Agir pour la préservation de la biodiversité

- temps de lecture approximatif de 10 minutes 10 min - Modifié le 26/07/2019 par Maud C

La biodiversité joue un rôle majeur dans l’équilibre des écosystèmes, la régulation du climat, l’alimentation de l’Homme et donc le fondement de sa survie. Néanmoins si des mesures efficaces ne sont pas prises rapidement, la densité des forêts continuera de diminuer, l’effondrement des stocks de poissons se poursuivra, et la prolifération des espèces exotiques envahissantes sera amplifiée. Cette crise d’extinction massive de la diversité biologique ne pourra être endiguée sans une prise de conscience collective et une implication à tous les niveaux de la société: hommes politiques, acteurs économiques et citoyens.

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Le rôle des Etats et des organisations internationales

Conserver, protéger, restaurer, préserver, dénaturer : ces termes flous induisent des conceptions différentes selon les pays et les groupes sociaux. Il parait tout de même indispensable de garantir un cadre juridique international afin de fédérer les Etats autour de programmes communs de préservation de la biodiversité.

Légiférer

Et si la voie juridique se révélait la plus efficace pour reconnaître les limites des ressources planétaires comme des normes auxquelles l’Homme devrait se conformer ? C’est la vision de Valérie Cabanes, juriste en droit international et auteur de Un nouveau droit pour la Terre : pour en finir avec l’écocide. Sa priorité est de faire reconnaître en droit international les atteintes les plus graves à l’environnement et au système Terre dans son ensemble comme un crime qualifié d’écocide.

Ériger le vivant comme sujet de droit implique de modifier la loi pour que soit reconnue la légitimité des écosystèmes à exister, se développer et évoluer. Le droit de la Terre, concept novateur et très controversé, soulève des questions éthiques, juridiques et philosophiques. Il repose en grande partie sur deux textes de références de portée mondiale, qui n’ont aucune valeur contraignante :

  • La Charte de la Terre, adoptée en 2000, contient un ensemble de principes éthiques fondamentaux soutenus par 6000 organisations. Son premier principe est de « reconnaître le lien d’interdépendance entre tous les êtres vivants ainsi que la valeur de toute forme de vie, quelle qu’en soit son utilité pour l’être humain ».
  • La Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère, adoptée plus récemment, en 2010, est le principal texte international de protection des droits de la Nature. Ce texte fait de la Terre une communauté indivisible de la vie, peuplée d’êtres interdépendants et considère le respect de ces droits comme condition première à l’effectivité de ceux des humains.

En dehors de ces textes, dont l’ambition est de reconnaître la Terre comme une entité à part entière, pourvue de droits, il existe une multitude de références juridiques, de portée internationale ou régionale, plaidant pour la reconnaissance de la biodiversité. La loi française pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages, promulguée en 2016, en est un bel exemple.

Coopérer

La mise en place d’une gestion durable des socio écosystèmes au niveau mondial passe nécessairement par une coordination politique entre pays. L’érosion de la diversité biologique est un défi mondial, auquel il faut adjoindre des mesures d’envergure internationale. Le Ministère de la défense recense quelques-uns de ces instruments internationaux, qui ont développés des approches basées sur la préservation des espèces menacées et la protection des habitats :

  • La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) a été adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio. Elle rassemble aujourd’hui 194 États, à l’exception notable des États-Unis. Ses objectifs fondamentaux sont la désignation d’aires protégées, la conservation des espèces et des espaces naturels, l’utilisation durable de la biodiversité ; et l’accès aux ressources génétiques ainsi que le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.
  • La plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), a été créée en 2012. Il s’agit d’un mécanisme international, reconnu à la fois par le monde scientifique et celui des décideurs politiques. Cette plateforme rassemble l’information disponible sur la biodiversité, la synthétise et en tire une analyse utile à la prise de décision politique. Elle tient un rôle similaire au Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).

Protéger

Préserver l’ensemble des écosystèmes de notre planète, cela passe tout d’abord par un travail d’identification des zones géographiques possédant une grande richesse de biodiversité. Gaël Derive, auteur de l’ouvrage Nous sommes humains, ne l’oublions pas décrit l’une de ces mesures de recensement : les points chauds de biodiversité. Pour être qualifiée comme tel, une région doit répondre à deux critères :

  •  1500 espèces endémiques recensées soit plus de 5% des espèces présentes sur la Terre
  • une perte de 70% de l’habitat d’origine

Ces éléments ont permis de définir 34 points chauds à travers le monde. Ces zones critiques représentent 2,3% de la surface de la Terre et contiennent de manière restreinte : 42% des espèces de mammifères, oiseaux et amphibiens ; et 50% des plantes vasculaires.

