Histoire du tabac et de ses méfaits

- temps de lecture approximatif de 22 minutes 22 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Introduit en Europe au XVIe siècle en tant que plante médicinale, ce qui n'empêche pas la découverte rapide de ses méfaits, le tabac connait pourtant un succès populaire croissant et vit son apogée au XXe siècle. Aujourd'hui, l'accent est mis dans la prévention et la lutte contre ce fléau, véritable problème de santé publique.

© Pixabay
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Lundi 17 octobre 2011, le prix du tabac en France a augmenté de 6 % ; il doit encore subir une hausse semblable en 2012. Le tabagisme demeure aujourd’hui une véritable question de santé publique. En outre, une étude effectuée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé signalait un accroissement de 2% du nombre de fumeurs quotidiens en France entre 2005 et 2010. Raison de plus pour observer ce phénomène à la loupe… Avant de nous intéresser aux conséquences sanitaires du tabac et aux luttes contre le tabagisme, nous vous proposons un détour par l’Histoire et l’évolution du tabac à travers les siècles.

1) Le tabac : qu’est-ce que c’est ?

2) Le tabac : historique

3) Tabac et santé

4) La lutte contre le tabagisme

Conclusion : débats en cours

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1) Le tabac : qu’est-ce que c’est ?

a) La plante

Ce végétal appartient au genre Nicotiana, dans la famille des solanacées, qui comprend entre autre la tomate et la pomme de terre. Cette plante annuelle est issue des régions chaudes.

Les feuilles constituent la partie consommée ; elles sont séchées afin d’éliminer plus de 90 % de leur eau, processus que détaille l’encyclopédie participative Wikipedia dans son article « tabac ».

b) La nicotine

Le principe actif du tabac est la nicotine, du nom de Jean Nicot de Villemain (1530-1604), diplomate du XVIème siècle, considéré comme son introducteur en France. Croyant aux vertus curatives de cette plante, il en aurait expédié à la reine Catherine de Médicis, pour soulager les migraines de son fils.
En 1809, Louis-Nicolas Vauquelin découvrit et isola son principe actif, et y soupçonna un violent poison ; il prit le nom de nicotine vingt ans plus tard avec les chimistes allemands W.Posselt et L. Reimann.

« Parmi divers autres alcaloïdes, la nicotine confère au tabac ses caractères propres : elle est l’alcaloïde principal de cette plante et représente de 0,5 à 1,4 p. 100 du poids sec.
[…] La nocivité des alcaloïdes du tabac explique les vertiges, nausées, vomissements que le fumeur débutant éprouve souvent. »

Source : article « Tabac », d’Olivier Juilliard, dans l’Encyclopaedia Universalis

2) Le tabac : historique

Entre sa découverte au Nouveau Monde et les campagnes sanitaires actuelles, le tabac a suscité autant l’enthousiasme que la méfiance des hommes, enthousiasme notamment exprimé par Molière en 1665 dans la première tirade de Dom Juan ,
« qui vit sans Tabac, n’est pas digne de vivre ; non seulement il réjoüit, et purge les cerveaux humains ; mais encore il instruit les ames à la vertu… », mais aussi méfiance initiale : « vous voyez, un poison aussi pestiféré et méchant ne peut être qu’une invention du diable », déclarait Girolamo Benzoni en 1565 dans l’Histoire du nouveau monde.

histoire d'une allumeuse

Le passionnant essai de Didier Nourrisson, Cigarette : histoire d’une allumeuse, permet d’aborder la conséquente histoire du tabac, de sa découverte à son expansion en Occident.

a) Quand le tabac conquit l’Ancien Monde

La découverte en 1492 des Amériques amène aussi celle du tabac, fumé par les Indiens ; via les colons et les marins, l’usage se répand vite en Espagne et au Portugal avant d’atteindre le reste de l’Europe. On attribue tout d’abord une vertu médicinale à cette plante, et on la consomme de diverses façons (fumée, bue en décoction, respirée…).
Les Européens commencent à la cultiver en 1520, et les Français à partir de 1561. En Angleterre, Sir Walter Raleigh (1552-1618) lance l’usage de la pipe à la Cour, après avoir fondé la colonie de Virginie qui devient vite un intense site de production, tandis que les Espagnols préfèrent fumer des cigares, et que les Français privilégient la prise jusqu’au milieu du XIXème siècle.

