontesté de tous les peuples..

La Marseillaise(DVD), Jean RENOIR, Studio Canal Une critique de DVD est disponible sur le site DVD critiques.com
Enfin on lira avec intérêt deux articles du Dictionnaire critique de la République, Vincent DUCLERT et Christophe PROCHASSON, Flammarion Ce dictionnaire rassemble une grande variété d’articles qui vont de l’histoire des institutions à l’histoire des idées et une histoire des symboles et des savoirs confrontées aux pratiques et aux identités. Enfin, une galerie de portraits de Condorcet à Chevènement, de Victor Hugo à Jean Moulin, de Clemenceau à Simone Weil illustre l’engagement des grands républicains.
Les articles « Hymnes » et « Chanter » concerne particulièrement notre sujet . Il apparaît que le fait de chanter en général, la Marseillaise en particulier, offrent la possibilité d’ « une appropriation subjective , hétérodoxe, et ironique , du vénérable symbole républicain »
[actu]Les détournements de la Marseillaise : « une appropriation sub-jective, hétérodoxe , et ironique »[actu]

- Marseillaise Marseillaises
- Le cherche midi éditeur
Marseillaise, Marseillaises. Anthologie des différentes adaptations depuis 1972, Ligue des droits del’homme, Le cherche midi éditeur Préfacé par Madeleine Rébérioux, ce livre présente les dizaines de Marseillaises qui ont vu le jour sur l’air de Rouget de Lisle.
Ce sont des chouans ou des boulangistes, des alsaciens, des dunkerquois, des femmes, des anticléricaux, des résistants…qui s’expriment ; l’aspiration à la lutte , à la liberté, même déviée , même détournée, continue de faire entendre sa petite musique. .
Quelques liens sur les différentes Marseillaises…et quelques paroles
La Marseillaise anticléricale- Léo TAXIL Aux urnes citoyens
Contre les cléricaux
Votons, votons
Et que nos voix
Dispersent les corbeaux
La Marseillaise des cotillons Liberté, sur nos fronts,
Verse tes chauds rayons,
Tremblez, tremblez, maris jaloux,
Respect au cotillon !
La Marseillaise noire Assez longtemps ! le fouet infâme
De ses sillons nous a brisés,
Sans nom, sans patrie et sans âme ;
Assez de fers ! De honte assez ! (bis)
Que dans une sainte alliance
Les noirs et les blancs confondus
A la mort des anciens abus,
Marchant tous pleins de confiance,
Debout ! L’heure est venue, à chaque travailleur
Le pain (bis) qu’il a gagné, qu’importe sa couleur
Un détournement plus récent : la Marseillaise de Gainsbourg
Aux armes et caetera, Serge GAINSBOURG, Philips
Une analyse détaillée de cette provocation est proposée par Didier Francfort, La Marseillaise de Serge Gainsbourg, dans le numéro 93, janvier/mars 2007, Provocations, de la revue Vingtième siècle, Presses de la fondation nationale des sciences politiques pour accèder à cet article en ligne , vous pouvez accèder à la bibliothèque au texte intégral sur la base de données
Cairn
[actu]Pour finir en chansons…révolutionnaires[actu]
Dès 1830, une autre révolte couve , une autre force apparaît, la classe ouvrière « créée » par la révolution industrielle..et son hymne chemine…
Pottier écrit le poème qui deviendra les paroles de l’Internationale en juin 1871, en pleine répression versaillaise. En 1888, l’ouvrier lillois Pierre Degeyter met ce poème en musique. Et c’est à partir du congrès d’Amsterdam de la IIème Internationale en 1904 que ce chant devient l’hymne du mouvement ouvrier mondial.
L’Internationale. Histoire d’un chant de Pottier et Degeyter, Marc FERRO, Noésis La destinée de l’hymne , adopté par les révolutionnaires du monde entier, épouse étroitement celle de notre siècle . D’aucuns pourraient alors s’interroger sur le sens de l’Histoire, désespérer même,-ils auraient de bonnes raisons. Ce serait oublier que le combat pour la justice n’a pas besoin d’être victorieux pour donner aux hommes libres leur raison d’être ; il suffit que cette lutte soit menée. Et alors, l’Internationale est toujours là pour bander les énergies et donner du coeur au ventre.

- Internationale
La Commune en chantant, Disc’Az Toutes les chansons de la Commune : Le Drapeau rouge, le temps des cerises, Vive la Commune, le Chant des ouvriers…
Chansons – révolutions ou l’esprit de 1789, Editions du Petit Véhicule La Carmagnole, La Semaine sanglante, Les Canuts, la Voix des femmes, le Déserteur…
Un des derniers détournements/réappropriations :
Le chant des partisans des Motivés
A suivre….
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