Du don à l’échange : c’est cadeau !

- temps de lecture approximatif de 11 minutes 11 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Les fêtes de fin d'année sont synonymes d'échange et de partage. La tradition d'offrir des cadeaux à cette période de l'année remonte à l'antiquité. Dès le Ve siècle av. J.C., des récits font état de l'échange de cadeaux lors de certaines fêtes. Depuis, cette tradition a évolué et s'est adaptée aux sociétés. Aujourd'hui encore, nos cadeaux de noël dépendent de cette coutume vieille de 2000 ans. Que représentent ces cadeaux ? A qui sont-ils destinés ? S'intéresser à l'histoire du don à travers les âges et les sociétés permet d'expliquer une part importante des relations humaines.

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Tradition, le plaisir d’offrir

Les occasions d’offrir des cadeaux sont nombreuses et rythment nos vies : une naissance, un anniversaire, un mariage, mais surtout les fêtes de fin d’année sont un moment privilégié en famille et entre amis. Depuis l’antiquité les hommes célèbrent le passage du solstice d’hiver à travers l’échange de cadeaux. De nos jours, il est de tradition d’offrir un cadeau pour la fête de Noël, généralement aux enfants et à la famille proche.

Des témoignages de l’antiquité grecque et romaine font état de l’échange de cadeaux à l’occasion des fêtes. « Dans les rites les plus anciens, on offrait des rameaux coupés. Puis l’aspect religieux s’estompe, et on offre des dattes, des figues, du miel, plus tard encore, des monnaies, des coupes, des lampes. Cet usage de fêter le Nouvel An en s’offrant mutuellement des cadeaux s’est transmis jusqu’à nos jours. Il faut noter qu’il s’agit d’un « échange », d’une « circulation de dons ». De même, les enfants se voient offrir des jouets lors des Saturnales, du 17 au 23 décembre comme le précise Histoire(s) des jouets de Noël.


Noël, par Martyne Perrot, coll. Idées reçues. Ed. Le cavalier bleu.
- « Dès le XVIIe siècle, saint Nicolas distribue quelques menus présents mais seuls les enfants de notables et de souverains les reçoivent. Pour les autres, noix, noisettes et sucreries constituent l’essentiel des cadeaux de Noël. […] Les cadeaux faits aux enfants dans les familles bourgeoises et aristocratiques sont d’abord des étrennes reçues le 1er janvier. Le transfert de cette pratique sur le 25 décembre débute à partir de la transformation de la fête en célébration familiale. Sont alors offerts des théâtres de marionnettes, des poupées à tête de porcelaine, des chevaux à roulettes, des albums, des tambours et des trompettes. »

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le livre de Noëll
éd. Flammarion

Le livre de Noël, par Nadine Cretin, éd. Flammarion.
A l’origine, les cadeaux de la Saint-Nicolas étaient principalement composés de denrées comestibles capables de se conserver longtemps. Pommes, noix et noisettes en constituaient ainsi l’essentiel. Symbolisant l’abondance et la fécondité, elles rappellent les deux anciennes fonctions de cette fête : exorciser la crainte de voir la saison stérile s’éterniser, et favoriser les mariages des jeunes gens et la fondation de familles aussi unies que prospères.
L’habitude d’offrir des cadeaux de fin d’année est fort ancienne. Partout des tournées de chants et de vœux faites par les enfants étaient récompensées. Dépositaires de l’avenir, ils assuraient une nouvelle année marquée par la réussite et la prospérité, en contrepartie d’une poignée de noix ou de piécettes qu’on ne manquait pas de leur donner. Ce qui importait, finalement, c’était le geste d’offrir.
Aujourd’hui on parle d’étrennes pour les cadeaux du Nouvel An donnés de la main à la main. Pour le soir de Noël, on parle de cadeaux, tout simplement…

Saint Nicolas, par Colette Méchin, éd . Berger-Levrault.
- Qu’ils soient distribués par Saint Nicolas et ses accompagnateurs, ou déposés plus mystérieusement pendant la nuit, les cadeaux ont conservé une permanence remarquable. Certains fruits secs ou à maturation tardive y figurent : noix et noisettes, pommes et poires, fruits séchés, plus récemment des fruits exotiques : clémentines, oranges, bananes, et enfin, sortant de cette catégorie, les pains d’épice. Ces menus cadeaux récompensaient la bonne conduite des enfants, mais il existait, à côté de ces encouragements, des objets dénonçant la désobéissance et la mauvaise tenue.

