Du Titanic à Costa Concordia

La croisière ne s'amuse pas toujours

- temps de lecture approximatif de 9 minutes 9 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Janvier 2012 : le gigantesque et désormais célèbre paquebot de croisière italien Costa Concordia fait naufrage en mer Tyrrhénienne. Bilan : 32 morts. Cet évènement n'est pas sans rappeler celui survenu 100 ans auparavant : le naufrage du Titanic, qui vit périr 1500 personnes. Retour sur cette tragédie centenaire et sur d'autres naufrages moins connus mais tout aussi meurtriers.

Titanic © Commons wikimedia
Titanic © Commons wikimedia

Nous y sommes : dans la nuit du 14 au 15 avril 2012, cela fera 100 ans que le Titanic hante la mémoire des croisiéristes, des cinéphiles, des phobiques de l’eau (froide et sombre) et des défenseurs des icebergs maltraités. Un siècle que l’on disserte sur la fatalité mais aussi sur la vanité de ceux qui se croyaient plus forts que l’océan, et qui auraient reçu telle une némésis une leçon de celles qu’on n’oublie jamais, la preuve : on en parle encore, alors que si le Titanic avait accosté comme prévu à New-York il serait sorti depuis bien longtemps de la mémoire collective. Pour autant, et toute emblématique qu’elle soit, l’histoire du Titanic n’est pas un cas unique : l’histoire des naufrages est sans doute aussi ancienne que celle des navires, on ne retient seulement que ceux dont l’intensité dramatique prête au romanesque.

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Sommaire

I) Une technique à la pointe de son époque

II) Le premier voyage (et aussi le dernier)

III) Et craaac !

IV) Et les autres alors ?

V) En complément : quelques fictions

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I) Une technique à la pointe de son époque

En 1907, afin de concurrencer les paquebots des compagnies adverses (dont le Lusitania, autre célèbre naufragé), la White Star Line décide de mettre en chantier trois paquebots géants. Ils s’appelleront Olympic, Titanic et Gigantic (rebaptisé Britanic après le sort funeste de son jumeau).
Le mot d’ordre est le suivant : ils doivent dépasser en tous points ce qui s’est construit jusqu’alors, tant en taille, qu’en performances, en confort et en services à bord. Pour les construire, on fait agrandir les chantiers navals, à Belfast, et le portique d’assemblage est alors le plus grand échafaudage du monde : 260 m de long, 52 de haut, les grues culminent à 69 mètres. Il y a plus de 2000 tôles de 3 cm en acier (la plupart des bateaux métalliques étaient en fer) et 3 millions de rivets !
29 chaudières à vapeur et 3 hélices de 5 et 7 m de diamètre assurent la propulsion du bâtiment jusqu’à 22 nœuds (soit 41 km/h) et consomment 710 tonnes de charbon par jour !
Ces chefs-d’œuvre d’ingénierie ne demandent que deux ans de construction aux ouvriers des chantiers navals.

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Titanic, 1909-1912 : les secrets de la construction du titan des mers, par Richard Kerbrech (ETAI 2012) : Une description de la conception, de la construction et du fonctionnement du Titanic, illustrée de documents d’archive.

Un site personnel très complet sur le RMS Titanic (de nombreuses références empruntées à ce site).

Pour construire le Titanic soi-même, et sans chantier naval.

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II) Le premier voyage (et aussi le dernier)

On a déjà tout dit sur le luxe inouï, les suites de première classe (à 4500 $, soit 75 000 euros d’aujourd’hui pour la plus chère, quand même…), la piscine, les restaurants, les cinq pianos à queue, la salle de sport (une nouveauté révolutionnaire), le standard de 50 lignes de téléphone… De nombreuses personnalités en vue sont à bord : c’est l’époque des « rois » de l’ère industrielle récente. Il y a le « roi » du cuivre, celui des tramways et celui des chemins de fer, un milliardaire… Ils vont tous périr.
Les distractions restent sages : pas de bal, pas de casino, même si on joue beaucoup aux cartes. Le dimanche est réservé aux offices religieux : pas de jeux d’argent.
Ce que l’on sait moins, et il faut dire que c’était tout à fait inédit jusque là, c’est que les deuxième et troisième classes étaient elles aussi largement au-dessus des standards de l’époque, pour fidéliser éventuellement une future clientèle. Ainsi la troisième classe propose des cabines de 2 à 6 couchettes avec cabinets de toilettes, quand l’usage est encore aux dortoirs collectifs rudimentaires.

On y mange bien : A la table du Titanic, par X. Manente (ed. Alma, 2012) : bien au-delà de la simple critique gastronomique, cette analyse des derniers repas pris sur le Titanic révèle le faste de la Belle Epoque mais également les féroces clivages sociaux dont la structure du bateau, divisée en trois classes, se fait l’écho. 40 recettes sont proposées afin de recréer les saveurs d’un monde disparu.

Enfin reste la possibilité de se promener sur les immenses ponts- promenade : chaque classe possède les siens, même si le froid glacial de l’atlantique Nord n’incite pas à se prendre pour le roi du monde.
Pour l’anecdote, un défilé canin était prévu pour la traversée : sur les douze toutous, trois survécurent.
Nous étions à bord du Titanic, par G. Piouffre (First édition, 2012) : à travers des témoignages des survivants, un récit de la traversée et des derniers moments du navire.
A bord du Titanic, par S. Noon (Gallimard jeunesse, 2010) : pour les plus jeunes, douze grandes illustrations détaillées et légendées

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III) Et craaac !

