Quand l’impensable arrive : les catastrophes industrielles

- temps de lecture approximatif de 12 minutes 12 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

La technologie, les prouesses de l'ingénierie humaine ont rendu d'immenses services à l'humanité. Mais ce progrès se révèle parfois autodestructeur ; les catastrophes industrielles de grande ampleur peuvent en témoigner.

© Pixabay
© Pixabay

Cela arriva la nuit, une nuit de décembre, calme et tranquille. Au départ, ce qu’on prit pour un banal incident à peine digne d’être relevé. Quand les contrôleurs identifièrent la fuite de gaz, il était déjà trop tard : le nuage toxique s’était déjà répandu et allait tuer immédiatement 3000 personnes. Bien d’autres allaient suivre. Une nuit calme et tranquille qui fit connaitre Bhopal au monde entier… AZF, Feyzin, Malpasset, Tchernobyl, autant de noms aujourd’hui célèbres pour les drames provoqués, les vies fauchées, les paysages défigurés. Pourquoi ces catastrophes marquent-elles autant l’opinion, alors que guerres, épidémies et autres fléaux sont le lot quasi quotidien de l’information ? Serait-ce parce que notre confiance aveugle dans le progrès et la technique se voit brutalement remise en cause, et à travers cela, plus globalement notre mode de vie ? Retour sur ces drames modernes.

PNG - 229.2 ko

Puits de pétrole en feu

Sommaire

1) Dans la nuit de Bhopal
2) Malpasset ou la vague mortelle
3) Les mystères d’AZF
4) Feyzin, petite cité tranquille
5) Dioxine à Seveso
6) Les fantômes de Tchernobyl
7) Petit précis de cindynique

1) Dans la nuit de Bhopal

Survenue la nuit du 3 décembre 1984, la catastrophe de Bhopal reste la plus importante à ce jour. Entre 4000 et 6000 décès, des milliers d’invalides temporaires ou définitifs, aveugles, tuberculeux, souffrants de pathologies respiratoires graves, au total plus de 360 000 victimes selon le gouvernement Indien. Cinq ans de procédures aboutiront à un verdict que beaucoup considéreront comme scandaleusement faible : 470 millions de dollars.
C’est très probablement un mauvais entretien de matériel, ainsi qu’une gestion désinvolte qui est à l’origine de la catastrophe de Bhopal. Une fuite majeure se déclare après de multiples incidents et déficiences signalées ; l’usine fabrique des pesticides, un nuage d’isocyanate de méthyle se répand sur 25 km².
Le gaz attaque d’abord les yeux, entraînant une cécité, provisoire dans les cas favorables, avant de s’engouffrer dans les poumons pour provoquer de graves insuffisances respiratoires.
Aujourd’hui encore on peut voir les traces de la catastrophe, le site a été fermé mais n’a pas été dépollué, les nappes phréatiques sont contaminées et les enfants du bidonville voisin jouent toujours sur les déchets toxiques…

9782221091319,0-2001030257

Il était minuit cinq à Bhopal. Par Dominique Lapierre : quand un auteur de best-sellers met son nom au service d’une enquête sans concessions.

voir aussi : Bhopal : la pire catastrophe industrielle de tous les temps. Par Jacques Charbonnier : analyse les causes de la catastrophe survenue dans cette usine appartenant au groupe industriel américain Union Carbide Corporation (UCC). L’auteur démontre que la défaillance du système est surtout due à d’autres causes que techniques. Les données politiques, juridiques, financières, culturelles, organisationnelles se trouvent au coeur de l’accident. Il présente les suites judiciaires qui ont été complexes et longues.