L’orange est restée l’emblème des Noëls anciens et modestes, cadeau humble et vertueux souvent évoqué par les grands-parents qui mesurent ainsi la distance parcourue.

Qui dit Noël dit échange. Les cadeaux, s’ils sont prioritairement à destination des plus jeunes sont aussi très prisés par les adultes. On s’échange bon nombre de cadeaux en famille ou entre amis. Le père Noël aussi bénéficie de petites attentions. Les offrandes au Père noël font partie d’une tradition ancienne. Parfois les enfants lui laissent près du sapin quelques biscuits ou papillotes à grignoter avant q’il ne continue sa tournée de distribution de cadeaux.

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A charge de revanche
éd. SEuil

A charge de revanche, figures élémentaires de la réciprocité, par Mark Rogin Anspach, éd. Seuil.
- Lévi-Strauss cherche pour sa part à découvrir les raisons qui ont poussé les adultes à inventer ce personnage du père noël. Celui-ci incarne la donation spontanée, non intéressée. Lévi-Strauss demande « N’est-ce pas qu’au fond de nous veille toujours le désir de croire , aussi peu que ce soit, en une générosité sans contrôle, une gentillesse sans arrière-pensée […] ?
« En mettant les cadeaux sous l’arbre derrière le dos de l’enfant, et en les attribuant à un être surnaturel, les parents garantissent la spontanéité de leur générosité. »

[actu][*Des dons et des dieux*][actu]

Les fêtes de fin d’année ont des origines multiples : fêtes païennes pour célébrer le solstice d’hiver ou fêtes religieuses, la seule constante à ces célébrations reste les dons qui y sont associés. C’est l’occasion d’échanger des présents quelque soit leurs valeurs, l’occasion aussi de partager son repas ou d’accorder du temps aux autres. Noël dans sa tradition religieuse a toujours valorisé le partage et la charité.

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les rois mages

Dans la religion chrétienne : L’échange des cadeaux reproduit la présentation des offrandes des bergers et des mages à l’enfant Jésus. Selon une lecture plus théologique, ils rappellent aux chrétiens qu’à Noël, « Dieu s’est donné lui-même à nous »

Biographies du Père Noël, par Catherine Lepagnol, éd. Hachette.
- Dans la tradition chrétienne, la messe de Noël occupe une place importante. « L’usage de faire des offrandes à l’enfant Jésus, en signe de reconnaissance et à des fins de prospérité, est encore très répandu en Provence pendant la messe de minuit. »

On sait que dans les campagnes existe encore au début du XXe siècle « la part du pauvre », qui s’appelle aussi parfois « la part à Dieu », sous forme d’une assiette toujours prête à être offerte au passant, à l’étranger. La charité est un des moments forts de la célébration de Noël, au même titre que le repas familial et l’échange des cadeaux.

Les associations caritatives profitent de cette époque de l’année pour solliciter la générosité : le Secours populaire français, la Croix-rouge, la Fondation Abbé Pierre. Ces associations développent au moment des fêtes bon nombre d’actions pour donner un nouvelle élan de charité : en vendant des cartes de vœux ou du papier cadeau, en organisant des collectes de fond ou de nourriture.

Des dons et des dieux, par Alain Testart, éd. errance.
- L’auteur nous invite à une réflexion plus générale sur les religions et sur leur contexte social et, plus particulièrement, à revenir sur le thème du don, important en anthropologie, et à le rapprocher de celui de l’offrande. Les hommes donnent à d’autres hommes et, ce faisant, créent entre eux des liens ; ils ” donnent ” également leurs filles à marier ; de même, ils offrent des sacrifices aux dieux pour leur plaire ou pour s’assurer de leur alliance, et ils font des offrandes aux ancêtres, aux génies ou aux esprits.

[actu][*Entre potlatch et société marchande*][actu]

Les sociologues Alain Caillé et Jacques Godbout définissent le don comme « toute prestation de bien ou de service effectuée, sans garantie de retour, en vue de créer, nourrir ou recréer le lien social entre les personnes. »
Pour étudier le système du don, il faut s’intéresser non seulement aux sociétés premières mais aussi aux sociétés les plus modernes. Ethnologues et sociologues proposent leurs analysent du don.

Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres., par Alain Caillé, éd. La Découverte.
- A travers l’analyse des auteurs qui se sont penchés avant lui sur le concept de don, Alain Caillé propose ici une nouvelle approche de l’un des sujets les plus riches en anthropologie.