Le tabac ne fait cependant pas l’unanimité ; ainsi, en 1642, le pape Urbain VIII menace d’excommunication les consommateurs de tabac. Les réticences face à cette pratique sont d’ordre religieux, politique ou médical. Guy-Crescent Fagon, premier médecin de Louis XIV, lui dédie une thèse intitulée L’usage fréquent du tabac abrège-t-il beaucoup la vie ?

La révolution française répand l’usage de la pipe dans le peuple, tandis que la prise reste associée à une pratique aristocratique, notamment aux temps de l’Empire. Dans les années 1820-1850, la fumée prend peu à peu le pas sur la prise. Le XIXème siècle voit même le développement de cigarettes médicinales, où le tabac est mélangé avec la datura, la belladone, la jusquiame ou la digitale.

Avec la guerre de 1870, et la généralisation de la conscription due aux lois de 1872, 1889 et 1905, la tabagie se généralise dans les armées. « Le soldat fume comme d’autres boivent, pour oublier…On fume pour lutter contre l’ennui, le froid ou la chaleur, contre la discipline qui produit la lamentable inertie des armées, contre l’injustice de vivre ou de mourir… », écrira Marc Alyn en 1962.

France – Quand le tabac était monopole d’Etat

1629 – Le Cardinal de Richelieu instaure un Droit de Douane à l’entrée des tabacs sur le territoire français.

1675 – Colbert décrète le « Privilège de fabrication et de vente », qui ne sera peu à peu attribuée qu’à la Compagnie des Indes.

1791 – L’Assemblée nationale annule le monopole.

1810 – Napoléon Ier rétablit le Monopole.

1843 – Une ordonnance royale institue la fabrication de cigarettes.

1970 – Le règlement de la Communauté européenne portant sur l’établissement d’une organisation commune des marchés dans le secteur du tabac brut amène la fin du monopole.


Steinlen, Théophile Alexandre, 1859-1923 © Bibliothèque municipale de Lyon


b) Découverte des méfaits du tabac

« Le tabac, impôt cent fois plus immoral que le jeu, détruit le corps, attaque l’intelligence ; il hébète une nation », déclare en 1842 Honoré de Balzac dans La rabouilleuse. Néanmoins, au début du XIXème siècle, les médecins ne voient généralement pas un grand danger dans l’acte de fumer.

Claude Bernard (1813-1878) démontre le caractère toxique de la nicotine après des expériences effectuées sur des animaux. En Belgique un homme est assassiné avec de la nicotine pure (affaire Bocarné), et le débat relatif à la santé des ouvriers des manufactures de tabac gagne en vigueur malgré un premier non-lieu dû à l’avis de deux médecins hygiénistes. Le tabac sort peu à peu de la pharmacopée, et commence à être considéré avec une certaine suspicion.
Le docteur Paul Jolly, membre de l’Académie de médecine, systématise les formes d’empoisonnement dus au tabac et fait apparaître la notion de « tabagisme » ; le mot se généralise dans les années 1880. Des médecins plus virulents commencent alors à établir un lien entre tabac et dépopulation – avortements, mort-nés, malformations congénitales – mais aussi entre tabac et perte du sens moral, ce qui pourrait mener le fumeur jusqu’au suicide, voire jusqu’au crime ! Le 11 juillet 1868 voit la création de l’Association française contre l’abus du tabac (AFCAT), et en 1875 est fondée la Société contre l’abus du tabac (SCAT). Au niveau mondial, d’autres campagnes antitabac ont déjà vu le jour, telle la British Anti-Tobacco Society, née à Londres en 1883.

c) Apogée de la cigarette

Cependant la lutte antitabac agonise à la veille de la Première Guerre mondiale, et la consommation de la cigarette se généralise, particulièrement auprès des femmes. Le fait de fumer est aussi un réconfort pour le soldat des tranchées. Le général américain Pershing déclare :
« Pour gagner cette guerre, nous avons besoin de tabac et de balles. »
L’émancipation féminine des Années folles (années vingt) s’accompagne elle-aussi de cigarettes. Les rares alertes médicales, comme celles qui émanent du docteur Paul-Maurice Legrain, ne trouvent guère d’auditeurs, et la publicité pour inciter à la consommation de cigarettes prend de l’ampleur, cependant que le tabac à chiquer et le tabac à priser se marginalisent.
La Seconde Guerre mondiale accroît encore la consommation de tabac, et donne réellement sa dimension internationale à la cigarette, des Allemandes du temps de l’occupation – que la carte de rationnement réserve aux hommes – aux Américaines de la Libération. La cigarette blonde progresse sur les marchés.
En France, la dépense annuelle en produits tabagiques passe de 3.66 milliards de francs en 1960 à 26 milliards en 1982.