2) Malpasset ou la vague mortelle

C’était encore une nuit de décembre… En 1959, dans cette France des trente glorieuses où l’on avait foi dans le progrès et ses temples modernes : usines, ponts (Tancarville vient d’être inauguré), voies de communication (bientôt l’autoroute du soleil charriera des millions d’automobiles vers le sud), grands barrages…
Parmi eux Malpasset n’est ni gigantesque ni original : un barrage voûte, technique qui a fait ses preuves…
Pourtant le 2 décembre le barrage se fissure et, à 21 h 13, il cède. Une vague de 40 mètres de haut (50 millions de m3 d’eau) déferle sur la vallée à 70 km/h.
Elle atteindra la ville de Fréjus vingt minutes plus tard, avant de se jeter dans la mer. Des blocs de pierre pesant jusqu’à 600 tonnes dévalent la colline et détruisent le quartier de Malpasset.

Le bilan est très lourd : plus de 400 morts et disparus, 80 orphelins. Il s’agit de la plus grosse catastrophe de ce genre jamais survenue en France.
L’enquête établira une trop faible résistance de la roche sur laquelle s’appuyait la construction, un phénomène mal connu à l’époque. Il faut d’ailleurs noter que Malpasset reste le seul cas de rupture de barrage voûte.
Il n’en reste pas moins que, cinquante ans après, le traumatisme est toujours grand dans la population locale.
Aujourd’hui les ruines du barrage, les énormes morceaux de béton transportés et déposés au hasard comme par une main gigantesque sont devenus un motif d’excursion…

malpasset en vidéo

JPEG - 42.4 ko

Restes du barrage

3) Les mystères d’AZF

Le 21 septembre 2001, à 10h18, un stock d’environ 300 – 400 tonnes de nitrate d’ammonium déclassé destiné à la production d’engrais explose dans l’enceinte de l’usine AZF de Toulouse, creusant un cratère ovale de 70 mètres de long et 40 mètres de largeur, et de 5 à 6 mètres de profondeur. D’après certains témoignages et enregistrements sonores, cette explosion aurait été précédée de quelques secondes par une autre explosion de plus faible intensité et des phénomènes électromagnétiques. La détonation a été entendue à 80 km de Toulouse. On enregistre un séisme de magnitude 3,4.
On dénombre 31 morts et 2500 blessés, de nombreuses personnes souffrent de désordres psychiques (dépressions, angoisses, insomnies), mais aussi de problèmes auditifs. Dix-huit mois après l’explosion, quelque 14.000 personnes étaient toujours sous traitement pour pouvoir dormir, calmer leurs angoisses ou soigner une dépression.
Les dégâts matériels sont énormes, toute la partie sud-ouest de la ville a subi des dommages : des logements, bâtiments publics, entrepôts et centres commerciaux sont détruits, soufflés, balayés. Des lézardes sur les murs apparaissent au centre-ville. Les images font penser à un bombardement, un tremblement de terre, seulement dix jours après les attentats du 11 septembre, on ne peut s’empêcher de penser à un acte terroriste.
L’enquête ne parviendra pas à établir scientifiquement l’hypothèse d’une erreur de manipulation, pourtant retenue officiellement. A ce jour la polémique n’est pas close.
L’usine, elle, a été détruite pour faire place à un centre anti-cancer.

AZF, l’enquête assassinée, de F. Hériot : après une enquête minutieuse qui aura duré sept ans, les deux auteurs démontrent l’absurdité de la thèse officielle de l’accident. Mais quelle est la vérité ?

JPEG - 18.9 ko

Usine AZF

4) Feyzin, petite cité tranquille

Le 4 janvier 1966, suite à une fausse manœuvre lors d’une opération de routine, une fuite de gaz se produit dans l’enceinte de la raffinerie de Feyzin, récemment mise en service au sud de Lyon. Malgré l’alerte immédiatement donnée et la fermeture des axes routiers, dont l’autoroute qui longe le site, un automobiliste passe au travers des barrages. C’est un riverain qui part travailler. La voiture provoque l’explosion de la nappe de gaz. Plusieurs réservoirs s’enflamment les uns après les autres et finissent par exploser.
Au total il y eut 18 morts dont 11 pompiers, 12 grands brûlés, 72 blessés. Un quartier de la ville a subi d’importants dégâts, d’autres plus mineurs sont établis dans toutes les communes avoisinantes.
Suite à ce drame une prise de conscience générale sur les risques industriels a lieu : les normes de sécurité seront revues, ainsi que les plans d’interventions sur les grands incendies. Le traitement des grands brûlés va sensiblement évoluer.
Le site existe toujours, il est classé Seveso, et tous ceux qui empruntent l’autoroute du soleil peuvent le contempler…

9782914528184,0-2006011251

Feyzin, mémoires d’une catastrophe : l’ouvrage revient sur la catastrophe grâce à des témoignages et des images d’archives.

