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Miracles et légendes de mon pays en guerre

Richard Morgiève

Comment un proxénète fait revivre un petit village perdu dans les marais pendant la débâcle de mai 40.

« C’était l’année du rat géant il allait avaler tout le zodiaque, tout l’univers. A peine installé au calendrier la pluie le beau temps c’était lui ».
Lorsqu’un roman commence ainsi, on devine d’avance que la lecture n’en sera pas de tout repos. Ainsi, c’est sans ménagement qu’on se retrouvera plongé dans une apocalypse digne de Jérôme Bosch – et ça tombe bien, car le héros du livre, souteneur en déroute, s’appelle Saint-Jean – Saint-Jean, qu’on verra tout à tour cupide, violent, amoureux, tyrannique, protecteur, lâche, paternel, mort et ressuscité, mais toujours doué d’un flair et d’un sens de l’à-propos indéfectibles.
Qu’il déniche dans un village marécageux et oublié de la cartographie une grande maison que les gens du pays disent hantée, et le voilà qui ouvre une maison close pour la durée de la guerre, fréquentée à la fois par la résistance et par les forces d’occupation : dans ces temps troublés, la survie est plus urgente que la morale.
Et au milieu de tout ça, le narrateur, un bébé trouvé dans une valise, devra faire des années d’occupation un apprentissage de la vie et une quête éperdue d’amour. Ni lui, ni le lecteur n’en sortiront indemne, car, de quelque côté qu’on se tourne, les personnages sont violents, égoïstes, cupides, capables des pires trahisons et lâchetés. Pourtant, leur détresse comme leur capacité à aimer finit toujours par les placer au-delà de tout jugement définitif.
Et c’est ainsi que, bousculant syntaxe et repères moraux, Morgiève accède à un humanisme radical : celui qui consiste à voir les hommes comme ils sont, avec leurs pires travers, mais à les aimer quand même.

Un grand livre.

Voir dans le catalogue de la BML

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