Rendre la philosophie populaire

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Tandis que se multiplient les ouvrages philosophiques sur des sujets de la culture populaire (Game of thrones, Harry Potter, les super-héros, etc.), la philosophie se diffuse partout : TV, radio, réseaux sociaux, bd, magazines…

Aspasie au milieu des philosophes de la Grèce
Aspasie au milieu des philosophes de la Grèce

Des écoles athéniennes à l’Encyclopédie de Diderot, le souci de transmettre a toujours été au cœur de la démarche philosophique. Mais l’élargissement de l’espace médiatique contemporain rend les moyens et les méthodes encore plus nombreux et variés.

Une Pop philosophie ?

Le terme deleuzien de Pop philosophie est souvent repris pour nommer ce phénomène or ce concept n’échappe pas à l’ambiguïté du terme « populaire ». Pour Chritian Godin, il s’agit plutôt de Kitsch philosophie et  «Le refoulement de la grande culture peut bien s’autoriser de la modernité et du peuple, il risque de représenter pour la philosophie un signe de déchéance ». Mais Sandra Laugier y voit une chance de «faire en sorte que chacun(e) se sente capable de former son propre goût, de constituer sa propre expérience, de se rendre compétent » car « il existe en chacun une capacité à la philosophie. »
Un exemple de la diversité des propositions montre quoiqu’il en soit la vitalité de cette forme de philosophie.

 

CouPop philo Revue de la Bnf n°54

On peut philosopher de tout  : philosophie et culture populaire

La philosophie s’empare de plus en plus de ce qu’on appelle un peu indistinctement des objets de la culture populaire.

Cinéma :

Deleuze, toujours lui, s’est intéressé très vite  au cinéma et ses ouvrages restent l’illustration d’une pensée pointue à partir de films de cinéphiles. Stanley Cavell, poursuivant une réflexion philosophique sur les films se penche lui sur la comédie de remariage hollywoodienne. Elle lui permet de montrer que « le cinéma appartient de plein droit au champ de la philosophie morale. » (“Philosophie des salles obscures”, de Stanley Cavell : quand Hollywood “fait” la morale, par Jean-Louis Jeannelle, Le Monde 10/03/2011).
Olivier Pourriol choisit pour sa part d’illustrer la pensée des grands philosophes par des analyses d’extraits de films, en conférence, sur son blog, et en livre pour un Cinéphilo.

Comics :

De façon encore plus didactique, Elodie Denis et Jonas Mary font à partir des comics La philo des super-héros.  Un petit exemple : dans le chapitre « Connais-toi toi-même », Comment faire quand on est Hulk ?, un des développements se clôt par un « On fait le point» : La philo des super héros
« Se connaître soi-même, c’est donc avant tout faire l’apprentissage (douloureux pour notre héros, certes, mais que voulez-vous, les comics font rarement dans la dentelle) de ses limites et de ses responsabilités. L’homme doit cultiver la modestie face aux forces créatrices de l’univers qu’il ne saurait défier ou prétendre dompter complètement ».
Socrate et Hulk, même combat !

Séries :

Des séries, on peut tirer d’intéressants exemples de philosophie morale et politique … :

« Défenestrer un enfant, c’est mal. Qui peut dire le contrai­re ? Oui, mais si en commettant cet acte ignoble, dans la première saison de Game of thrones, Jaime Lannister avait cherché à éviter bien pire ? Le jeune Bran venait de le surprendre en plein batifolage incestueux avec sa propre soeur, la reine Cersei. Si l’affaire s’était ébruitée, le scandale aurait mené tout droit à une sanglante guerre civile… Peut-on prendre une vie pour en épargner des milliers ? C’est l’une des questions épineuses que pose Marianne Chaillan dans son livre  Game of thrones, une métaphysique des meurtres. ”
( Lire la suite de l’article en ligne Game of thrones : comment la philo peut aider à comprendre les dilemmes des personnages, Cécile Mury, Télérama.fr).

