2010, année internationale de la biodiversité

- temps de lecture approximatif de 11 minutes 11 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

A l'occasion du Sommet de la Terre à Johannesburg, un petit éclairage sur la nécessité de préserver la biodiversité, c'est à dire le vivant dans son ensemble, sur notre planète. Une très vaste question dont voici quelques éléments de réponse.

Le 2 septembre 2002 s’ouvrait le quatrième Sommet de la Terre à Johannesburg. A l’issue de cette rencontre internationale, les gouvernements se sont engagés à lutter contre l’appauvrissement de la biodiversité d’ici 2010. Nous y sommes. Notre maison brûle-t-elle toujours ? Oui. Les objectifs n’ont pas été atteints. L’assemblée générale de l’ONU a fait de 2010 l’année internationale de la biodiversité, avec pour slogan la phrase du secrétaire Ban Ki-moon : « la biodiversité, c’est la vie ; notre vie. »

Définitions

Edward Osborne Wilson est considéré comme le co-père, avec Walter Rosen, du néologisme biodiversité en 1986, jugé plus efficace que l’expression diversité biologique forgée par Thomas Lovejoy en 1980. Dans son ouvrage La diversité de la vie, Wilson la définit comme suit : « la totalité de toutes les variations du vivant. » Elle se divise en trois domaines, la diversité écologique, qui porte sur les milieux, la diversité spécifique, qui concerne les espèces, et enfin la diversité génétique au sein d’une même espèce.Les biodiversités, CNRS éditions.

JPEG - 9 koLe mot biodiversité s’est très rapidement diffusé et est désormais mobilisé dans de nombreux débats concernant la qualité de la vie, l’urbanisme, l’aménagement rural et dépasse largement le champ de l’écologie auquel il fait référence. Qu’est-ce que la biodiversité ? Comment les sciences de la nature l’abordent-elles ? Quelles sont les particularités des enjeux dans les régions tropicales ? Comment, dans l’histoire, la biodiversité a-t-elle été abordée par les sciences ? Ce livre donne à voir comment les disciplines scientifiques, qu’elles soient humaines et sociales ou bio-écologiques, s’approprient l’objet diversité et le transposent dans leur champ d’interrogation. Il esquisse le dialogue interdisciplinaire nécessaire pour appréhender cet objet polysémique.

Biodiversité, dynamique biologique et conservation, de Christian Lévêque et Jean-Claude Mounolou.

JPEG - 46 ko

En moins d’un siècle, la perception de la nature et du monde du vivant par les sociétés occidentales s’est profondément modifiée. Des mots comme prédateurs ou nuisibles ne sont plus utilisés par les scientifiques tandis que de nouveaux termes comme biodiversité ou biocomplexité apparaissent. La volonté de maîtriser une nature apparemment hostile a fait place aujourd’hui à une approche plus respectueuse de la vie par la recherche d’un équilibre entre la satisfaction des besoins de l’humanité et la nécessité de ne pas détruire la diversité du vivant.
En 1992, le troisième Sommet de la Terre à Rio de Janeiro établit un programme d’action couramment appelé l’Agenda 21, ainsi que l’adoption de conventions sur le climat, d’une déclaration sur les forêts et d’une Convention des Nations Unies sur la biodiversité. Cette convention définit la biodiversité ainsi : « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »
art. 2 de la Convention sur la diversité biologique, 1992. Vous trouverez à ce lien le texte complet de la convention en PDF.

Actions politique et institutionnelles

En Europe, suite à la signature de cette convention et à la directive Habitats, se développe un réseau écologique structuré autour de Natura 2000.La construction du réseau Natura 2000 en France, à la Documentation française

JPEG - 14.2 ko

Elle rend compte de cette politique de la nature à l’échelle de la France. Sa construction se heurte à de nombreux problèmes en termes de légitimité scientifique, d’acceptabilité sociale, de suivi des actions. La démarche française, fondée sur une procédure de concertation, doit faire face à des questions alors inédites. Elle marque un temps fort de l’histoire des politiques de la nature, à travers l’importance des conflits et des débats qu’elle a suscités, mais aussi au regard des innovations procédurales qui l’ont accompagnée.

