Comment pensent les forêts
Vers une anthropologie au-delà de l'humain
Eduardo Kohn
lu, vu, entendu par Log - le 16/05/2017
Un livre où les fourmis, les jaguars, les arbres et tous les habitants de la forêt pensent
Pour Eduardo Kohn, l’anthropologie doit délaisser l’homme pour s’intéresser plus largement aux sujets vivants, aux non-humains, qui, même s’ils n’ont pas de langage, influent sur l’environnement et se transforment à son contact. C’est en vivant avec des Indiens Runa d’Amazonie que l’auteur se rend compte que les animaux ont un point de vue : les tiques, s’attaquant à tous les mammifères à sang chaud, créent de leur point de vue une espèce, les proies à piquer, le jaguar crée lui aussi une espèce, les proies à manger. C’est ainsi que les indiens Runa appréhendent leur monde, et pour chasser, échapper au danger, vivre dans la forêt, adopte son point de vue, se mettent à la place des autres sujets. La forêt produit du sens, que les indiens perçoivent, et c’est cette « pensée sylvestre » qu’Eduardo Kohn nous permet d’approcher dans un livre envoûtant.
Il participe ainsi de tout un courant en anthropologie et dans les sciences sociales que la préface de Philippe Descola resitue. Les questions actuellement posées par la destruction de notre environnement nourrissent de nombreuses réflexions sur la place de l’homme dans l’univers, qui se retrouve Face à Gaïa pour Bruno Latour. Ainsi la discipline (re)nommée mésologie par Augustin Berque étudie les interactions des êtres humains et non humains entre eux et avec leur milieu en essayant d’éviter tout anthropocentrisme. C’est vers l’Asie que se tournent alors les auteurs dans Poétique de la terre ou Milieu. Mais ce décentrement peut également venir du sujet étudié comme le montrent Denis Vidal dans Au-delà de l’humain : dieux, robots, figures de cire et autres artefacts ou Eric Baratay dans Biographies animales.
Autant de pistes pour renouveler notre regard, rendre sa magie au monde, poétiser la Terre.
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