
Le spéculum, la canule et le miroir
Avorter au MLAC, une histoire entre féminisme et médecine
Lucile Ruault
lu, vu, entendu par La BD c'est la santé - le 22/12/2023
Lutter pour avorter ?
Entre 1972 et 1984, des non médecins du Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC) ont pratiqué des avortements hors de la sphère médicale, dans le même temps que la professionnalisation de l’acte s’accélérait. Dans le temps de la lutte, médecins comme profanes participent à l’acclimatation et à l’adaptation en France de la méthode par aspiration. La façon dont elles se l’approprient, alliée à la politisation de l’existence quotidienne des femmes et au développement de nouvelles pratiques de soins – les accouchements notamment –, invitent à considérer les MLAC dissidents comme une mobilisation de santé.
En remettant en cause tant la spécialisation des actes corporels que la domination patriarcale des corps féminins, ces « dissidentes » affirment progressivement l’orientation féministe de leur action.
La promulgation de la loi relative à l’IVG en 1975 est un retournement majeur dans l’histoire des femmes : l’État parvient enfin à réguler la pratique abortive. Faisant de l’acte une prérogative exclusive des médecins, la « loi Veil » est un retour à l’ordre. Elle referme une phase d’appropriation revendiquée des savoirs abortifs par des femmes ordinaires. Comment expliquer que, à un moment de l’histoire où la maîtrise de l’avortement par le groupe social des femmes est à portée de main, cette possibilité tourne si rapidement court ?
Pour élucider cette énigme, Lucile Ruault enquête sur le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), et en particulier sur l’action insoupçonnée de groupes dissidents ayant poursuivi la pratique des aspirations abortives jusqu’en 1984. En montrant que la constitution de l’avortement en question sanitaire a été l’enjeu de conflits, cette ethnographie historique tient ensemble la médicalisation de l’avortement et les résistances à ce processus par la pratique abortive profane, dans un sens féministe.
En ces temps de recul des droits des femmes à disposer de leur corps, malgré #metoo, il est bon de nous souvenir des luttes passées par les femmes et leurs allié.e.s pour nous en nourrir dans l’avenir. Il est tout aussi bon de nous souvenir que rien, en ce qui concerne le droit de choisir, n’est jamais acquis définitivement.
Pour compléter, vous pouvez visionner le film : Annie Colère de Blandine Lenoir
Pour aller plus loin et échanger avec l’autrice du livre ainsi que la réalisatrice du film, l’Université de Lyon, dans le cadre de sa programmation “Pop Sciences” propose une projection suivie d’un débat le 16 janvier 2024 à l’ENS de Lyon, avec la participation du Planning Familial du Rhône, ayant pour thématique : “Lutter pour avorter ?“
Voir dans le catalogue de la BML
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