Les fumeurs face aux récentes hausses du prix du tabac - du 16 au 30 novembre 1997© Les notes bleues de Bercy

 

Le Ministère des Finances nous apprend qu’en 1996, les fumeurs français (8 millions d’hommes et 5,5 millions de femmes), ont dépensé 72 Milliards de Francs pour leur budget tabac, (450 F par mois et par fumeur) et fumé au total 95 milliards de cigarettes (ou équivalent) soit 19 cigarettes par fumeur et par jour en moyenne. Entre septembre 1991 et décembre 1996, le tabac a subi 9 hausses successives, ce qui a notamment augmenté les ventes de tabac à rouler.

La hausse des prix a sans doute contribué à la diminution du nombre de fumeurs en France ; l’INSEE constate qu’« en 2006, 23 % des femmes et 33 % des hommes de 15 à 74 ans déclarent fumer habituellement. Le pourcentage de fumeurs quotidiens décroît globalement depuis quelques années, mais présente une relative stabilité chez les femmes depuis les années 1980. À l’adolescence, les habitudes de consommation des filles et des garçons sont désormais peu différenciées. L’usage quotidien du tabac a diminué, passant de 40 % à 32 % chez les filles de 17 ans entre 2000 et 2005, et de 42 % à 34 % chez les garçons. » Cependant les chiffres de 2010 montrent une recrudescence du nombre de fumeurs… (voir 4) a) Une question de santé publique).

3) Tabac et santé

http://health.ezinemark.com/smoking-the-enemy-of-peoples-health-773614b30110.html Le constat des méfaits du tabagisme a lui-aussi son histoire. Ainsi, Pierre-François Percy (1754-1825) commençait à décrire le « cancer des fumeurs » qui attaque la population des estaminets. Le spécialiste britannique Richard Doll (1912-2005) établissait le premier le lien entre la consommation de tabac et l’augmentation du risque de cancer broncho-pulmonaire. En 1954 était lancée une vaste étude prospective dont les résultats, vingt ans plus tard, confirmaient l’association entre consommation chronique de tabac et réduction de l’espérance de vie. En ce début de vingt-et-unième siècle, le tabagisme demeure un véritable fléau.

Près de 6 millions de personnes meurent à cause du tabac chaque année. « Une personne environ meurt toutes les six secondes du fait de ce fléau, ce qui représente un décès d’adulte sur 10. La moitié des consommateurs actuels mourront d’une maladie liée au tabac », déclare le site de l’Organisation mondiale de la Santé en juillet 2011.
La consommation de tabac est fortement susceptible d’entraîner des affections respiratoires ; ainsi les bronchites chroniques peuvent évoluer vers l’emphysème, affection du poumon caractérisée par une distension des alvéoles avec destruction de leur paroi. La bronchite chronique obstructive (BPCO) affecte 3,5 millions de personnes en France, selon un article du Monde.fr du 16 novembre 2011.
Deux types de pathologies du fumeur méritent d’être soulignées, à savoir les cancers et les maladies cardiovasculaires.

a) Les cancers du fumeur

Comme nous pouvons le lire sur le site drogues-dependances, « sur l’ensemble des cancers, 1 sur 4 est associé au tabac. Le tabac est en cause dans la grande majorité des cancers des bronches, des poumons, des cavités buccales, de l’oesophage. Il augmente fortement le risque d’autres cancers tels que le cancer de la vessie, du pancréas, etc. »
Le cancer du poumon, ou cancer broncho-pulmonaire est le plus notoirement célèbre. Environ 90 % des occurrences sont constatés chez des fumeurs ou anciens fumeurs, selon l’ouvrage de Jacques Poirier, Le tabac dans tous ses états, édité en 2005.
La faculté de médecine propose en ligne un dossier relatif aux cancers bronchiques primitifs, datant de 2006, qui nous explique de façon laconique ces pathologies :
« Première cause de mortalité par cancer chez l’homme. […] Son pronostic reste très sombre : Espérance de vie à 5 ans de 10 à 15 %. Un cancer bronchique symptomatique est déjà synonyme d’incurabilité dans 90 % des cas. Fréquence en augmentation chez l’homme et plus récemment chez la femme. »
L’apparition du cancer suit l’évolution de la consommation de tabac avec un décalage notable dans le temps : « l’arrêt du tabagisme réduit très lentement le risque de survenue d’un cancer bronchique, des traces de goudron du tabac, riche en promoteur de la carcinogénèse peuvent être trouvée jusqu’à 30 ans après l’arrêt de la consommation. »