Selon l’auteur, scientifique et voyageur : « L’humanité doit concentrer ses moyens sur la conservation prioritaire de ces hauts lieux de biodiversité. Perdre une seule de ces régions serait inacceptable, ce serait perdre de manière irréversible un pan entier de la bibliothèque vivante de la planète Terre. »

 

Le rôle des acteurs économiques et locaux

Complexes à évaluer sous forme de devises, les services rendus par la biodiversité ont une valeur non négligeable pour la société. Les entreprises ainsi que les collectivités locales ont un rôle majeur à jouer dans la réduction de leurs impacts sur les écosystèmes, mais aussi dans la restauration et la valorisation de ceux-ci.

Evaluer

Imaginé par des écologues, le concept de service écosystémique a été défini pour mettre en valeur l’importance du rôle du fonctionnement des écosystèmes pour les sociétés humaines. Dans un contexte de dégradation des écosystèmes et de disparition des espèces, ce concept dépasse la conservation de la biodiversité au sens strict et sensibilise sur la nécessité de maintenir le fonctionnement de base des écosystèmes.

L’Evaluation des écosystèmes pour le Millénaire est un programme de travail international, initié en 2000, qui répond aux besoins des décideurs et du public en matière d’information scientifique sur l’état des écosystèmes, les services qu’ils nous rendent et leurs évolutions probables.

Quatre catégories de services ont été identifiées :

  • les services d’approvisionnement (les cultures, le bétail, la pêcherie…)
  • les services de régulation : la qualité de l’air, la pollinisation, le contrôle des risques naturels…
  • les services culturels : les loisirs, le tourisme ; les valeurs éthiques et spirituelles
  • les services support : le cycle de l’eau, les nutriments (Ces derniers forment une base nécessaire à l’ensemble du fonctionnement des autres services.)

En 2005, les conclusions de ce travail ont démontré que l’activité humaine réduit le capital naturel de la Terre, exerçant des pressions si fortes sur l’environnement que la capacité des écosystèmes de la planète à soutenir les générations futures est remise en cause. Cependant, l’évaluation a aussi démontré que la dégradation des écosystèmes pouvait être renversée d’ici à 2050, à conditions d’adopter d’importants changements politiques et pratiques.

S’adapter

La Terre est trop souvent considérée par le système économique comme un environnement extérieur dans lequel simplement puiser ses ressources et rejeter ses déchets. Face à ces difficultés, pourquoi ne pas reconsidérer l’activité humaine de manière plus modeste, comme un-sous ensemble de la biosphère ? Cette vision alternative est développée dans l’ouvrage collectif dirigé par Benoît de Guillebon et Patrick Nollet, En route vers l’éco-économie. Une relation respectueuse de l’entreprise envers l’environnement peut se traduire par la compensation des impacts sur la biodiversité ou encore par l’utilisation de services issus de la nature.

C’est cette dernière solution qu’a choisi de mettre en place le groupe Suez environnement au sein de ses Zones libellules. Placés en aval de petites stations d’épuration, ces espaces humides abritent plusieurs espèces de plantes qui permettent de filtrer l’eau sans produits chimiques et créer un réservoir de biodiversité.

Les intérêts sont multiples et durables pour les entreprises. Au-delà de la préservation de leur image, la prise en compte de la biodiversité dans leurs stratégies de développement leur permet d’être mieux notées dans les systèmes de cotations et d’acquérir une reconnaissance sociale de leur activité. Si les plus grands groupes ont créés des fondations qui financent des projets en faveur de l’environnement, les autres entreprises peuvent être soutenues dans leurs démarches par des acteurs nationaux tels que le comité français de l’IUCN Entreprise et biodiversité.

Déployer

Appuyées par l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités locales intègrent la biodiversité dans leurs politiques publiques. Avec plus de 350 plans climats et 400 projets d’écoquartiers en France, l’urbanisme représente cet enjeu avec dynamisme.

Philippe Clergeau, ancien consultant en écologie urbaine, tente de répondre à deux questions centrales, à l’origine de tout nouveau projet urbain : Quelle nature favoriser dans la ville ? Comment concilier beau, usage et biodiversité ? Dans son ouvrage Manifeste pour la ville biodiversitaire : changer pour un urbanisme inventif, écologique et adaptatif, il invite les différents acteurs locaux à créer et maintenir une biodiversité là où les gens vivent et travaillent.

Pour atteindre cet objectif, il faut apprendre à accepter la présence d’espèces plus ou moins sauvages dans les zones les plus urbanisées, qui joueront un rôle de médiation avec la nature sauvage. La création de corridors écologiques, la piétonisation des centres-villes sont quelques mesures qui peuvent contribuer à recréer un cadre plus sauvage dans les zones urbaines. Toutes ces évolutions sont à construire avec le citoyen qui doit être sensibilisé à des démarches, telles que l’enherbement des pieds d’arbres qui vont parfois à l’encontre d’une culture de la protection et la propreté.

