Vous reprendrez bien une part de “Cosy Mystery” ?
Publié le 01/03/2022 à 08:00 - 10 min - Modifié le 18/03/2022 par EM
Le "cosy mystery" natif d'Angleterre, mêle suspense et humour, proposant une lecture divertissante servie par des enquêteurs amateurs excentriques.
Le « cosy mystery » ou “cosy murder” ou encore « cosy crime » est un sous-genre du roman policier.
Cette dénomination apparaît officiellement dans les années 1990 en Angleterre. L’enquête « chaleureuse ou douillette » met en scène une énigme sans violence, et se déguste telle une boisson chaude, avec un nuage de lait de mystère, et un soupçon de suspicion.
En 2020, le genre explose. Outre-manche, le « Murder club du jeudi » de Richard Osman propulse le genre comme un phénomène d’édition. Troisième meilleure vente de tous les temps après les sagas Harry Potter et Da Vinci Code. Comme un besoin de réconfort et fort des succès du petit et grand écran, découvrez les clés de ce genre.
Une ambiance unique
Sa genèse
Si la littérature policière se découpe en 7 grands genres :
- le récit d’énigme dit « whodunit ».
- le roman noir.
- à suspense ou « thriller ».
- le roman d’espionnage.
- le policier historique.
- le polar scientifique ou ésotérique.
- le policier humoristique.
Agatha Christie pourrait revendiquer la maternité de ce genre, aux situations cocasses et à l’humour so british.
En 1930, dans « L’homme au complet marron », son héroïne Anne Beddingfeld assiste à la chute mortelle d’un homme et décide alors d’enquêter. Ainsi au départ, les “cosy mystery” sont un sous-genre du paysage littéraire anglo-saxon.
Pionniers, ils furent rapidement suivis par des auteurs étrangers relevant souvent d’une appétence historique.
Style et environnement
Le « cosy », c’est l’élégance d’un meurtre sans effusion et aux situations cocasses. Pas de sang, de traumatisme, de versant psychologique, il s’impose comme l’opposé du thriller, sans ébats ni violence.
Ainsi son environnement de prédilection se révèle être : Le cottage anglais. La douce campagne verdoyante, qui reniflent les scones et les cheminées fumantes. La météo y est pluvieuse et le brouillard rend tout suspect, pousse à l’isolement et aux pires bassesses.
De plus, le huis clos campagnard se dévoile comme un parfait contexte à l’événement le plus cruel : un meurtre !
Car tout les suspects potentiels se connaissent , et le périmètre d’investigation réduit, confère à la campagne la nuit tombée une ambiance propice au secret.
De surcroît, on reconnaît aisément un cosy à sa couverture souvent dessinée et rigolote avec une mise en scène burlesque. Indéniablement grand public, le “cosy” ne serait pas “cosy” sans ses traits d’humour et comique de situation. Facile d’accès, il peut être picoré dans le sens souhaité et laisse une part de liberté au lecteur avec une enquête au tome.
L’enquête
Le crime n’est pas un passage obligé.
Un délit a eu lieu sous la forme d’un vol, un cambriolage, une usurpation d’identité, un secret de famille, voir l’apogée : un crime.
Les trames redondantes contribuent à l’aspect réconfortant de l’enquête avec son lot de rebondissements. En conclusion les meurtriers s’avèrent souvent des proches et parents des victimes aux mobiles personnels, et de légers détails mettront sur la piste les fins limiers.
Selon l’auteure américaine Amanda Flower : ” La raison principale pour laquelle les lectrices aiment les cosy c’est qu’elles savent ce qu’elles vont avoir. Dans un cosy il y a une fin heureuse et la justice est rendue. Ça n’arrive pas toujours dans la vraie vie. Un cosy est une brève échappée loin des problèmes du monde réel, et pour ma part je prévois de faire cette échappée encore et encore.”