A 23h40 le navire heurte un iceberg aperçu seulement quelques instants auparavant par la vigie (qui survivra). On connaît l’absence dramatique de jumelles qui auraient peut-être permis d’éviter le glaçon. Certaines rumeurs sont tenaces : le navire n’allait pas trop vite, et n’empruntait pas une route trop au Nord comme on a pu le dire par la suite. Il se trouve juste que les conditions météo exceptionnelles de l’hiver 1911/12 avaient permis aux icebergs de dériver plus au Sud que d’habitude. En revanche la priorité avait été donnée aux messages télégraphiques personnels des passagers et de ce fait il n’y avait pas de veille radio cette nuit-là ; cela aurait peut-être changé bien des choses.
A minuit l’architecte présent à bord informe que le bâtiment est perdu : les fameuses cloisons étanches ne remontent pas jusqu’en haut de la coque et l’eau passe au dessus. Le navire pouvait en supporter quatre inondées, il y en eût cinq. La surface totale de la brèche fut estimée à un peu plus d’1m²…
2h40 après le choc, le navire rejoignait le fond de l’océan, le percutant à environ 50 km/h après une chute libre de 6 minutes. Entre 1490 et 1520 personnes périrent.

Il était une fois le fois le Titanic : 37 secondes pour changer le cours de l’histoire, où l’auteur G. Jaeger, historien du navire, explique que plus que des erreurs de conception (les fameux rivets fragiles, et l’acier de mauvaise qualité ne sont que des légendes) ce sont des négligences humaines et un incroyable concours de circonstances qui ont précipité le sort du Titanic (ed. l’Archipel, 2011)

L’épave gît à 3800m de profondeur, il faudra 63 ans pour la localiser, même si on raconte que la marine anglaise en connaissait l’endroit depuis les années 70, lors d’une mission secrète de chasse aux sous-marins russes.
Son état se détériore rapidement, tant sous l’action de la rouille (qui dévore 45 kg de métal chaque jour) qu’à cause des explorations humaines pas toujours soucieuses de préserver l’intégrité du site. L’épave a été déclarée « mémorial maritime international » ; son exploration est de ce fait aujourd’hui encadrée et toute récupération d’objets soumise à diverses autorisations.

L’épave du Titanic
Une banque d’images
parmi d’autres.
Le Musée en ligne du Titanic, là encore, de nombreuses images, tant d’époque que des milliers d’objets remontés.
Le site Ancestry.co.uk propose gratuitement jusqu’au 31 Mai 2012 un accès gratuit à des documents inédits : photos, registres de passagers… Près de 200 000 documents en ligne.

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IV) Et les autres alors ?

Parce que parfois la mer prend l’homme, petit florilège de fortunes de mer :

– Une autre histoire célèbre, celle de la Méduse, au large de la Mauritanie, et de son radeau . L’odyssée fit 160 victimes, on rapporta des scènes de cannibalisme et le tableau ultra-réaliste de Géricault fût vertement critiqué en raison de son réalisme trop crû.

Le Saint Philibert coule en 1931, dans l’embouchure de la Loire au large de Nantes, alors qu’il embarque 500 passagers, des familles en balade dominicale. Il y a 450 noyés.

L’Andréa Doria en 1956, suite à une collision avec le Stockholm : 51 morts. Sans compter tous les plongeurs restés sur une épave réputée facile à atteindre , mais pas à quitter apparemment : les courants marins et les filets de pêche sont autant de pièges dont il faut se méfier.

Le Herald of free enterprise sombre en 1987 en quittant le port de Zeebruges, les portes se sont mal refermées…193 morts

– La même mésaventure arrive à l’Estonia en 1994, en pleine mer Baltique : 854 morts.

– Ajoutons les naufrages de civils en temps de guerre, comme celui du Lusitania et ses 1200 victimes, le Britanic, sister-ship du Titanic, ou le Wilhelm Gustloff et ses probables 9000 morts, ce qui en fait le plus grand naufrage de tous les temps.

Les fortunes de mer par G. Le Moing (Marines éditions, 2007) : présente quarante fortunes de mer dont les causes furent différentes, le nombre des victimes variable, mais qui toutes illustrent à quel point la navigation a toujours été et reste faite d’aléas et de hasards. Du Titanic au Koursk, c’est près d’un siècle qui est abordé, avec des voiliers, des paquebots, des navires de guerre ou des sous-marins.
Et l’océan fut leur tombe du même auteur (Marines édtions, 2005) : L’auteur, passionné d’histoire maritime, recense ici près de deux cents naufrages récents de bâtiments civils et militaires et analyse les causes de ces catastrophes : dangers ordinaires de la navigation, faits de guerre, incendies, fragilité ou instabilité du navire…
En crabe de Gunther Grass (seuil 2004) : A partir de la tragédie du Wilhelm Gustloff, fait historique refoulé dans la conscience collective allemande, l’écrivain construit un récit sur le devoir de la mémoire envers les victimes de la Seconde Guerre mondiale.
Difficile de ne pas mentionner l’actualité récente du Costa Concordia, même si la proximité de l’événement ne favorise pas la production de documents avec un recul suffisant. Mentionnons tout de même celui-ci : Le naufrage du Costa Concordia.

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V) Dans la fiction

Le Titanic et le cinéma
L’aventure du poséidon de R. Neame : Un classique du genre : un gros bateau qui se retourne et qui piège ses occupants. On a le droit de préférer la version originale à son banal remake.
En pleine tempête de W. Petersen : un bateau de pêche fait une ultime sortie en mer et se retrouve pris dans une tempête.
La nuit du Titanic (a night to remember) de W. Lord : un livre ancien (1958), mais toujours de référence quant aux témoignages de survivants.

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