 

Le rôle des citoyens et des associations

 Peut-on lutter contre l’érosion de la biodiversité sans leviers politique et financier ? C’est en tout cas ce que tente de faire un grand nombre de citoyens, à leur modeste niveau. La densité du tissu associatif et les nombreuses initiatives scientifiques à destination du grand public qui essaiment un peu partout en France témoignent de cet engouement pour la préservation de la nature.

Œuvrer

Avons-nous le choix d’agir pour la biodiversité ? Pour Hélène Soubelet et Jean-François Sylvain, la réponse éthique est bien évidemment négative. Ces deux directeurs successifs de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité ont co-écrit le guide Sauvons la biodiversité ! : les 10 actions pour (ré)agir ! Son objectif est de donner à tous, politiques, acteurs économiques mais surtout citoyens, les moyens d’agir pour préserver le fragile équilibre des écosystèmes dont dépend, rappelons-le, notre survie

Pour les auteurs, la prise de conscience passe avant tout par la reconnexion à la nature. Découvrir les 1,2 millions d’espèces décrites par les scientifiques peut se révéler très ludique grâce à INPN Espèces, seule application permettant de reconnaître l’ensemble des espèces de la faune et de la flore françaises ou La Salamandre, revue franco-suisse didactique et illustrée.

Face à vif intérêt des français pour la sauvegarde de la biodiversité, plusieurs établissements publics ont ouvert des programmes de sciences participatives. Ces programmes de recherche impliquent le citoyen dans la collecte d’informations scientifiques qui servent à constituer des bases de données nationales sur la biodiversité. Le Muséum d’histoire naturelle, pionnier des sciences participatives en France, propose plusieurs programmes qui allient observation de la nature et collaboration scientifique. Les herbonautes, l’herbier numérique collaboratif citoyen, et l’Enquête nationale participative sur les écureuils de France font partie de ces programmes ouverts au grand public.

Héberger

A condition d’avoir un peu d’espace extérieur et de temps libre, il est possible d’héberger chez soi une multitude d’espèces locales. C’est ce que nous explique Aymeric Lazarin dans son guide Je crée ma pelouse écologique, refuge de la biodiversité. Paysagiste, enseignant en biologie et écologie, il a mené une réflexion sur les pelouses, leurs rôles et les impacts économiques et écologiques qui transparaissent à travers leur gestion et leurs usages. Par le biais de ce guide pratique, il encourage tous les jardiniers à renoncer aux pelouses modernes. L’entretien de ces espaces verts uniformes sur le modèle du « gazons anglais » devient difficile à cause des épisodes de canicules de plus en plus fréquents.

Les services rendus par une pelouse écologique sont nombreux :

  • nourrir les pollinisateurs, abriter la petite faune (papillons, abeilles, lézards, orvets)
  • filtrer et retenir des eaux polluées
  • prévenir les inondations
  • lutter contre l’érosion en formant une couverture de protection des sols
  • absorber les sons
  • rafraîchir les agglomérations
  • apaiser les humeurs et divertir

 L’auteur donne des pistes pour trouver des alternatives à la pelouse traditionnelle : pelouse mixte, tapis de plantes couvrantes, prairie fleurie. Il propose également des conseils de gestion durable: mise en place de la nouvelle pelouse, tonte raisonnée, arrosage, fertilisation…

Aymeric Lazarin démontre qu’en acceptant de remettre en question nos certitudes traditionnelles, sociétales, émotionnelles ou culturelles, nous parviendront à adopter ces pelouses écologiques, refuges de biodiversité. Sa devise ? « Il existe des solutions aux problèmes de notre société et elles sont en grande partie végétales. »

S’engager

Enfin, il existe de nombreuses associations dédiées à la protection de l’environnement. France Nature Environnement, la fédération française des associations de la nature, en recense 35000 qui sont présentes sur tout le territoire français, en métropole et outre-mer. Certaines s’impliquent plus particulièrement dans la préservation de la biodiversité et des milieux sauvages.

L’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) est une ONG indépendante, reconnue d’utilité publique depuis 2008. Elle s’attache à rendre à la nature sauvage des espaces où elle puisse s’exprimer librement et pleinement. Les hommes, animaux et plantes peuvent à leur tour y trouver une place pour s’épanouir et se développer, sans verser dans la démesure. Deux de ses administrateurs, Gilbert Cochet et Stéphane Durand, ont co-écrit un manifeste qui détaille cette quête de liberté : Ré-ensauvageons la France : plaidoyer pour une nature sauvage et libre.

Cet ouvrage résolument optimiste passe en revue tous les grands milieux naturels : océan, côtes, mers, montagnes, forêts et rivières. En plus du bénéfice pour la planète, le respect de ces richesses naturelles pourrait générer de véritables profits écologiques et économiques. Les auteurs proposent un éventail de solutions simples pour favoriser un retour de la faune sauvage en France, un pays dont les conditions environnementales en font l’un des plus favorisés d’Europe en termes de biodiversité.

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