5) Dioxine à Seveso

Si l’accident de Seveso le 10 juillet 1976 est resté dans les mémoires, ce n’est pas tant pour le nombre de ses victimes directes (seul est mort le directeur de l’usine, assassiné par les brigades rouges), que pour l’inquiétude générée dans toute l’Europe quant aux risques industriels et plus particulièrement chimiques.
Ce jour-là un nuage contenant de la dioxine s’échappe d’un réacteur d’une usine chimique, et se répand sur la plaine lombarde en Italie. Quatre communes, dont Seveso, sont touchées. Les plantes jaunissent, les animaux familiers meurent par milliers, il faut abattre plusieurs dizaines de milliers de têtes de bétail, les sols doivent être décontaminés.
La conséquence directe est la création de la directive Seveso qui impose aux États membres de l’Union européenne d’identifier les sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs et de prendre toutes les précautions possibles pour limiter les conséquences d’un accident :
. Réalisation d’études de danger par les industriels pour identifier tous les scénarios possibles d’accident.
. Évaluation des conséquences et mise en place des moyens de prévention.
. Mise en place pour les établissements à risques d’un plan de prévention et d’un plan d’urgence.
. Coopération entre exploitants pour limiter les effets domino.
. Maîtrise de l’urbanisation autour des sites.
. Information des riverains.
. Mise en place d’autorités compétentes pour l’inspection des sites à risques.

Tout savoir sur la directive Seveso

6) Les fantômes de Tchernobyl

Est-il besoin de rappeler ce qui s’est passé ce 26 avril 1986 à Tchernobyl ?
L’expérience qui tourne mal, le réacteur en fusion qui explose, les évacuations massives, les premiers morts, le sarcophage de béton, le nuage mortel (qui s’arrête aux frontières…), tout a été dit, écrit, filmé sur le plus grave accident nucléaire jamais produit, le seul de niveau 7 (sur 7).
Les conséquences sanitaires, écologiques, économiques et politiques sont loin, très loin d’avoir été mesurées et mériteraient à elles seules un dossier complet.
Seules restent une centrale poubelle à peine désaffectée (elle resta en service jusqu’en Décembre 2000) et des villes désertes.

Tchernobyl, un nuage passe. Par Bernard Lerouge :
vingt ans après l’accident de Tchernobyl, un retour sur l’évènement lui-même et ses conséquences en France. Les acteurs de cette période témoignent et les experts actuels en radiobiologie jugent les éventuels dégâts sanitaires.

Le sacrifice, réal. par Emanuela Andreoli : un documentaire poignant sur les hommes qui se sont sacrifiés en travaillant à la décontamination du site de Tchernobyl peu de temps après la catastrophe. Ces homme appelés liquidateurs ont travaillé dans des conditions de radioactivité extrêmes, déblayant les décombres de l’explosion avec des pelles ou à la main, avec pour seule protection un tablier de plomb. La plupart sont morts.

Les retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl sur le territoire Français. Par Philippe Renaud : un nouveau bilan des retombées radioactives dues à la catastrophe de Tchernobyl, vingt ans après l’événement. L’ouvrage fournit les connaissances et les interprétations les plus actuelles sur le transfert des substances radioactives rejetées dans l’air, dans les sols, dans les aliments. Quelques éléments également sur la surveillance radiologique et la gestion d’une crise nucléaire en France.