Encyclopédie en ligne Wikipédia, « le don »

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L’esprit du don
éd. La Découverte

L’esprit du don, par Jacques T. Godbout, éd. La Découverte.
- Qu’y a-t-il de commun entre le père Noël, les Alcooliques Anonymes, les dons de sang et d’organes, les cadeaux de tous types et les services rendus, le don de l’artiste et même le don rituel des sociétés archaïques ? C’est la question à laquelle Jacques Godbout tente de répondre en montrant que toute le société se fonde sur le don.

Essai sur le don, par Marcel Mauss, éd. Quadrige/Puf.
- L’« Essai sur le don » de Marcel Mauss, paru en 1923-1924 dans la revue L’Année sociologique, est un des textes anthropologiques les plus célèbres sur le don. Son analyse concerne des sociétés du Pacifique : Polynésie (Samoa, Nouvelle-Zélande) et Mélanésie (Nouvelle-Calédonie, Trobriand, Nouvelle-Guinée), tribus indiennes de la côte nord-ouest de l’Amérique. Leur vie matérielle et morale y est imprégnée de l’esprit du don. Ainsi, la chaîne ininterrompue de la kula des îles Trobriand forme un vaste système d’échange cérémoniel de don et de contre-don.
Il y a dans ces systèmes, explique Mauss, une triple obligation : celle de donner, de recevoir et de rendre le présent. Le don est en fait intéressé (socialité, prestige, domination, séduction, rivalité), mais il est absolument irréductible à l’intérêt marchand.

Le potlatch est d’abord un mode d’organisation des échanges, en l’occurrence une forme de don. Marcel Mauss et Maurice Godelier ont tout deux beaucoup travaillé sur ce concept.

Encyclopédie en ligne wikipédia :
« Potlatch »

L’énigme du don, par Maurice Godelier, éd. Fayard.
- « Dans le potlatch on donne pour « écraser » l’autre par le don. Pour cela on lui donne plus qu’il ne pourra rendre ou on lui rend beaucoup plus qu’il n’a donné. […] Comme Mauss l’affirme lui-même si le potlatch est une stratégie obligée pour conquérir un rang ou valider un titre, c’est bien l’acte de donner et de donner plus que les autres qui compte. »

Essai sur le don dans la France du XVIe siècle, par Natalie Zemon Davis, éd. Seuil.
- Dans cet ouvrage, l’auteur s’intéresse à la place du don dans la société d’Ancien Régime. De la générosité royale à la charité envers les mendiants, des fêtes somptuaires aux humbles cadeaux de noces paysannes, que l’on donne ou reçoive un don, cet échange a toujours relevé d’une haute signifiance. Il scelle la paix ou l’amitié, mais peut aussi entretenir le soupçon de la corruption.

« Entre Marcel Mauss et Paul Veyne : Pour une sociologie historique comparée du don »

Le prix de la vérité : le don, l’argent, la philosophie, par Marcel Hénaff, éd. Seuil.
- Le don n’est sûrement plus ce qu’il était à l’antiquité et nos sociétés marchandes ont été à l’origine d’une transformation de ce que l’on appelait traditionnellement le don. Que représentent-il réellement ? Le philosophe Marcel Hénaff s’est posé cette question.

Aujourd’hui la réalité commerciale a transformé le cadeau de Noël en fondement économique majeur du commerce pendant les deux mois qui précèdent Noël.

La sécularisation de la société n’a pas fait baisser l’intérêt pour l’échange des cadeaux. Pour l’anthropologue Gérald Berthoud,
« La période de Noël, qui est très chargée cérémoniellement, possède une certaine intensité rituelle. Même si nous vivons fondamentalement dans une société marchande, il y a dans cet échange de cadeaux quelque chose qui est de l’ordre du don et qui est universel dans son principe : ils créent, maintiennent et consolident des liens ; ils constituent en quelque sorte une matrice du social. »

Extrait de l’encyclopédie en ligne Wikipédia : « Cadeau de Noël »

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le sapin

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One thought on “Du don à l’échange : c’est cadeau !”

  1. WhyDonate dit :

    Merci de partager ce blog informatif, Utiliser des cadeaux qui se rapportent à votre communauté ou à votre environnement est un excellent moyen de montrer votre appréciation pour ceux qui font une réelle différence dans la société.

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