Tous à la manif !

- temps de lecture approximatif de 15 minutes 15 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Dans le vaste élan commémoratif de mai 68, les images de manifestations historiques diffusées par les différents médias nous rappellent que la manifestation de rue peut être le point de départ d’un mouvement collectif de grande ampleur. Et si elle ne mène pas toujours à la révolution, elle participe en tous les cas à la bonne marche de la démocratie. Depuis les grèves de l’automne 1995, mobilisations et mouvements sociaux se succèdent. Les Français ont manifesté plus souvent ces 20 dernières années qu’entre 1918 et 1968 : 150 000 manifestations contre 10 000 ! Symbole du peuple en action dans la mémoire collective, la manifestation présente aujourd’hui de nouveaux visages.




Longtemps, les spécialistes de l’action collective (historiens, politologues, sociologues, psychosociologues…) ont surtout porté leur attention sur les causes du déclenchement d’un mouvement social. Aujourd’hui, ils s’attachent davantage à décrire les modes d’action et les stratégies individuelles : jusqu’où s’engage-t-on dans une action collective ? qui manifeste ? à quelles conditions un mouvement social réussit-il ?…

  • La manifestation, matrice du mouvement social ?
  • Protester aujourd’hui
  • Une analyse socio-politique
  • Militer
  • Un peu d’histoire
  • En images

    §La manifestation, matrice du mouvement social§

    Danielle Tartakowsky qui travaille sur la culture politique dans la France du XXème siècle est une spécialiste des mouvements sociaux, et a publié plusieurs ouvrages essentiels sur la manifestation :

    La manifestation, Olivier FILLIEULE, Danielle TARTAKOWSKY, Presses de Science-Po
    - Dans cet ouvrage de synthèse, les auteurs proposent une analyse sociologique et historique de ce mode d’action politique, avec ses normes et ses règles, ses légendes et ses mythes, ses épisodes glorieux et ses heures sombres. Mais surtout, au-delà de l’interrogation classique sur la place de la manifestation dans le répertoire d’action contemporain et dans les luttes politiques, c’est aussi à une analyse au plus près des manifestants eux-mêmes et de ” ce qui les fait courir ” que cet ouvrage nous invite.


    La manif en éclats, Danielle TARTAKOWSKY, La Dispute
    - Cet ouvrage très complet tente de comprendre les manifestations et ses transformations de 1968 à nos jours. Deux tendances évolutives se dégagent : l’une qui met la manifestation au coeur du système politique et l’autre qui l’en écarte. Elle décrit avec précision les types de manifestants et de manifestations et analyse les rapports à la politique constituée, les objectifs et les conséquences.

    Le pouvoir est dans la rue : crises politiques et manifestations en France, Danielle TARTAKOWSKY, Aubier
    - La mémoire collective a été façonnée par les manifestations révolutionnaires. Cependant, la manifestation n’est plus un mouvement cherchant à destituer coûte que coûte le pouvoir en place. Depuis les débuts de la IIIème République, les différents gouvernements se sont davantage appuyés sur la rue qu’ils n’ont été mis en cause par elle. Malgré son cortège d’incidents et de désordres, la “manif” ne serait-elle ainsi qu’une expression du consensus démocratique, presque un signe de bonne santé ?

    Quand les français descendent dans la rue : la France des réfractaires, Jérôme BLEUCHOT, L’Archer
    - Essai de sociologie politique sur les grandes manifestations des années 90.


    §Protester aujourd’hui§

    Plusieurs manifestations sont prévues au mois de mai comme chaque mois ou presque, à un niveau national ou local. Les sociétés modernes ne vont pas vers moins de conflits. Les demandes sociales sont de plus en plus diversifiées et donc les risques de conflits se multiplient.

    Peut-on changer la société, Sciences Humaines, Grands dossier n°6, mars-avril 2007
    - Dans ce dossier, lire en particulier l’article de Lilian MATHIEU : « A quoi sert un mouvement social »

  • Les nouveaux visages de la manifestation


    - Manifestation ne rime plus avec sédition : il est désormais possible d’exercer une pression sur le pouvoir législatif sans forcement le remettre en cause.

    Et si la violence demeure toujours possible, de l’initiative des manifestants ou des forces de l’ordre, elle ne fait plus partie de la recette d’une bonne manifestation. Au contraire, la manifestation dans une cité après la mort d’un jeune est souvent pensée comme une étape dans le retour au calme et un moyen de diminuer la violence ambiante.

    - Les acteurs de la “manif” ne disposent pas forcement de l’arme de la grève (sinon par extension de sens) : les étudiants, les parents d’élèves, les chômeurs… Ces manifestations sont de nouvelles formes d’interpellation du politique. A côté des manifestations classiques organisées par syndicats et partis, ce sont des acteurs nouveaux qui s’approprient les défilés rejetant ainsi les organisations traditionnelles.



