This Heat "Deceit" (1981)

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Trop souvent écarté des anthologies car n’ayant sévi que sur de minuscules labels pendant une très courte période, les trois multi-instrumentistes de This Heat sont pourtant les auteurs d’un album monstrueux, écorché vif et fracassé, sorte de pendant « post-punk » du « In The Court » de King Crimson. Même impitoyable lucidité sur les egarements de notre monde, même réinvention des règles musicales, même paranoïa, urbaine plutôt que pastorale cette fois.

Deceit est hanté par cette peur d’une 3ème guerre mondiale déjà en sourdine chez King Crimson. Le collage du livret et les paroles qui y sont reproduites en font l’étalage : quand le trio This Heat chante à l’unisson ses harmonies amères et lugubres, c’est pour prendre la voix de cette civilisation déclinante, se comparant aux Romains (S.P.Q.R.) car incapable d’apprendre de son passé et d’éviter les massacres à venir (Cenotaph). Si leurs litanies sonnent faux, c’est pour mieux déconstruire ces discours préconçus et endormissants (Sleep), voire dénoncer ceux qui ont perdu tout leur sens (Independence, qui ne déclame rien d’autre que la consitution des USA, inspirée des droits de l’homme). « We want more » finissent par dire les voix impassibles, parabole de la surconsommation et de la frénésie technologique…

A chaque fois, les moyens sont en résonance avec le message, allant de la débauche instrumentale (l’ovni Paper Hats, une claque) aux accents tribaux, en passant par les titres expérimentaux plus proches de la musique concrète que sont Radio Prague – évocation du rideau de fer – et Hi Baku Shyo, qui met en sons l’innomable et termine le disque sur une note glaciale.

C’est donc une œuvre politique, résolument sombre et alarmiste, mais essentielle ; car elle fait la jonction entre un certaine tradition de rock « sophistiqué » des 70’s vers les courants extrêmes des 80’s. This Heat, qui a pourtant ses racines dans le progressif Canterbury (écoutez Triumph), sonne plutôt comme un groupe d’indus, la production étant bien plus sale que ce que le punk a pu produire à cette époque… Deceit est sans commune mesure, unique et viscéral.

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This Heat – Deceit by Dariev Stands on Grooveshark

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