Homo sapiens, éternel migrant

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? D'où vient notre ancêtre commun et à quels endroits du globe a t-il transité ? Retraçons les différentes étapes de l'histoire de l'humanité, d'homo habilis à homo sapiens apparu en Afrique, après une mutation génétique, il y a -170 000 ans. De ce moment charnière de notre histoire, commence la grande migration de notre ancêtre africain ; d'abord l'ensemble de l'Afrique puis l'Asie et enfin le monde.

© Pixabay
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Dans un sketch de 1977 brocardant le racisme ordinaire, l’humoriste Coluche faisait affirmer à un Beauf à la Cabu :

« Y faut savoir qu’dans l’Monde y’a 58 millions de français … Y’a presque 3 milliards d’étrangers ! »

Les plus récentes découvertes scientifiques, notamment en paléontologie, génétique et linguistique, nous permettent désormais de surenchérir :

« Il faut savoir que dans le Monde il y a désormais presque 7 milliards de filles et fils d’immigrés … dont 66 millions de français ! »

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Démonstration en trois points :

Qui sommes-nous ?

Nous nous nommons Hommes, êtres humains ou, pour parler un peu latin de cuisine, Homo sapiens.
Notre espèce est présente sur l’ensemble des continents et transforme Dame Nature depuis l’invention de l’agriculture et de l’élevage domestique, lors de la Révolution néolithique (aux alentours de – 12 000 BP, soit 12 000 ans avant aujourd’hui).

Un peu de modestie ne fait pas de mal, nous ne sommes pas les seuls : depuis des millions d’années les micro-organismes, les insectes et les vers de terre ont un rôle essentiel dans la transformation de la Nature, plus précisément la nature des sols. Et sans sol bien travaillé par eux, pas de culture productive, pas de prairie d’herbe grasse pour nos animaux domestiques.

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Homo sapiens fait par ailleurs partie d’une grande famille. Dans le règne animal, nous intégrons le taxon des mammifères. Le premier mammifère identifié à ce jour est apparu il y a environ 215 millions d’années (cf. bibliographie : Une brève histoire des mammifères). Les mammifères comportent dix-huit ordres dont l’ordre des primates, le nôtre, que nous partageons avec les singes et les lémuriens (cf. bibliographie : Classification phylogénétique du vivant).
Dans cet ordre, nous faisons partie des hominoïdes comme l’orang-outang, le chimpanzé et le gibbon, dont les premiers représentants disparus du genre Proconsul datent de 25 millions d’années. C’est au sein de ces hominoïdes que nous trouvons le genre Homo : c’est le nôtre (cf. bibliographie : Dictionnaire d’anthropobiologie).

D’où venons-nous ?

L’achèvement du séquençage complet du génome humain en 2004 va mettre un coup de fouet aux recherches sur l’origine de l’homme. La paléontologie peut s’appuyer sur les recherches en génétique humaine. Ces recherches récentes dans ce que certains commencent à appeler la paléogénétique permettent de brosser une histoire de l’homme, bien présentée, avec ses différentes théories, dans un ouvrage récent de Jean Chaline (cf. bibliographie : Généalogie et génétique).
La branche Homo a dérivé il y a 6 à 7 millions d’années d’un ancêtre commun aux singes et aux hommes, encore inconnu à ce jour.

Plus près de nous, nous trouvons Homo habilis, un de nos plus vieux ancêtres identifiés (3 millions d’années). Puis Homo erectus qui a émigré une première fois de l’Afrique vers l’Asie et l’Europe il y a 1,4 millions d’années…
Mais au sein de la population restée en Afrique, une mutation génétique est apparue « un beau jour », entre -180 000 ans et -170 000 ans, donnant naissance à Homo sapiens, ancêtre de tous les hommes et femmes vivant sur Terre aujourd’hui.

Homo sapiens perd les caractéristiques archaïques d’Homo erectus, comme un fort bourrelet au dessus des yeux et un front fuyant et en acquiert de nouvelles comme un vrai menton et surtout une boîte crânienne plus importante grâce à ce front plus vertical, très utile pour pouvoir y loger un plus gros cerveau
Cette histoire des origines africaines d’Homo sapiens découle des dernières découvertes en paléontologie et en génétique. L’étude des fossiles associée à celle de l’ADN de représentants de diverses populations du monde actuel permet en effet de remonter jusqu’à notre ancêtre hypothétique, qui semblerait bien être une femme d’ailleurs (cf. bibliographie :L’aventure de l’espèce humaine).
Cette étude de l’ADN situe son apparition clairement en Afrique de l’Est ou Centrale, la précision ne va pas au-delà pour l’instant.

