Rap : quel est le message ?

- temps de lecture approximatif de 7 minutes 7 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Il y a tout juste 20 ans sortait “Yo ! Bum rush the show” premier album de Public Enemy, groupe de rap américain qui va révolutionner le genre. Violent, agressif, hardcore ou extrême : tous les superlatifs ont été utilisés pour décrire le rap de Public Enemy. Pourtant c’est bien du côté des textes qu’il faut voir un réel changement. Son radicalisme musical ira toujours de paire avec des textes engagés. Ils inventent ainsi le rap politique. Désormais, il y aura le rap avant Public Enemy et le rap après.

S’il existait bien une dimension sociale dans les textes des premiers rappeurs, ceux-ci s’attachaient uniquement à l’amélioration de leurs conditions de vie ou de celles de leur entourage. En 1982, le groupe Grandmaster Flash & the Furious Five enregistre le titre “the message”. Premier rap à dénoncer les conditions de vie désastreuses dans le ghetto, il n’en reste pas moins le témoignage d’un individu seul face à ses réalités. Avec Public Enemy, pour la première fois le rap prend une dimension politique dans le sens où leurs revendications vont bien au delà de leur communauté. Racisme, droits civiques, politique étrangère mais aussi révolution vont être les principaux sujets des chansons du groupe. Et bien que leurs textes soient plutôt tournés vers la critique que vers la proposition, la musique devient avec eux un acte militant.


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Formé en 1982 par deux étudiants de Long Island (New York), Chuck D et Hank Shoklee, le groupe est d’abord un regroupement d’amis partageant les mêmes idées et les mêmes pratiques musicales (DJing). Ce n’est que cinq ans plus tard que Rick Rubin, directeur du label Def Jam, les convainc d’enregistrer un album. Rejoints entre temps par Flavor Flav (MC), Terminator X (DJ) et Professor Griff (responsable du service d’ordre SW1) le groupe se structure comme une véritable organisation politique. Il va s’entourer d’un service d’ordre, “Security of the first world” (SW1) qui sera aussi en charge des chorégraphies du groupe et d’un collectif de producteurs “Bomb Squad”, mené par Chuck D., qui sera à l’origine de l’architecture musicale du groupe. Public Enemy va marquer le monde du hip hop dès son premier album par son originalité tant musicale que textuelle. Ils vont utiliser des beats très lourds, des samples de sirènes stridentes, de coups de feux -tout bruit agressif faisant penser à l’ambiance survoltée d’une métropole américaine- pour créer une “terreur sonore”. Les textes écrits et scandés par le leader Chuck D (membre de la Nation of Islam) seront sans concession envers les politiques américaines. En 20 ans, Public Enemy signe une dizaine d’albums d’une régularité étonnante, sans jamais perdre leurs revendications originelles.

3 albums à écouter de suite :

“It takes a nation of millions to hold us back” (1988)

nation
L’album de référence par excellence. Cet album reste dans les mémoires comme L’album du rap hardcore : Chuck D et sa bande assènent sans interruption 16 brûlots survitaminés. On ne ressort pas intact de l’écoute de cet album. “Mind terrorist”, “Louder than a bomb” ou “Rebel without a pause” sont autant de messages de rebellion.

“Fear of a black planet” (1990)

fear
Toujours autant de hargne deux ans plus tard. Public Enemy tape tous azimuths : l’inefficacité des secours (“911 is a Joke”), l’industrie cinématographique (“Burn Hollywood burn”), la Révolution toujours (“Power to the people” et “Fight the power”).

“Beats and places” (2005)


beats
Cet album propose 15 inédits et prouve 20 ans après que le groupe a encore des choses à dire. Contre George W. Bush dans “Grand theft oil” ou contre le maire de la Nouvelle Orléans dans le titre “Hell No, We Ain’t Alright”, Chuck D et sa bande n’en finissent pas de combattre une certaine politique américaine. Le gros plus de cet album réside sur un DVD additionel qui permet de revoir une partie de leurs clips.


- Parti pour une grande tournée internationale cette année, Public Enemy est aussi l’invité principal du desormais incontournable festival hip hop lyonnais L’Original. Dans ce cadre, ils se produiront le jeudi 5 avril au Transbordeur.


- Sur internet :

Le site officiel du groupe Public Enemy propose entre autres toutes les paroles de leurs chansons.


Quelques disciples :

Public Enemy ayant posé la première pierre d’un rap engagé, d’autres artistes vont suivre et se revendiquer directement de leurs idées.


- Disposable Heroes of Hiphoprisy : Hypocrisy is the greatest luxury (4th & B’way, 1992)

hipo
Ce groupe formé à San Fransisco par Michael Franti s’attaque avec “Television, the drug of the nation” au pouvoir grandissant des mass medias, s’inquiète de l’égalité raciale dans “Socio-genetic experiment” et reprend un titre du groupe punk très politisé Dead Kennedys : “California Uber alles”.

- Mos Def : True Magic (Geffen, 2006)

mosdef
Rappeur et acteur très versatile, Mos Def est capable du meilleur comme du pire, du commercial comme du subversif. En témoigne le titre « Dollar day » où le rappeur accuse George Bush de ne rien faire pour les victimes du cyclone Katrina. En 2006, il passera même un moment en garde à vue pour avoir interprété “illégalement” ce titre durant la cérémonie des MTV Video Music Awards.

- Dead Prez : Let’s get free (Relativity, 2000).


deadp
Venu de Floride, ce duo de rappeurs se revendique autant des Black Panthers que de Public Enemy. “Police State”, “They’ Schools”, “I’m a African” ou “We Want Freedom” sont de violentes critiques de la société américaine.

- The Coup : Pick a bigger weapon (Epitaph, 2006).


TheCoup
S’affichant résolument comme des révolutionnaires marxistes, ce groupe de Oakland (Californie) a eu du mal à se frayer un chemin sur la côte ouest des Etats-Unis, tant son rap très militant était éloigné des préoccupations nombrilistes de la scène gangsta-rap. Les titres “We are the ones” véritable hymne révolutionnaire ou “Head (of State)” condamnation très ardue de la politique de George Bush donnent le ton de l’album entre communisme et funk nation.



- KRS One : A retrospective (Jive, 2000)


krsone
“S’en sortir par l’éducation” serait la devise de ce natif du Bronx et ancien SDF. Que ce soit avec son ancien groupe Boogie Down Productions ou en solo, KRS One s’est engagé fortement dans la sphère politique. A travers des titres comme “My philosophy”, “You must learn” et “Edutainment” ou son engagement dans des programmes éducatifs, il restera avec Public Enemy l’artiste le plus représentatif du “political rap”.

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- Le rap est-il de droite ? : le magazine français Groove s’interroge dans son numéro de février 2007 sur la perte de la dimension contestataire du rap.

- “Hip Hop : les pratiques, le marché, la politique” : la revue Mouvements propose plusieurs articles qui dissèquent les relations entre rap et capitalisme, rap et politique ou rap et Etat.

- Original Hip Hop Lyrics Archive : plus grosse base de données de textes de rap, permettant de retrouver les textes les plus méconnus.

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