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André JOLIVET : Symphonie n°3, Concertos (1966)

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - Modifié le 07/02/2024 par GLITCH

Entre le scandale que certaines de ses pièces ont suscité et le mépris que lui vouait un certain Pierre Boulez qui le surnomma méchamment « Jolinavet », difficile de se faire entendre.

Le compositeur André Jolivet (1905-1974) n’a jamais voulu opposer avant-garde et tradition. Ce qui peut expliquer en partie que son œuvre conséquente (plus de 200 œuvres au catalogue) soit aujourd’hui si peu jouée.

Jolivet fut l’un des seuls élèves d’Edgar Varèse, qui lui apprit un usage libre du dodécaphonisme et de l’atonalité, et l’amena à composer avec la dimension physique des sons, traités comme des organismes en mouvement.

Il fut aussi, avec Messiaen, Daniel-Lesur et Baudrier, l’animateur du groupe Jeune France, fondé en 1936, et qui se donnait pour but de « rendre à l’art ses valeurs humanistes, afin de créer une musique vivante ». Ces musiciens faisaient ensemble le constat que devant des  « conditions de vie devenant de plus en plus dures, mécaniques et impersonnelles, la Musique se doit d’apporter sans répit à ceux qui l’aiment sa violence spirituelle et ses réactions généreuses ».

Voici pourquoi la musique de Jolivet, tout en étant d’une écriture âpre et sans concession, déborde d’une dimension charnelle, humaine qui l’éloigne des abstractions sèches du sérialisme.

Elle constitue probablement à cet égard une des pointes les plus avancées de la modernité musicale inaugurée en France avec Debussy. Là où l’audace sonore ne se départit jamais de l’expressivité et du souci littéral d’émouvoir, de mettre l’auditeur en mouvement.

Cet enregistrement historique constitue un superbe témoignage de l’œuvre de Jolivet. Le concerto pour piano notamment (1951), dont la création donna lieu à un esclandre mémorable, met en valeur les propriétés percussives de l’instrument, dans des enchevêtrements de rythmes haletants (Allegro frenetico), aussi complexes que sauvages. Au milieu de cet ouragan de danse, inspiré par des traditions musicales extra-européennes, le mouvement lent dessine un troublant ilôt de sensualité.

La 3è symphonie et le Concerto pour violoncelle portent l’empreinte du maître Varèse, avec l’emploi d’un large effectif de percussions, porté à 26 pour le concerto ! Le chant du violoncelle se frottant au timbre mat des percussions donne lieu à une poésie à la fois lyrique et sèche, tellurique et chantante. Toujours dans cette esthétique des contraires réunis, la 3è symphonie déploie une force inquiétante. Une tension permanente, parfois secouée de martèlements convulsifs, mais  pleine de couleurs et de textures vibrantes, cherchant le soleil, toute en nerfs et agilité.

Une œuvre terriblement humaine, généreuse, « faite d’angoisse, d’amour, et comme imprégnée d’humilité ». Cet enregistrement live en restitue le souffle passionné et exigeant, avec un engagement sans apprêt.

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