L’anti-héros
Dans le « cosy », exit les experts et leurs ambiances macabres, bonjour aux fouineurs à l’accent british et aux petites cellules grises. Tout le sel du “cosy ” se base sur ces personnages et dans le fait que le héros n’ait aucun lien avec les forces de l’ordre. L’amateur s’intronisant enquêteur facilite l’empathie du lecteur. Cette personne au tempérament irrépressiblement curieux et culotté prend souvent l’apparence : d’une femme. Voilà de fait, le lectorat féminin acquis à la cause.
De plus, le “cosy” propose une galerie de personnages loufoques et saugrenus et parfois récurrents. L’occasion de l’enquête se déclenche souvent par la parentalité avec la victime ou le suspect, ou les héros viennent porter leur aide à un proche démuni.
Ainsi le profil du ” héros de cosy ” s’impose comme le terreau fertile à des adaptations cathodiques hautes en couleurs et montrent plusieurs facettes :
◊ un personnage féminin truculent qui agace comme :
Miss Marple, vieille fille fouinant sans cesse, semble indéniablement attirée par les énigmes. Mieux que les cancans, les meurtres jonchent son quotidien. De plus, elle est dotée d’un sens de la déduction implacable mais elle déclenche le courroux des forces de l’ordre.
Agatha Raisin,après 20 millions d’exemplaires vendus, est incarnée sur le petit écran par l’actrice britannique Ashley Jensen.
L’inoubliable Jessica Fletcher avec Angelica Lansbury dans l’icônique série Arabesque. Avouez que cette badinerie pianotée vous rappelle quelques souvenirs.
◊ le couple d’enquêteurs
Dans le “cosy” les écrivains ont souvent recours au faire-valoir ou “sidekick” en anglais, qui par ses remarques absurdes concourt à la déduction du héros et à sa mise en lumière. Par conséquent, le binôme marital amène un humour de connivence dans la familiarité que les personnages se vouent. Par exemple, les adaptations portées au grand écran avec Catherine Frot et André Dussolier tirées des romans d’Agatha Christie :
“Mon petit doigt m’a dit” ou “le crime est notre affaire“.
◊ les écrivains s’intronisent à leurs tours comme enquêteurs. Des grands noms de la littérature chaussent aussi les loupes tels que :
les sœurs Brontë enquêtent de Bella Ellis, Voici déjà deux tomes édités aux éditions Hauteville, pour la fratrie victorienne aux idées progressistes et aux charmes surannés.
les sœurs Mitford enquêtent de Jessica Fellowes suite romanesque de la biographie d’Annick Le Floc’hmoan ” ces incroyables soeurs Mitford “, imagine leurs fougueuses personnalités comme détectrices.
◊ les groupes d’enquêteurs intensifient parfois courage et réflexion.
les détectives du Yorkshire de Julia Chapman
Le petit village de Burncliffe où Samson O’Brien ouvre son agence de détective privé auprès de Delilah Metcalfe. Cette dernière découvre qu’un meurtrier s’en prend à ses clients.
Alexander McCall Smith avec son ” Club des philosophes amateurs “
Isabel Dalhousie, quadragénaire célibataire vivant à Edimbourg se penche un peu trop sur les enquêtes policières.
◊ Enfin le héros improbable.
Les chats détectives crées par Lillian Jackson Brown sont des siamois, Koko et Yom-Yom, aux intuitions époustouflantes et qui participent aux enquêtes du journaliste Jim Qwilleran.
Des auteurs prolifiques et populaires
Pour servir ces héros atypiques et divertissants, voici des auteurs portés aux nues, dont la disparition attriste et accroit leur notoriété. L’usage étant de se cacher sous un nom de plume, de la retraitée auteure sur le tard, aux illustres écrivains de polar en passant par les férues de gourmandise. Le genre s’exporte et répand les enquêtes douillettes.