    - Nouveaux espaces géographiques des manifestations : la capitale cède le pas aux villes de province, les centres, aux quartiers de banlieue. Les manifestants se déplacent aussi à l’étranger vers des centres internationaux de décisions et recréent des espaces de contre-pouvoir.

    - Formes virtuelles de la diffusion de la manifestation : les blogs et forums relaient les manifestants sur le Web, les forums internationaux utilisent la toile pour internationaliser leurs mouvements.


    Dans le paysage des mouvements sociaux, les manifestations bénéficient d’une bonne cote de popularité car elles sont considérées comme « une forme d’action légitime en réponse aux enjeux locaux ou mondiaux. Elles constituent autant d’occasions de reconstituer du lien social ou de faire émerger une nouvelle politisation : elles peuvent engendrer, structurer, consolider des collectifs. Quand bien même elles seraient spectaculaires ou conçues pour privilégier un aspect médiatique, les manifestations ne sauraient être réduites à cette seule dimension. Sous des formes renouvelées, elles expriment d’abord et toujours le refus de baisser les bras et de se taire » (Les habits neufs de la manif, Danielle TARTAKOWSKY in Alternatives Economiques, n°199, janvier 2002).

  • Les nouveaux “nouveaux mouvements sociaux” (NMS)

    A l’heure de la mondialisation, de nouveaux mouvements sociaux, de nouvelles formes d’action collective visent à interpeller l’opinion et les pouvoirs publics sur les problèmes sociaux tenus à l’écart du politique. De par leur diversité, les conflits ne peuvent être régulés par les formes de régulation classique, politiques ou étatiques. De nouvelles régulations autonomes émergent de la société civile et peuvent contribuer à la transformation du droit et des politiques.




    Que sont donc ces mouvements sociaux, pourquoi se révolte-t-on aujourd’hui, comment se mobilise-t-on, pourquoi, comment et jusqu’où s’engage-t-on… ? La multiplication des mouvements sociaux est-elle le signe d’une crise de la démocratie ou de sa maturité ?


    Les mouvements sociaux, Sciences humaines, n° 144, décembre 2003
    - Une excellente synthèse de toutes les approches en sciences sociales.


    La France rebelle, sous la direction Xavier CRETTIEZ, Isabelle SOMMIER, Michalon
    - La cartographie des foyers et des acteurs de la rébellion est dense et le choix de cet ouvrage est celui de l’ouverture pour rendre compte de la pluralité et de la diversité des mouvements d’opposition. Des groupes conservateurs, voire réactionnaires, trouvent ici leur place aux côtés d’autres, de sensibilité et de projets diamétralement opposés, non pas dans un objectif d’amalgame ou de dénonciation, mais suivant le constat, dépourvu de tout jugement moral, de traits communs par-delà leur opposition de nature. Les uns comme les autres sont contestataires de règles du jeu communément admises et de l’ordre, au sens le plus large qui soit. Les mouvements utilisant la lutte armée, comme les nationalistes corses, figurent avec ceux qui privilégient les modes festifs. Grave ou légère, sombre ou souriante, majeure ou mineure, évidente ou limite, la rébellion est tout cela à la fois. Un outil précis, un ouvrage rédigé par une équipe de 27 chercheurs, une plongée dans les arcanes de la contestation pour penser la rébellion et son corollaire le politique.

    Le renouveau des mouvements contestataires : à l’heure de la mondialisation, Isabelle SOMMIER, Flammarion
    - Depuis les années 1990, on assiste à un renouveau de la contestation et de la critique sociale. Quelles sont ces nouvelles minorités actives qui, en France et ailleurs, se targuent de ranimer un débat politique atone au nom de la société civile et de la démocratie ? Sont-elles en mesure de présenter des alternatives aux pouvoirs politiques et économiques qu’elles condamnent ? Quelles sont les clés de leur activisme, mais aussi ses limites et ses contradictions ? A quelles conditions est-il possible aujourd’hui de contester l’ordre établi ?

    La grève, Guy GROUX, Jean-Marie PERNOT, Presse de Sciences Po
    - Synthèse riche et stimulante, ce court ouvrage éclaire intelligemment une question des plus actuelles, et bouscule quelques poncifs.Lire la critique

    Attac, la politique autrement ? : enquête sur l’histoire et la crise d’une organisation militante , Raphaël WINTREBERT, La Découverte
    - Groupe de contre-expertise économique et financière, ATTAC est vite devenue un mouvement de masse, reconnu aussi bien politiquement que médiatiquement. Cette phase d’expansion a transformé ses modes de fonctionnement interne et ses champs d’intervention, tout en soulevant de nombreuses questions : quelle est la place d’ATTAC au sein du mouvement altermondialiste ? Quels rapports entretient-elle avec les acteurs politiques traditionnels, partis politiques et syndicats ? ATTAC représente-t-elle un nouveau modèle d’organisation politique ? Quelle est, en définitive, son identité ?


