Nurse With Wound "Rock'n'Roll Station" (1994)

Attention, ne vous fiez pas au titre, mais plutôt au nom du projet… Ce disque n’a rien de rock’n’roll. Conçu par l’entité dadaïste et grotesque Nurse With Wound, il s’agit d’un album presque entièrement électronique, où le son est constamment manipulé, concassé et frotté pour contrebalancer des beats midtempos basiques et décharnés.

C’est une porte possible vers l’univers Nurse With Wound, créature multiforme presqu’entièrement aux mains de Steven Stapleton, ici accompagné de Colin Potter et de quelques musiciens (expérimentateurs serait un meilleur mot) tout aussi fêlés que lui. Une voie d’entrée envisageable donc, car l’ambient glauque et déconstruit du groupe est ici structuré par ces rythmes binaires, les samples multiples ayant laissé à la place à des manipulations électroniques, bruitistes mais organiques. A tel point qu’on peut parler d’Illbient pour ce disque, ce courant sombre et toxique du hip-hop instru qu’inventa DJ Spooky dans les années 90.

Si l’on peut se surprendre à bouger de la tête en rythme, voire à se trémousser sur la transe de Two Golden Microphones, inutile de chercher des repères autres que rythmiques, Nurse With Wound reste l’un des groupes les plus bizarres du monde. Symbole de l’intertextualité de l’œuvre de Stapleton (un labyrinthe de cauchemars absurdes cristallisés en disques), Rock’n’Roll Station est avant tout un hommage appuyé au morceau du même nom – repris ici par Stapleton – de Jac Berrocal , Pierre Bastien et Vince Taylor, musiciens français auquel Stapleton fait référence dans le livret, décrivant une pseudo cérémonie païenne où Joe Meek et Graham Bond se joignent à eux, « pénis pointés vers vénus », pour recevoir les fréquences d’un autre monde. Tout va bien, détendez-vous (si vous y parvenez), vous écoutez un disque de Nurse With Wound. « Vous qui entrez ici, abandonnez toute logique. », tel pourrait être la phrase gravée sur le vestibule de cette porte d’entrée-là.

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