L’étude de l’origine des langues parlées dans le monde vient elle aussi corroborer cette affirmation. Des linguistes tels Joseph Harold Greenberg ou Merrit Ruhlen ont regroupé des langues actuelles au sein de grandes familles originelles : c’est l’approche généalogique de la classification des langues (cf. bibliographie : Aux origines des langues et du langage). Merrit Ruhlen propose en 1997 sa théorie d’une seule origine commune à toutes les langues, une langue mère dont l’Afrique est le berceau (cf bibliographie : L’origine des langues ; La génétique des populations)
Comme son ancêtre Homo erectus, Homo sapiens a la bougeotte : la grande saga de notre humanité peut commencer.

Où sommes-nous allés ?

Partout, ou presque !

Première étape logique, la migration vers l’ensemble de l’Afrique. On peut penser que dès le départ (- 170 000 ans), Homo sapiens a étendu son aire de répartition en partant sans doute de l’est ou du centre de l’Afrique pour finir par occuper tout le continent. Les étapes de cette migration font encore débat actuellement.

Deuxième étape, le passage en Asie par le Sinaï, en deux grands flux, il y a 100 000 ans puis 60 000 ans environ. La plus récente migration s’étant superposée à la première et ayant entraîné les migrants d’une part vers l’est jusqu’en… Australie, atteinte vers -45 000 ans (hypothèse dite de la voie sud tropicale), d’autre part vers l’Asie centrale et l’Europe (hypothèse dite de la voie nord levantine)(cf. bibliographie : Généalogie et génétique).

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C’est le long de cette voie nord levantine qu’Homo sapiens côtoiera une autre espèce humaine dérivée d’Homo erectus (qui était déjà sorti d’Afrique bien avant, souvenez-vous) : Homo neanderthalensis, doté lui aussi d’une capacité crânienne importante (cf. bibliographie : Un néandertalien dans le métro). Cet Homme de Néandertal disparaîtra vers -25 000 ans (dernières traces au Portugal et à Gibraltar), laissant Homo sapiens comme seul et unique représentant de l’espèce humaine.

Ultime étape d’Homo sapiens : la découverte de l’Amérique. La théorie la plus étayée du peuplement du continent américain (mais il en existe d’autres) est connue : le passage du détroit de Béring entre -38 000 et -15 000, à la faveur d’épisodes glaciaires entraînant un niveau marin général beaucoup plus bas ( -120 m environ) favorisant le passage à pied sec ou par cabotage le long des côtes englacées.
La génétique nous apprend que ces nouveaux immigrés d’Amérique n’étaient que 80 à 500 au départ ! (cf. bibliographie : Généalogie et génétique)

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Mais les bisons ont vite regardé d’un mauvais œil ces redoutables chasseurs. A tort, car Homo sapiens ne prendra pendant longtemps que sa part nécessaire sans gaspillage. Pour les deux populations, les gros ennuis viendront bien plus tard de l’océan à l’est du continent…
Une fois les grandes plaines à bisons atteintes (-13 000), cap au sud pour l’infatigable Homo sapiens migrator (néologisme non officiel), par voie terrestre mais aussi peut-être par mer sur l’océan Pacifique : l’extrême sud de l’Amérique est occupé il y a environ 10 000 ans.

Homo sapiens, émigré d’Afrique, occupe depuis tous les continents à l’exception de l’inhospitalier Antarctique.(cf. bibliographie : Généalogie et génétique)

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Conclusion

Tout être humain à la surface du globe est, en son lieu de résidence, un immigré africain de ixième génération, sauf bien sûr celui habitant près du foyer de l’humanité en Afrique. Nous sommes donc bien près de 7 milliards d’immigrés africains.
Et selon une hypothèse très récente des paléogénéticiens des universités de Leeds et de Porto reprise dans American Journal of Human Genetics, à part les africains de souche, nous sommes tous de descendance arabe, nos ancêtres ayant très certainement effectué un passage de plusieurs milliers d’années en péninsule arabique. (cf bibliographie : The arabian cradle : mitochondrial relicts of the first steps along the southern route out of Africa)
Si cette théorie est confirmée, parmi les immigrés maghrébins récents d’Europe, ceux qui sont exclusivement de souche africaine ne sont pas d’origine arabe, à l’inverse de tous les européens descendants des Homo Sapiens arrivant sur notre continent à partir de -35 000 BP…

Toute théorie scientifique est réfutable par essence, mais cette histoire de l’humanité naissante semble solide et acquise à la lumière des plus récentes découvertes.

Un jour peut-être on connaîtra le lieu plus ou moins précis où une mutation génétique a permis à Homo erectus de « devenir » Homo sapiens. Alors on pourra élever in situ une statue géante à cet ancêtre africain(e), pour le (la) remercier entre autres de ne pas s’être fait(e) manger par un fauve ou ne pas s’être noyé(e), comme Lucy l’australopithèque, avant d’avoir eu des enfants pour perpétuer la nouvelle combinaison génétique.

En attendant, puisque cet ancêtre nous a légué un gros cerveau, essayons de ne pas le faire tourner à vide et utilisons-le à bon escient.

Sources scientifiques

Sources d’inspiration

Cet article fait partie du dossier Etranges étrangers….

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