JPEG - 37 ko

A la Documentation française également, l’ouvrage Conservation de la biodiversité et politique agricole commune de l’Union européenne fait dialoguer dix-sept chercheurs venus de disciplines diverses (géographie, droit, écologie, économie, agronomie…) et fait apparaître une métamorphose de l’activité agricole prenant en compte le maintien de la biodiversité. L’agriculture a permis un très fort accroissement de la population mais est peut-être aussi l’activité humaine la plus dangereuse pour la biodiversité, pour des raisons diverses : déforestation dans les pays du Sud, intensification de de l’agriculture dans les pays du Nord. Sur un territoire européen et français modelé depuis des siècles par l’activité agricole, les cadres politiques, juridiques et économiques régissant l’agriculture évoluent aujourd’hui très rapidement. Progressivement, la question agricole a délaissé le monde clos des producteurs et des administrations pour devenir un débat de société. Toutes les contributions de cet ouvrage le montrent : l’enjeu n’est plus tant de nourrir la population européenne que de trouver des compromis social et financier sur la place de l’agriculture dans la gestion des espaces ruraux et naturels. Dans un monde toujours plus urbain, quelle place voulons-nous accorder aux espaces naturels et agricoles et à leur biodiversité ? Entre économie de marché et fonds publics pour l’environnement, quelle part de richesse collective souhaitons-nous accorder à la nature ?Suite au « Grenelle » de l’environnement a été créée en France la Fondation scientifique pour la biodiversité, en février 2008, qui réunit notamment le Bureau des ressources génétiques et l’Institut français de la biodiversité.
A l’international se construit l’IPBES, soit l’International Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, constituée d’un panel international d’experts sur la biodiversité, qui devrait être lancée cette année. Cette plateforme fonctionnerait sur le même modèle que le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), sous l’égide de l’ONU.

Place de l’humain et péril en la demeure

L’intérêt pour la biodiversité n’est pas nouveau, même si le mot est récent. C’est en se penchant dessus que Darwin en arrive à sa théorie de l’évolution. Avant lui, c’est pour l’étudier que Linné met en place sa classification du vivant. Opération déjà tentée par Aristote dans ses Parties des animaux et par bien d’autres depuis…
Si l’intérêt pour la biodiversité est omniprésent aujourd’hui, c’est qu’elle est en péril. Il s’agit donc de la préserver, de la gérer, pour des raisons biologiques au même titre que sociale ou économique. Et pour cela, il faut connaître et étudier la diversité de la nature.La nécessité du hasard, d’Alain Pavé,

JPEG - 14 ko

cherche à évaluer le champ de nos connaissances sur la biodiversité et son évolution, ainsi que les limites de l’action de l’Homme face à ces dynamiques spontanées, qui lui échappent le plus souvent. Ce livre est aussi un appel urgent à prendre en compte l’impérieuse nécessité de l’évaluation et de l’analyse de la biodiversité pour mieux la gérer. Le hasard est essentiel aux systèmes vivants et à leur évolution. C’est un facteur externe, mais aussi et surtout le produit de mécanismes internes ; on le retrouve à tous les niveaux d’organisation du monde vivant, du gène à la biosphère. C’est à ce prix que la vie a pu se maintenir sur notre planète : le hasard n’est pas subi, il est tout simplement nécessaire à la vie. Penser la biodiversité, à toutes les échelles et à tous les niveaux, permet une lecture intégrée du vivant. Pour mieux comprendre et modéliser sa dynamique, il nous faut récolter des données quantitatives tant au laboratoire que sur le terrain.Aujourd’hui, 1,8 millions d’espèces ont déjà été écrites et nommées. Un chiffre impressionnant ? En réalité, on estime qu’il en reste au moins dix fois plus à découvrir, peut-être cinquante fois plus ! Parmi toutes celles-là, combien auront disparu avant même qu’on les étudie ? Les techniques récentes de biologie moléculaire et de séquençage de l’ADN accélèrent cette entreprise de description du vivant, mais la technique ne suffira pas. Plus de 60% des écosystèmes sont dégradés à très dégradés selon l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire commandée en 2000 par Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU. 36% des espèces animales ou végétales sont menacées à plus ou moins long terme.Est-ce à dire que la mise en péril est récente, que l’homme n’amoindrit la biodiversité que depuis quelques dizaines d’années ? Non, bien sûr. Les Révolutions industrielles successives des XVIIIe et XIXe siècles puis l’explosion démographique, l’accumulation des déchets et la surexploitation des ressources du XXe siècle ont accéléré les choses, mais l’action humaine sur la biodiversité remonte aux premières heures de toutes civilisations, dès le paléolithique.Un éléphant dans un jeu de quille, de Robert Barbault.