    En vie !, Manuel POUTTE, Lux Fugit Film.
    - A travers le portrait de quelques personnes qui ont eu le courage de rompre avec un modèle de vie tout tracé par la société qui ne les satisfaisait pas, le film invite à une réflexion sur la résistance possible à un nouveau totalitarisme, hors des partis politiques traditionnels, sur d’autres bases et sous d’autres formes.

    §Militer§


    Engagés ! : pour résister au vieux monde, propos recueillis par Fabrice COLIN ; avec la collaboration d’Alain DAMASIO, L’Atalante
    - Au moment où l’individu contemporain est décrit comme replié sur lui-même, utilitariste et étranger aux autres, ce livre témoigne d’une renaissance des engagements politiques. Sous la plume de l’écrivain Fabrice Colin, huit ” engagés “, se battant pour la régularisation des familles sans papiers, la sauvegarde de la planète, l’égalité des chances ou les victimes du sida, racontent leur vie de militants.


    S’engager : les nouveaux militants, activistes, agitateurs, Tim JORDAN, Autrement
    - Décrit les nouvelles formes de contestation et tente de tirer un sens du militantisme d’aujourd’hui.

    Le désengagement militant, sous la dir. de Olivier FILLIEULE, Belin
    - La question du militantisme politique comme activité sociale spécifique est envisagée ici à partir surtout de l’analyse des processus qui conduisent les individus à se désengager. Les champs étudiés sont variés : du féminisme nord-américain aux centrales syndicales, des mouvement de lutte contre le sida au Parti communiste français.

    §Une analyse socio-politique§

    Agir dans un monde incertain : essai sur la démocratie technique, Michel CALLON, Pierre LASCOUMES, Yannick BARTHE, Seuil
    - Les sociétés démocratiques sont-elles capables d’affronter les défis des sciences et des techniques ? Dans un monde complexe et incertain, ne faut-il pas redéfinir l’espace public réunissant des individus pris dans leurs histoires singulières et non plus des individus désincarnés ? N’est-il pas venu le temps de la démocratie par le dialogue au lieu de la démocratie par la délégation ?


    La contre-démocratie : la politique à l’âge de la défiance, Pierre ROSANVALLON, Seuil
    - A contre-courant de ceux qui déplorent aujourd’hui une crise de la démocratie en invoquant pêle-mêle la désaffection des citoyens vis-à-vis du politique, la montée de l’individualisme et le repli sur la sphère privée, cet ouvrage explore d’autres pistes pour comprendre l’état présent des démocraties. Pierre Rosanvallon élargit le champ de l’analyse et prend en compte de façon dynamique les travaux quotidiens des citoyens de la “contre-démocratie” : surveiller, empêcher et juger sont les nouveaux moyens de pression de la société. Mais attention à “l’impolitique” et au “populisme” qui guettent. Pierre Rosanvallon tente ici de tracer quelques solutions neuves et pragmatiques.

    §Un peu d’histoire§


    Mai-Juin 1968, sous la direction de Dominique DAMAMME, Boris GOBILLE, Frédérique MATONTI, Bernard PUDAL, Ed. de l’Atelier
    - L’histoire des manifestations de rue et des mouvements de grève passe par la case Mai 68 et les récentes publications lié à l’anniversaire de l’évènement sont riches en récits et analyses sur le mouvement social de 68. Cet ouvrage collectif auquel ont collaboré vingt-neuf chercheurs, historiens, politologues, sociologues, propose un regard distancié et une connaissance rigoureuse des faits. On lira en particulier le texte de Lilian Mathieu sur les manifestations en Mai 1968 et la place de l’espace dans la pratique contestataire ainsi que celui de Bernard Pudal et Jean-Noël Retière sur les grèves ouvrières (le plus grand mouvement de grève du XXè siècle, paralysant l’économie nationale, fut sans lendemain symbolique…).


    La révolte des citoyens : de la guerre des demoiselles (1830) à José Bové, Jean-François SOULET, Privat
    - Parmi les grands combats de la période contemporaine, l’un des plus décisifs aura été celui mené par la société civile contre l’Etat. Ce combat a concerné et concerne tous les types de système politique. L’histoire de la France, par exemple, est jalonnée par des révoltes contre un Etat fier et dominateur : des montagnards ariégeois des années 1830 aux étudiants parisiens de Mai 1968.

    La grève en France : une histoire sociale XIXe-XXe siècle, Stéphane SIROT, O. Jacob
    - L’histoire de la grève dans ses fonctions et ses fonctionnements sociaux, dans ses rapports avec les mouvements ouvrier et syndicaliste, le patronat et l’Etat depuis deux siècles.

    §En images§

    La manif’ : histoire des mobilisations de rue, par Danielle TARTAKOWSKY, Regards
    - Des marches sur Versailles en 1789 aux récentes manifestations, retrace en image l’histoire des mobilisations de rue.


    Mai 68 : l’histoire en photos, Göksin SIPAHIOGLU, Ed. Scali
    - Göksin Sipahioglu , correspondant de plusieurs grands journaux turcs, nous livre un autre regard photographique sur Mai 68 et ses manifestations.

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