M.C.BEATON et ses héros :
De son vrai nom Marion Chesnay, elle est publiée depuis 1979. D’origine écossaise, elle s’est éteinte en 2019 après avoir écrit plus de 150 livres. Nous lui devons la fameuse série d’Agatha Raisin et ses 30 volumes, publiée en France il y a 7 ans. Elle narre l’arrivée d’une agente de relations publiques de 53 ans, débarquée de Londres pour Carsely et accusée de meurtre.
Kinsey T.E. et les enquêtes de Lady Hardcastle
Ancien journaliste, il épouse une vie épicurienne et oisive pour se consacrer à l’écriture de “cosy mystery” qui se déroule dans l’Angleterre du début du XXème siècle.
Rhys Bowen et son espionne royale
Les années 30 avec Lady de Rannoch, la vingtaine tout juste passée, la 34ème héritière du trône britannique est missionnée par la reine pour espionner son fils.
L’américaine Joanne Fluke et les enquêtes d’Hannah Swensen
Nom de plume de Joanne Fischmann, native du Minnesota, elle s’épanouissait dans la littérature jeunesse jusqu’à la création de sa série mettant en scène une pâtissière. L’héroïne découvre une victime devant un dîner pour deux, dont sa fameuse tarte au citron. 19 tomes déjà parus outre Atlantique.
Robert Thorogood
Scénariste à succès de “Meurtre au paradis” pour le petit écran, il réunit de truculentes enquêtrices dans “Les dames de Marlow enquêtent” aux éditions de la Martinière.
Les auteurs Français :
Inspirés par ces codes semblant invoquer les enquêtes de Rouletabille de Gaston Leroux, les auteurs francophones s’emparent aussi avec succès de cette mouvance à la plume assassine mais raffinée. Le “cosy” permet de dépoussiérer le roman de terroir en le rendant plus ludique. Comme :
Claude Izner et les enquêtes du libraire Victor Legris
Paris Belle Epoque, les enquêtes du libraire Victor Legris réunissent Toulouse-Lautrec, La Goulue, Verlaine, quel plaisir décadent de mêler art, histoire et crime.
Andrea H.Japp Pas de Pissenlit pour le cadavre
Même l’illustre auteure française de littérature policière, traductrice de Patricia Cornwell s’essaye au genre.
Fréderic Lenormand avec sa série “Au service secret de Marie-Antoinette”
Habitué des romans historiques, il glisse ses mains dans les gants de la cour de la reine pour servir d’extravagantes intrigues menées par la couturière et le coiffeur de Marie-Antoinette.
Margot et Jean Le Moal Bretzel et beurre salé
Quand une pimpante quinquagénaire Cathie Wald déménage dans le Finistère et ouvre un restaurant de spécialités alsaciennes. Un notable du village meurt intoxiqué par sa choucroute.
SERIES ET FILMS :
De François Ozon à Robert Altman, de “Downton Abbey” au “Meurtre de la chambre jaune“, le cinéma ne s’y trompe pas et le “cosy” est une boite de jeu récréative où les codes captivent les spectateurs.
- Les petits meurtres d’Agatha Christie série télévisée présentant déjà 3 saisons.
https://www.youtube.com/watch?v=kp4-tBwOB-o - Le célèbre et envoûtant film “Gosford park” de Robert Altman réunit les codes du genre.
L’écrin numérique parfait
Enfin depuis 10 ans, Instagram a pris le pas sur Facebook, rendant les réactions à des visuels esthétiques plus instantanées. Les hashtags permettent à des communautés de se fédérer. Ainsi depuis 2020, la communauté sous l’égide du Hashtag #Bookstagram explose et décrète un “#cozymysteryday ” le jour de la naissance d’Agatha Christie le 15 Septembre. Le numérique s’est emparé “de la littérature cosy” propice à de jolies mises en scène faisant de ce média, une fenêtre sur un goûter british littéraire policier éternel. Pour preuve le compte de Louise Grenadine recelant de doux conseils lectures.
En résumé, le feu et l’édredon vous attendent. Votre curiosité crépite, votre alibi est parfait, jetez-vous à corps perdu dans le “cosy mystery“!
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