JPEG - 15.5 ko

Comme un éléphant dans un jeu de quilles, l’homme bouscule et menace la biodiversité. Par ses interventions multiples et désordonnées, il déplace de précieux équilibres écologiques, précipitant ainsi la disparition de beaucoup d’espèces et sapant le potentiel de ressources biologiques et de services écologiques dont il dépend pour son propre devenir. L’auteur rappelle les stratégies créatrices du vivant et en particulier un de ses ressorts les plus puissants : la coopération. On s’associe pour mieux se multiplier, pour inventer de nouveaux modes de vie, pour conquérir de nouveaux espaces. Vous trouverez sur le site de la bibliothèque municipale de Lyon une conférence en ligne et téléchargeable de Robert Barbault sur la place de l’homme dans la biodiversité.La biodiversité est-elle encore naturelle ?.

JPEG - 4.1 ko

Ce numéro 30 de la revue Ecologie & Politique, coordonné par Denis Chartier, rassemble une douzaine d’interventions autour de la portée réelle de l’action de l’homme sur la biodiversité. A une époque où les milieux de vie du panda ou du tigre ne sont guère plus naturels que ne le sont ceux des animaux des zoos ou les gènes dans les banques de données ; à l’heure de la diffusion des OGM et de l’explosion urbaine, ne faut-il pas repenser les modalités et les conditions de préservation de la biodiversité ? Ne faut-il pas totalement reconsidérer les relations homme/nature ? Telles sont les problématiques que ce dossier aborde, en requestionnant la notion même de biodiversité et en menant une analyse critique des politiques actuelles de conservation et de gestion des biodiversités, du Nord au Sud, du local au global, des milieux ruraux aux milieux urbains. Vous trouverez à ce lien les articles de ce numéro en PDF.Le jour où l’abeille disparaîtra, de Jean-Christophe Vié.

JPEG - 31.2 ko

On attribue peut-être à tort à Einstein cette prédition selon laquelle le jour où l’abeille disparaîtra, les hommes n’auront plus que quatre années à vivre… Jean-Christophe Vié a longtemps mis en oeuvre des projets de conservation de la nature dans différentes régions du monde et coordonné pour l’Union mondiale pour la nature, connue pour sa liste rouge des espèces menacées. Il nous livre son diagnostic de l’état de la biodiversité, raconte l’augmentation inexorable des menaces, analyse l’impact de l’action de l’homme et nous explique à quel point notre avenir est lié à celui des espèces et des espaces sauvages.Sauvons la Biodiversité !, d’Edward O. Wilson.

JPEG - 36.7 ko

Des dizaines d’espèces animales et végétales disparaissent chaque année. Si nous ne faisons rien, plus de la moitié risquent d’avoir disparu d’ici à la fin du siècle. À ceux qui semblent accepter cette extinction comme une fatalité, Edward O. Wilson rappelle que chaque espèce, même la plus insignifiante, a une place unique au sein d’un écosystème dont l’Homme fait également partie. Au-delà de nos différences politiques, culturelles et spirituelles, l’auteur nous invite, dans cet essai passionnant et passionné, à (re)découvrir les merveilles de la Nature pour mieux la préserver.

Partager cet article