Alerte, les moustiques débarquent !
Publié le 05/07/2017 à 09:00 - 8 min - Modifié le 24/06/2017 par Sabine Bachut
Ces véritables petits réservoirs ambulants d'agents pathogènes ne sont pas seulement nuisibles au niveau phonique et corporel, il sont aussi potentiellement mortels pour l'homme. Chikungunya, dengue, zika, les moustiques ont développé avec les virus ou bactéries qu'ils transportent, une sorte d'équilibre qui leur permet de se propager et, par corrélation, de nous infecter de façon presque optimale. Profondément liés aux humains, les moustiques s'adaptent et évoluent en fonction de nos modes vies. Décryptage de ces irritants petits compagnons d'extérieur.
Les moustiques autrement appelés plus savamment Culicidés, appartiennent à la famille arthropodes, plus spécialement des diptères. Ils sont les vecteurs de ce qu’on appelle les arbovirus, ce nom provient de la contraction de l’expression anglaise arthropod-borne viruses. Ces virus semblent parmi les plus aptes à franchir la barrière d’espèces. Les agents de la fièvre jaune, de la dengue et du chikungunya sont des arbovirus.
L’étroite collaboration entre moustiques et arbovirus est mortelle : ils sont en première position avec 725 000 décès qui leur sont imputés, devant 475 000 tués avec des armes humaines, 50 000 par les serpents, 25 000 par les chiens atteints de la rage, 10 000 par la mouche tsé-tsé (maladie du sommeil), 10 000 par les punaises (maladie de chagas), 2 500 par les ascaris, 2 000 par les tenias, 1000 par les crocodiles, 500 par les hippopotames, 100 par les éléphants, 100 par les lions et enfin 10 par les requins et 10 par les loups. (source : OMS)
source image : iletaitunehistoire.com
Ils sont apparus il y a plus de 250 millions d’années et présents sur toute la surface du globe, même dans des régions arides, comme le désert du Sahara, ou très froides, comme la Sibérie. Il en existe plus de 3500 espèces et 300 piquent l’homme. La plupart des moustiques sont sauvages, vivent dans la nature loin de l’homme. Cependant quelques espèces se sont rapprochées et adaptées à nos conditions de vie moderne.
Pourquoi nous piquent-ils ?
“Car les moustiques femelles sont de bonnes mères de famille ! ” Nous répondent les auteurs d’Alerte aux moustiques. En effet, la femelle moustique ne peut pas produire les nutriments nécessaires au bon développement et à la maturation de ses œufs. Elle est hématophage : le sang des vertébrés, riche en protéines, en acides aminés mais aussi en sucres, lui fournit ces précieux éléments.
Pourquoi dit-on que certaines personnes ont des “peaux à moustiques” ?
Nous sommes très inégaux devant les piqûres de moustiques.
Certaines personnes sont plus attractives, par exemple les femmes enceintes et les personnes alcoolisées du fait d’une activation particulière de leur métabolisme et de l’augmentation de leur chaleur corporelle. Cette chaleur corporelle favorise la prolifération de bactéries à la surface de la peau, donc des odeurs émises ! Une attraction irrésistible pour les moustiques.
Par ailleurs, le sentiment d’être plus piqué que d’autres personnes vient aussi du fait que certaines peaux sont plus réactives aux piqûres et génèrent d’importantes démangeaisons.
Pourquoi ne sent-on pas immédiatement la piqûre ?
La trompe de la femelle moustique, appelée proboscis, est une sorte de carquois contenant 6 lames extrêmement fines. Deux de ces lames (les maxilles latérales) servent à percer la peau, si petites qu’on ne les sent pas. Deux autres lames servent à maintenir l’ouverture de la plaie. Une autre (le labre) qui ressemble à un fin tube, se faufile jusqu’à un vaisseau sanguin. Dès qu’un vaisseau est trouvé, cela déclenche l’action d’une pompe située dans le thorax de l’insecte. La sixième lame (l’hypopharynx), est soudée au labre, et permet à l’insecte d’injecter sa salive ayant des propriétés anesthésiantes et anticoagulantes, facilitant ainsi le travail.
Mais c’est aussi par ce biais que passent les virus et autres bactéries responsables des contaminations ! En fait, il vaudrait mieux sentir la piqûre. Mais ce serait échec et mat pour madame moustique car cette dernière aurait de grandes chances de finir aplatie sous une main vengeresse !
source image : lewerwolf.blogspot.com
Comment les moustiques choisissent-il leurs proies ?
Il n’y a pas encore d’explications précises sur le choix des moustiques. Ce serait un ensemble de facteurs qui conduirait à devenir une cible.
On sait que le fait de dégager du CO² en respirant est potentiellement détecté et attractif pour les moustiques. Les bactéries présentes sur la peau et l’odeur qu’elles émettent semblent attirer les insectes tout comme la chaleur corporelle qui déclenche la piqûre.
Quels sont les moustiques les plus dangereux pour l’homme ?