Dans Philosophie en séries, Thibaut Saint-Maurice part, dans chaque chapitre, de l’analyse d’une série. Il  pose ensuite un Philosophie en sériesproblème philosophique et propose la lecture d’un ou plusieurs textes de philosophie. 24 Heures Chrono Game of thrones, une métaphysique des meurtrespermet alors d’aborder la morale, Alias : le sujet, la conscience,  Desperate Housewives : le bonheur,  Dexter : la justice, etc.
Le concept semble efficace puisque même L’École Normale Supérieure a organisé un cycle Philosopher avec les séries télévisées !

Sport :

Le sport aussi peut être un « objet philosophique ». Ainsi,  Le tennis, c’est philosophique , et les MontyPython avaient bien compris la teneur hautement métaphysique du football dans leur Match des philosophes.

Musique :

Enfin, la musique n’échappe pas à la sagacité de Philippe Chevallier dans les articles de L’été à pleins tubes  du Philosophie Magazine et Marianne Chaillan nous propose La Playlist des philosophes. N’hésitez pas à lire l’article en ligne Philosophie et musique  pour écouter avec elle comment Encore un matin, de Jean-Jacques Goldman ou Bâtard de Stromae aident à comprendre l’existentialisme de Sartre (les musiques sont fournies dans l’article).

Et puis, vous prendrez bien un petit concert philo ? :

A lire aussi : Tubes : la philosophie dans le juke-box de Peter Szendy et le formidable Pourquoi la musique ? de Francis Wolff : Pourquoi la musique ?

« Pourquoi la musique ? Pour rien, pour tout, pour « sortir de la caverne où nous ne faisons que vivre », pour « chanter, danser, être ensemble. Pleurer seuls, lorsque la musique nous impose son silence » (Catherine Portevin dans le Philosophie Magazine n° 87).

On peut philosopher partout : philosophie et diffusion

Des conférences :

Les formes peuvent rester traditionnelles, c’est ainsi que les conférences ont encore un bel avenir. Mais elles s’intéressent à des sujets plus populaires, s’inscrivent dans le cadre de l’Université Populaire ou de la Bibliothèque. C’est le cas pour Michel Onfray, à Caen,  François Jullien à la Bnf, pour ne citer que des philosophes connus.

Des festivals :

Les festivals se multiplient, la Semaine de la Pop Philosophie à Marseille , Festival philosophique des Médiations philosophiques à Lyon, Festival Philosophia à Saint Emilion, Citéphilo à Lille … revendiquant pour certains de viser un large public.

Des émissions :

Raphaêl Enthoven

Les émissions, Tv ou radio, de Raphaël Enthoven sont très bien installées dans le paysage médiatique avec une visibilité maximale, rediffusion, podcasts, dvd.

Les chemins de la philosophie d’Adèle Van Reeth sur France Culture, ne se privent jamais d’aborder des sujets proprement philosophiques (grands concepts ou auteurs), mais veulent aussi présenter la philosophie comme « considérant comme digne d’intérêt et de réflexion l’existence dans tous ses recoins ». On peut y philosopher aussi bien avec Clint Eastwood qu’avec Wagner.

Des bandes dessinées :

Les BD sont à la fois sujets (Gaston un philosophe au travail, Tintin au pays des philosophes) et supports de la philosophie avec des présentations de philosophes en BD comme La planète des sages, ou des réflexions comme Petit traité de philosophie à la dérive de Charles Berberian. Enfin, la philosophie a depuis peu son magazine grand public, avec le souvent cité ici Philosophie magazine.

Tintin au pays des philosophesGaston un philosophe au travailLa Planète des sagesPetit traité de philosophie à la dérive

On pourrait à cette liste ajouter  les cafés philo,  et autres ateliers, les nombreux blogs et sites.

Des formes plus innovantes :

Elles visent nettement un public plus jeune, essentiellement via le net avec en vrac :

Avec les nombreuses collections récentes d’initiation, y compris pour les ados et enfants, la philosophie a rarement été aussi visible. Tout concourt donc à ce que la philosophie descende du ciel (comme le souhaite Alexandre Lacroix). Pour juger de la fécondité de ces échanges entre culture populaire et philosophie, on peut faire la preuve par le zombie. Ou quand les zombies envahissent à leur tour la philosophie de l’esprit …

 

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