le tabac dans tous ses états

Cependant d’autres cancers peuvent être induits par le fait de fumer. Selon l’Institut national du cancer, le tabagisme est également impliqué dans les cancers des voies aérodigestives supérieures (bouche, larynx, pharynx, œsophage), de la vessie et du pancréas. Il serait aussi en cause dans les cancers des voies urinaires et du rein, de l’estomac, du col de l’utérus et dans certaines leucémies.

b) Les maladies cardiovasculaires

« Parmi les diverses présentations de la maladie coronaire [cardiaque], le tabac expose tout particulièrement au risque d’infarctus du myocarde et de mort subite (risque multiplié par 5 chez les gros fumeurs inhalant la fumée).
Concernant l’artériopathie des membres inférieurs, le tabac représente le facteur de risque majeur avec un risque relatif multiplié par un facteur 2 à 7 selon les études.
[…] Au niveau vasculaire cérébral le risque relatif est significatif (x 1,5) », précise un dossier dédié à la cardiologie sur le site masanté-info.com.

L’athérosclérose se manifeste par le dépôt de cholestérol dans la paroi des artères, ce qui peut obstruer ces dernières jusqu’à empêcher l’oxygène, le sucre et autres aliments vitaux d’arriver dans les organes. Le danger s’accroit quand sont concernés les artères du cœur (coronaires) des jambes, ou du cerveau…


le tabac en 200 questions

D’autres affections sont aussi aggravées par la consommation de tabac, en particulier l’ulcère duodénal, l’ulcère gastrique, la maladie de Crohn, l’ostéoporose et les hernies.
Une baisse de la fertilité peut aussi être constatée, en particulier chez l’homme. Ainsi le tabac affaiblit la libido en agissant sur la sécrétion de la testostérone et diminue l’apport sanguin dans le corps caverneux du pénis. De plus, un fort tabagisme affecte le nombre et la mobilité des spermatozoïdes, selon Le tabac en 200 questions, du Docteur Béatrice Le Maître.

c) Le tabagisme passif

Le tabagisme passif est défini par l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé comme « le fait d’inhaler, de manière involontaire, la fumée dégagée par un ou plusieurs fumeurs ».
Ses méfaits, évoqués par l’Organisation mondiale de la Santé, sont considérables. « Près de la moitié des enfants respirent régulièrement de l’air pollué par la fumée du tabac. […] Le tabagisme passif provoque plus de 600 000 décès prématurés chaque année. »


Passif Deutsches Krebsforschungszentrum, Heidelberg Précédent

d) Femmes et tabagisme

Selon le Larousse médical en ligne, « l’organisation mondiale de la santé (O.M.S) estime que, dans les pays industrialisés, une proportion croissante des 3 millions de morts annuelles liées à l’usage du tabac atteint les femmes en raison « des conséquences spécifiques du tabagisme sur la santé de la femme et de ses enfants ». On estime en effet que le risque de mortalité cardiovasculaire est multiplié par 10 chez les femmes qui fument et utilisent la pilule contraceptive. Lorsque la femme est enceinte, le tabagisme accroît en outre le risque d’avortement spontané et de retard de croissance et de développement de l’enfant. Enfin, à la ménopause, les fumeuses sont exposées à un risque accru d’ostéoporose. »

Pour aller plus loin : article sur le site de l’Organisation mondiale de la Santé, les femmes et le tabac : une attirance fatale

4) La lutte contre le tabagisme

a) Une question de santé publique

Tabagisme, état des lieux :

« Les Baromètres santé de l’Inpes permettent d’observer de façon régulière des indicateurs de surveillance épidémiologique en population générale. […] La dernière enquête, menée en 2010 auprès de plus de 27 000 individus, montre l’augmentation récente du tabagisme en France, alors qu’il était en baisse depuis plus de 20 ans. L’ensemble des résultats s’avère néanmoins contrasté : la proportion des fumeurs de plus de 10 cigarettes par jour est en baisse, tandis que la proportion des fumeurs quotidiens apparaît en augmentation par rapport à 2005, en particulier chez les femmes âgées de 45 à 65 ans. […] D’autre part, le contexte de lutte contre le tabagisme apparaît plus centré sur le tabagisme passif qu’entre 2000 et 2005, période caractérisée par de fortes hausses des prix. Toutefois, l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, et notamment sur les lieux de travail (2007), a pu contribuer à la diminution du nombre de cigarettes fumées quotidiennement par les fumeurs. »
campagne Organisation mondiale de la santé 2010