Les espèces de moustiques les plus nuisibles aux humains appartiennent toutes aux genres aèdes, anophèles ou culex.
Le moustique Aèdes aegypti, autrement appelé The yellow fever mosquito est un vecteur historique de la fièvre jaune, mais aussi de la dengue, du zika et du chikungunya.
Aèdes albopictus est l’envahissant moustique tigre qui peut aussi transmettre, lorsque la femelle est infectée, le virus de la dengue, du zika et du chikungunya.
Plusieurs espèces d’anophèles sont responsables de la transmission du paludisme.
source image : catalogue.bm-lyon.fr
Les moustiques sont des vecteurs bien involontaires d’agents pathogènes infectieux. Sans être eux-mêmes touchés, ils sont de bons réservoirs pour les virus, bactéries et parasites. Cependant, il faut bien noter que l’intérêt de l’agent infectieux n’est pas de tuer son hôte mais plutôt de s’adapter à ce dernier en réduisant sa virulence pour pouvoir être transmis à un autre hôte. En effet, s’il est trop agressif en tuant son hôte, il se prive de ce dernier ainsi que du moyen de perdurer. Mais les moustiques sont loin d’être de simples seringues volantes remplies de vilains agents pathogènes, il existe une sorte d’harmonie entre les deux. L’agent pathogène présent dans le moustique doit survivre sans être digéré tout en déjouant les réponses du système immunitaire de ce dernier. Ainsi, pour qu’une épidémie se déclenche, le moustique doit piquer la bonne personne au bon moment. Et la transmission de l’agent pathogène doit atteindre d’autres personnes dont le système immunitaire présentera la même réponse déficiente. Car le corps humain est, normalement, doté d’un système immunitaire assez fort pour éliminer la menace. C’est pour cette raison que les vaccins sont une bonne réponse, car ils entraînent le système immunitaire à se protéger contre ses agents pathogènes. D’une manière générale, l’exposition à un virus une première fois permet de ne plus tomber malade après, le système immunitaire ayant identifié la menace et sachant la contrer.
Les épidémies bénéficient désormais de notre système d’économie mondiale où les déplacements sont faciles. Avions, bateaux, trains et voitures sont de merveilleux moyens de transports. Généralement, les moustiques suivent la population humaine car elle représente un réservoir inépuisable de nutriments nécessaires à la reproduction et à la survie de l’espèce. De plus, l’écosystème urbain où vit l’homme est un paradis à moustiques, il y a de l’eau, des humains, des refuges contre le froid, le chaud, la pluie, pas de prédateurs. Une belle aubaine !
Le tourisme constitue un facteur de propagation non négligeable. En effet, une personne se fait piquer en vacances dans un pays étranger, revient à son domicile, se fait à nouveau piquer par un moustique réceptif au pathogène et le transmet ainsi à son entourage. On peut ainsi observer des départs d’épidémie de dengue en France, heureusement, elles sont vite enrayées.
source image : lagrandemotte.fr
Comment combattre cet ennemi qui est à la fois nuisible et mortel ?
Pour limiter le risque de transmission d’agents pathogènes, il faut limiter le nombre de moustiques en activité. Pour cela, il faut connaître leurs habitudes, modes de vies et déplacements. C’est pour cette raison que des chercheurs comme Frédéric Simard, Laurence Farraudière et André Yébakima, auteurs du livre “Alerte aux moustiques“, étudient toutes sortes de moustiques.
Ils insistent sur quelques recommandations simples qui permettent d’éviter la propagation des agents pathogènes et des nuisances.
Au niveau individuel :
-> Éliminer les endroits où l’eau peut stagner : petits détritus, encombrants, pneus usagés (vous pouvez les remplir de terre ou de sable si vous ne voulez pas les jeter), déchets divers.
-> changer l’eau des plantes et des fleurs une fois par semaine. Si possible éliminer les soucoupes ou les remplir de sable qui gardera l’humidité sans accumulation d’eau
-> vérifier le bon écoulement des eaux de pluies et des eaux usées
-> couvrir les réservoirs d’eau avec un voile moustiquaire ou un simple tissu
-> couvrir les piscines hors d’usage ou les traiter à l’eau de javel ou au chlore
Pour se protéger des piqûres :
-> appliquer sur la peau des produits antimoustiques pendant la journée et la nuit. Les médecins ou pharmaciens peuvent vous conseiller sur le type de produits à appliquer si vous êtes un enfant ou une femme enceinte.
-> porter des vêtements amples et couvrants
-> protéger les berceaux à l’aide d’une moustiquaire imprégnée
-> utiliser des diffuseurs d’insecticides à l’intérieur et serpentins à l’extérieur
A lire en complément :
-> Un article qui fait Bzzzzzz ! : comment se protéger de manière naturelle des moustiques
-> Géopolitique du moustique / Erik Orsenna; Isabelle de Saint Aubin
-> Alerte aux moustiques ? / Frédéric Simard, Laurence Farraudière, André Yébakima
source image : zazzle.com
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