La Colonie

Annika Norlin

lu, vu, entendu par AdM - le 29/09/2025

Déjà un succès en Suède et en cours de traduction dans 15 langues, la Colonie par l'habileté de sa narration pleine d'humour et de suspens vient toucher avec pertinence chaque lecteur.

Dans un premier roman foisonnant et percutant, Annika Norlin propose une réflexion sur notre rapport au bonheur, à la nature et à notre propre société.

Une étrange communauté

Emelie, citadine dans l’âme qui aime la foule et le bruissement incessant de la ville, s’épuise et finit par se perdre. Souffrant d’un burn out fulgurant, elle décide de tout quitter pour se perdre dans la campagne suédoise. Mais dans cette forêt isolée, Emelie tombe sur un étrange groupe de sept individus, aux âges et aux allures disparates, qui semble uni dans une cohésion paisible. Intriguée par les mœurs étranges de cette communauté qui vit en autarcie dans la forêt, qui remercie la nature, qui dort sous un arbre, Emelie sent son instinct de journaliste la titiller. Elle veut savoir pourquoi et comment ce groupe s’est constitué, ce qu’ils sont, ce qu’ils cherchent. Par sa rencontre avec Läke suivie de celle des autres, Emelie bouleverse le fragile équilibre de cette communauté en questionnant l’harmonie et le bonheur trouvé par les membres. Finalement, sont-ils satisfaits?

D’abord, la narration commence par les notes qu’Emelie écrit dans son carnet en 2023, puis bien vite s’insèrent les écrits de Läke, né au sein de la communauté et qui semble à part. Ensuite des flashbacks nous entraînent dans le passé de chaque membre de colonie. Trois grandes parties (1970/1998, 2003/2008, 2008/2023) dévoilent les destins improbables, singuliers, tourmentés, marginaux de chacun des personnages et la manière dont leurs rencontres ont abouti à cette colonie.

L’autrice nous dévoile ainsi pas à pas chacun de ses personnages en leur donnant à tous la même importance. Elle nous fait partager leurs doutes, leurs turpitudes, leurs joies et leurs blessures avec une grande empathie mais aussi beaucoup d’humour. Le lecteur s’attache à chacun d’entre eux car dans leurs réflexions, leurs solitudes, leurs questionnements il y a un peu de chacun d’entre nous. Ils sont géniaux et loufoques, solaires et blessés, passionnés et perdus, tous sensibles et attachants.

Une réflexion sur le monde

Ainsi, Annika Norlin par le biais de cette expérience communautaire vient sonder notre société. Son texte nous questionne sur la manière dont nous faisons groupe, sur notre rapport à la nature, sur les angoisses et les insécurités de chacun, sur la liberté, sur le pouvoir… Elle n’impose pas de solution ni de discours politique. Elle offre cette agrégation de destins et de trajectoires inéluctables qui viennent interroger nos fonctionnements et les utopies sociales.

Unique et original, ce pavé de 568 pages ne se lâche pas. Il témoigne d’une intelligence émotionnelle précieuse qui détricote l’âme humaine. D’une intensité et d’un humour incisif, ce texte ne laisse pas le lecteur indifférent sur sa vision du bonheur, de la nature et de la société.