La stratégie de lute contre le tabagisme définie par l’Organisation mondiale de la santé :

« La stratégie MPOWER de l’OMS repose sur les six politiques les plus efficaces pour faire reculer l’épidémie de tabagisme :
M onitoring : Surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention
P rotecting : Protéger la population contre la fumée du tabac
O ffering : Offrir une aide à ceux qui veulent arrêter de fumer
W arning : Mettre en garde contre les méfaits du tabac
E nforcing : Interdire la publicité en faveur du tabac, la promotion et le parrainage
R aising : Augmenter les taxes sur le tabac »

En 1987 l’Organisation mondiale de la santé impulsait la création d’une Journée mondiale sans tabac, avant de mettre en place en 2005 sa Convention-cadre pour la lutte antitabac,

La lutte contre le tabagisme en France utilise plusieurs leviers, dont des actes législatifs, des politiques tarifaires et des campagnes de communication et d’éducation.

Le cadre législatif

 Photo prise par Alain Bachellier, le 18 novembre 2008, base de données Flickr

9 juillet 1976 : Loi relative à la lutte contre le tabagisme, dont l’article 2 déclare qu’ « il ne peut être fait de propagande ou de publicité en faveur du tabac et des produits du tabac ».

1982 : création de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) afin d’animer et de coordonner les actions de l’État en matière de lutte contre les drogues et les toxicomanies, en particulier dans les domaines de l’observation, de la recherche, de la prévention, de la prise en charge sanitaire et sociale, et également de la lutte contre le trafic.

10 janvier 1991 : Loi Evin, du nom de son auteur alors ministre des affaires sociales et de la solidarité, relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ; elle interdit la publicité sur le tabac, permet l’augmentation du prix de ce dernier, et pose l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Ce texte modifie la loi du 9 juillet 1976.

15 novembre 2006 : Décret signé par Xavier Bertrand, ministre de la Santé et des Solidarités, étendant l’interdiction de fumer dans les bars, hôtels, restaurants, discothèques et casinos.

En novembre 2009, le Président de la République présentait le plan cancer 2009-2013, avec l’objectif de baisser de 30 % à 20 % la prévalence tabagique.

Pour aller plus loin : Le paquet contre la clope, Point d’actu du 6 février 2007 relatif à l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

La politique tarifaire

Lundi 17 octobre 2011, le prix du tabac en France a augmenté de 6% ; le Premier ministre François Fillon a annoncé qu’une hausse équivalente aurait aussi lieu en 2012. Les taxes correspondent à 80% du montant d’un paquet de cigarettes, et l’essentiel (plus de 10 milliards d’euros en 2010) est reversé à la Sécurité sociale.
Cependant, on ne peut constater de véritable diminution de la consommation entre 2009 et 2010, les fumeurs tendant à se replier sur l’achat de tabac à rouler. En outre, une étude effectuées par les Douanes estime que 20% des cigarettes fumées en France ne viennent pas du réseau des buralistes français, mais d’achats dans les pays limitrophes, ou au marché noir.
Source : « Le prix du tabac augmente de 6% », in Le Monde.fr, 17 octobre 2011.

Prévention et communication

La prévention commence lors de l’éducation des enfants ; l’Education nationale spécifie que « l’École a une double mission : l’éducation à la santé des élèves et le suivi de leur santé. » La prévention des conduites addictives intervient autant dans le contenu des enseignements que dans la vie quotidienne des établissements scolaires.
Les campagnes anti-tabac utilisent différents supports : affiches, presse, films qui apparaissent sur les chaînes de télévision et sur les plateformes en ligne.
L’information sur les risques que fumer vous fait encourir apparait aussi sur le paquet de cigarettes – comme le fameux « fumer tue » ; l’arrêté du 15 avril 2010 pris par le ministère de la santé français impose en plus aux fabricants de tabac d’imprimer une image dissuasive sur au moins 40% de la surface arrière du paquet. Depuis 20 avril 2011, tous les paquets distribués en débit de tabac se conforment à cette réglementation. En 2010, des chercheurs en marketing de l’université de l’Arkansas examinaient l’effet produit par différents visuels de communications visant à informer les fumeurs et les non fumeurs des dangers du tabagisme ; le site docbuzz nous transmet les conclusions de cette étude. « Les analyses des résultats montrent que l’ajout d’une image a un effet positif sur l’envie d’arrêter de fumer. Toutefois l’image la moins agressive n’avait pas plus d’effet que le message seul (Le message seul n’a aucun effet !). En revanche les images les plus agressives augmentaient significativement l’envie d’arrêter de fumer. Ajouter une image était également le moyen que le message de mise en garde soit correctement mémorisé. » Vous trouverez aussi sur le même site quelques films extraits de la campagne anti-tabac belge.

