
Ateliers
Jean-Claude Carrière
lu, vu, entendu par le fonctionnaire inconnu - le 08/01/2021
Jean-Claude Carrière écrit depuis 60 ans pour le théâtre et le cinéma. Ce que vous trouverez ici, ce sont ses "notes concrètes et pratiques, souvent en désordre" concernant ses problèmes d'écriture. Dans un style simple et chaleureux, il y évoque aussi des rencontres, nombreuses et mémorables, et des projets, le plus souvent transformés en succès, mais pas toujours... Ce livre n'est pas une Bible, c'est un bon compagnon.
Comme il aime à le dire souvent, Jean-Claude Carrière est né dans une modeste famille de vigneron. Et c’est peut-être pour cela que c’est un travailleur, et un pragmatique. Un homme en tout cas grâce à qui tout peut, vraiment, se réaliser. Ayant permis à des poètes comme Luis Bunuel ou Pierre Etaix de réaliser leurs plus belles oeuvres. Il a participé à d’innombrables autres succès, au cinéma ou au théâtre avec notamment Peter Brook. Mais il n’est pas du genre à en mettre plein la vue. Il a simplement participé à tant de projets et travaillé avec tant d’artistes que le récit de ses expériences est inépuisable.
En 430 pages et 75 chapitres (!), il fait l’inventaire de toute ses expériences acquises, sous une forme légère et riche en même temps, entièrement disposé à les transmettre à qui voudra apprendre. Ce sont autant de petites histoires à lire au coin du feu que des secrets de fabrication de l’écriture et des spectacles. Apprendre à regarder les gens de la rue avec Jacques Tati ; Comment raccourcir Cyrano de Bergerac sans que personne ne s’en aperçoive ; Devenir acteur par hasard le temps d’un rôle et en comprendre indirectement les contraintes physiques lui permettant plus tard de mieux l’intégrer dans l’écriture des scénarios ; Se résigner à transcrire plutôt que traduire Shakespeare, auteur désespérement indépassable, etc.
Ces Ateliers nous racontent finalement, sous une forme élémentaire, comment il a résolu les obstacles, parfois jugés insurmontables, qu’il a rencontrés. Comment il a aussi appris de ses échecs. Comment il ne s’est jamais résigné et comment il n’a jamais cessé d’apprendre, par curiosité, par goût des surprises, par goût du travail, grâce aux rencontres et aux voyages.
Et puis dans ce livre, cerise sur le gâteau, il y a aussi toutes les pistes de lecture que donne Jean-Claude Carrière. Car un livre n’est pas bon s’il ne donne pas envie de lire d’autres livres, si ?! Ici j’en ai retenu un, et c’est Bérénice de Racine. Je ne sais plus quand j’avais lu une pièce de Racine pour la dernière fois ni même d’ailleurs si cela m’était déjà arrivé ! Mais de la façon dont Jean-Claude Carrière en parle, cela devenait incontournable.
Lorsque je me sens découragé, lorsque je doute de l’écriture – ce qui peut arriver, souvent même -, je prends la pièce, je l’ouvre au hasard, j’en lis deux répliques, ou trois. Une énergie immédiate m’est donnée, avec une sorte de bonheur. Sans le moindre doute, pour moi, la puissance de la discrétion, la grâce même, le sommet du théâtre français.
La Bérénice de Racine, sans même parler de la fameuse “harmonie” ou “musicalité” du langage (je m’en récite quelques vers, parfois le soir, comme on fredonne du Mozart, du Ravel), reste avant tout au-delà même de ce langage qu’on n’entendra plus, du miracle permanent de la forme, un modèle pour tous les dramaturges (modèle sans doute inimitable).
Lu et approuvé.
Voir dans le catalogue de la BML
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