JPEG - 33.8 ko

Pripyat désertée

7) Petit précis de cindynique

On pourrait encore citer les marées noires, les catastrophes minières, les grands incendies, les empoisonnements industriels… Et espérer que le pire soit déjà survenu. Pour cela s’est développé une disciplien récente : la cindynique (du grec kindunos : danger) ou science du risque. Prévention, mesure, analyse des conséquences, solutions de contournement font désormais l’objet d’études pour que nous soyons le moins possible confrontés à l’accident dévastateur.

Le portail de la prévention des risques majeurs : un rappel de ce que sont les risques majeurs, comment les réduire, se protéger, et qui sont les acteurs principaux en cas de crise.
On peut consulter commune par commune les risques encourus naturels mais aussi industriels, ainsi qu’un annuaire des risques majeurs.

9782746501669,0-2003420488

Que doit-on craindre d’un accident nucléaire ? Par Roland Masse : la catastrophe de Tchernobyl de 1986 a-t-elle été sous-évaluée ? Ses conséquences sanitaires se réduisent-elles à celles dont souffrent les victimes de l’irradiation aiguë et à un excès de près de 2000 cancers de la thyroïde chez les enfants ? L’approche épidémiologique d’un tel accident nucléaire n’est-elle pas à reprendre de fond en comble ?

9782915879360,0-2007450220

C’est pollué près de chez vous : les scandales écologiques en France. Par Pascal Canfin : une enquête qui montre le décalage entre les discours – de l’État, des collectivités, des entreprises – et la réalité, et qui démonte les mécanismes qui conduisent à prendre des décisions contraires aux enjeux mis en avant par le Grenelle de l’environnement, et met en lumière des options réellement durables, créatrices d’emploi et respectueuses du principe de précaution.
9782081204935,0-2007120544

Homo disparitus. Par Alan Weisman : admettons que le pire soit arrivé. Imaginons un monde dont nous aurions tous soudain disparu. Et voyons ce qu’il reste… La nature reprendrait-elle ses droits ? Combien faudrait-il d’années au climat pour retrouver son niveau d’avant l’âge industriel ? Qu’adviendrait-il des réacteurs de nos centrales ? Quels animaux prospéreraient et quelles races s’éteindraient ? Ces questions, et beaucoup d’autres – des plus sérieuses aux plus saugrenues -, sont celles que le journaliste Alan Weisman, plusieurs fois primé pour ses reportages, nous invite à explorer. Parcourant les cinq continents, convoquant de nombreux experts – climatologues, botanistes, spécialistes de l’écologie, architectes, géographes… -, il nous offre ici un passionnant reportage – où la réalité dépasse la (science) fiction

Vous habitez dans une zone à risques industriels majeurs. Que faire en cas d’accident ? : un guide d’information et de prévention édité par la préfecture du Rhône.

Risques et accidents industriels majeurs. Par Nichan Margossian : cet ouvrage offre une vision à la fois globale et synthétique de la prévention des risques et accidents industriels majeurs, à travers des exemples concrets et pratiques.

La catastrophe d’AZF : l’apport des sciences humaines et sociales : regards des chercheurs en sciences humaines et sociales sur ce que la catastrophe d’AZF a fait aux hommes et sur ce que les hommes en ont fait. Ils en ont tiré des enseignements théoriques et pratiques et apporté des nouveaux éléments pour les sciences du risque et du danger.

Mettre en oeuvre l’écologie industrielle. Par Cyril Adoue
l’objectif de l’écologie industrielle est d’apporter des éléments de réponse à la très complexe équation du développement durable, et d’accompagner la transition de notre société industrielle contemporaine vers des modes de fonctionnement plus durables. Fruit de longues années de recherche et de pratique, cet ouvrage expose l’ensemble des éléments méthodologiques et techniques nécessaires pour la mise en œuvre de ce type de démarche sur un territoire donné.

Site du CEDRE (Centre de Documentation, de Recherche
et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux)
: pour tout savoir sur les pollutions maritimes.

JPEG - 42.8 ko

Amoco Cadiz

Partager cet article