b) Comment arrêter ?

j'arrête de fumer en douceur

Si l’arrêt du tabagisme est fortement préconisé, afin de diminuer les risques d’apparitions des maux évoqués plus haut, le Larousse médical de 2006 nous avertit néanmoins : « sans motivation forte, il est illusoire d’espérer un arrêt durable ». Cependant, le simple effort de volonté n’est souvent pas suffisant, et certaines méthodes peuvent aider le fumeur en cours de sevrage. Les substituts nicotiniques (gomme et timbre transdermique à la nicotine, le fameux « patch ») peuvent empêcher les troubles liés au manque. Toutefois, ce ne sont pas là des remèdes miracles, et l’accompagnement d’un médecin s’avère précieux. Certains prescrivent parfois des antidépresseurs à leurs patients en début de sevrage. Certains fumeurs recourent aussi aux thérapies alternatives pour se libérer de leur addiction.
Toute une littérature pratique s’adresse aux personnes qui souhaitent arrêter de fumer, du best-seller d’Allen Carr que l’on ne présente plus aux ouvrages édités chez Odile Jacob tels Arrêter de fumer ? du Professeur Gilbert Lagrue, J’arrête de fumer en douceur du Docteur Yves Nadjari. Vous pouvez aussi visualiser cette conférence du Docteur Raoul Harf qui se déroulait à La Médiathèque du Bachut le 15 décembre 2009.

arrêter de fumer

Quelques sites ressources :

c) Tabacophobie ?

je fume pourquoi pas vous

En 1984 Lucky Luke le cow-boy solitaire troquait son habituelle cigarette contre un brin d’herbe ; en 1994 une autre cigarette disparaissait de l’affiche du film de Pulp Fiction, laissant un vide entre les doigts de l’actrice Uma Thurman…. La raison : le respect de la loi Evin, officiellement loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.
corpus delicti
Cependant des voix s’élèvent contre une certaine tabacophobie, comme le petit ouvrage dirigé par Marc Cohen, Je fume, pourquoi pas vous ?. La romancière allemande Juli Zeh dresse quant à elle dans Corpus Delicti le portrait d’une société où l’obsession sanitaire engendre un Etat autoritaire.

Conclusion : débats en cours

« Le tabagisme a un coût humain et sociétal extrêmement lourd. Les économistes évaluent ce coût sociétal en France à environ 47 milliards d’euros (dépenses de santé, perte de prélèvements obligatoires, perte de revenus avec les décès prématurés et hospitalisation pour les particuliers, perte de production sur le lieu de travail pour les entreprises, lutte contre le commerce illicite et les incendies causés par la cigarette) », déclare une proposition de loi relative à la création d’un fonds de prévention et d’indemnisation
des personnes victimes du tabac, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2011.

Néanmoins « chacun sait que des hausses de prix excessives et répétées conduisent à une explosion de la contrebande, de la contrefaçon et des achats transfrontaliers, et mettent en péril de nombreux débits de tabac alors même que l’Etat vient de signer le contrat d’avenir en faveur des débitants en difficulté », tout en entraînant un manque à gagner fiscal pour l’Etat, selon l’Amendement n°278 à la loi de financement pour la Sécurité sociale en 2012.

Cependant, les députés Jean-Marc Nesme et Yves Bur demandaient le 14 novembre 2011 que soit inséré un article additionnel afin que soit mis en œuvre un fonds d’indemnisation des personnes victimes du tabac et contribuant à des actions de prévention et de lutte contre le tabagisme ainsi qu’à l’aide au sevrage tabagique, financé par une taxe de 10 % du chiffre d’affaires réalisé en France par les fabricants de produits du tabac.
Ainsi, pour la première fois en France, les cigarettiers devraient également contribuer au coût financier occasionné par la consommation de leurs produits…

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