New, cold, synth, minimale… la vague lyonnaise

- temps de lecture approximatif de 13 minutes 13 min - Modifié le 01/10/2022 par Admin linflux

Depuis 2009, Le Département Musique de la Bibliothèque de la Part Dieu constitue un fonds patrimonial appelé "Mémoires des Musiques Lyonnaises". Il se définit comme l'acquisition de toutes les productions musicales enregistrées (CD, microsillons, cassettes...) ayant un lien avec l'agglomération lyonnaise. Ce fonds, en cours de constitution, contient à ce jour 3200 documents. Il sera à terme intégralement numérisé et accessible au public au sein de la BM de Lyon. Nous voulons par le biais de dossiers thématiques donner régulièrement des nouvelles de la richesse de ce fonds à travers le spectre d'un genre, d'un label ou d'une époque.

Pour l’heure, nous nous attacherons à la new wave lyonnaise et ses dérivés à travers un panorama (non exhaustif) de cette scène très particulière ayant fait les beaux jours de la vie musicale de notre ville.

Lyon a mis du temps à s’installer sur la carte des lieux incontournables du rock en France. Il faudra attendre 1977 et le phénomène Starshooter, groupe punk directement signé chez EMI, pour que la presse rock commence à s’intéresser à la deuxième ville de France et la surnomme “Lyon, capitale du rock”. Surnom en grande partie donné pour le trio Starshooter / Marie et les Garçons / Electric Callas. Ces deux derniers groupes constituent le socle historique de la vague new wave lyonnaise.

§Des groupes historiques§

Marie et les Garçons

L’histoire du groupe le plus culte de la scène lyonnaise est paradoxalement un dédale musical, avec une discographie complexe, des séparations et reformations, des carrières parallèles : un vrai feuilleton du rock. Une discographie chronologique parait le plus simple pour appréhender la fulgurante carrière du groupe.

1975 : cinq lycéens forment un groupe nommé Femme Fatale (fan du Velvet bien sûr) au lycée St Exupéry (Croix Rousse). Le groupe se compose alors de Marie Girard (chant), Patrick Vidal (basse), Erik Fitoussi (guitare), Christian Faye (guitare) et Philippe Girard (batterie, frère de Marie).

1976 : re-baptisé Marie et les Garçons le groupe change de personnel : le batteur rejoint Electric Callas, Marie remplace son frère derrière les futs et Patrick Vidal passe au chant et guitare, laissant la basse à un nouvel arrivant Jean Marc Vallod. Le reste de l’année 76 se partagera entre enregistrements de démos à la Croix Rousse et différents concerts locaux.

Août 1977 : Très bon accueil du groupe à leur premier vrai concert au festival de Mont de Marsan. Vallod rejoint Electric Callas et est remplacé par Jean Pierre Charriau.


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Décembre 1977 : Enregistrement du 1er single, “Rien à dire” sur le label Rebel du producteur Michel Esteban. Single 3 titres au contenu plutôt punk, c’est dès le deuxième single que le groupe s’oriente vers une new wave aux accents disco.


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Mars 1978 : Esteban présente le groupe à son ami John Cale qui enregistre à New York leur 2ème single sur son label Spy, nouvellement créé. Les deux titre du 45 tours “Attitudes” / “Re-Bop” sont beaucoup moins punk que le premier single. Quelques jours plus tard ils jouent au CBGB de New York.

Juillet 1978 : Concert à l’Olympia d’où sortiront les bandes de “Rock d’ici”. Peu de temps après c’est le concert géant du 29 juillet à Fourvière appelé “New Wave French Connection”, un festival dément qui finit à 6 h du matin. Pourtant le groupe essuie un echec cuisant avec jet de cannettes pour leur prestation jugée trop disco.


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Février 1979 : Enregistrement du premier album avec une direction résolument disco voulue par Patrick Vidal. Marie quitte le groupe en pleine séance d’enregistrement pour “incompatibilité musicale” et rentre à Paris. Elle rejoindra alors Electric Callas pour l’enregistrement de leur deuxième maxi.

Mars 1979 : l’album bien nommé “Divorce” sort sous le nom de Garçons ainsi que plusieurs maxis. Les disques sortent sur ZE records label nouvellement créé par Michael Zilkha et Michel Esteban. C’est un véritable fiasco tout comme les concerts qui suivront.


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Fin 1979 : Patrick Vidal quitte le groupe et c’est Erik Fitoussi et Jean Pierre Charriau qui vont prendre une direction plus pop en embauchant d’autres musiciens. Un 45t est gravé puis c’est la séparation définitive.

1980 : Ze records sort l’album “Marie et les garçons” regroupant les deux premiers singles, des démos et des versions live.


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1983 : Marie enregistre un single sur le label Mosquito : “Les indiens / Wallis et Futuna”.

1984 : On retrouve Jean Marc Vallod à New York derrière un duo nommé Soma Holiday avec la chanteuse Jane Honicker. Cette collaboration dont sortira qu’un seul maxi en 1984, “Shake your molecules”, propose une musique glaçante sur un chant robotique qui aurait bien pu devenir un tube.

 

1987 : Marie et les Garçons se reforment et ré-enregistrent “re-bop” pour la sortie du CD compilation 76-77. Puis ils reprennent les concerts jusqu’en 1990.

1990 : Après un détour par le groupe Octobre Patrick Vidal sort un album solo “Histoires d’aventures”

1994 : Jean Marc Vallod revenu sur Lyon reforme avec Marie le groupe X-Kicks.

1996 : Marie Girard décède d’une rupture d’anévrisme à l’âge de 40 ans. C’est juste après que sort l’album posthume de X-kicks dédié à Marie.

2009 : Reformation de Marie et les Garçons autour de la fille de Marie, Diane Ziggy pour un concert unique au Marché Gare de Lyon.

2011 : Patrick Vidal est à l’origine du projet Garçon’s Mutant Disco, relecture de l’album “Divorce” en live et notamment joué aux Nuits Sonores 2012.

Vous pouvez écouter sur place :

- Marie et les Garçons : Rien à dire SP (Rebel, 1977)
Cote : FL 782 MAR (45 t.)
- Marie et les Garçons : Attitudes SP (Spy, 1978)
Cote : FL 782 MAR (45 t.)
- Marie et les Garçons : Marie et les garçons LP (Ze records, 1980)
Cote : FL 782 MAR (33 t.)
- Marie et les Garçons : “Morceaux” CD (IRCD, 200 ?)
- Garçons : French Boy / French Boy (Reprise) Maxi 45t. (ZE-Philips, 1979)
Cote : FL 782 GAR (33 t.)
- Marie : Les indiens / Wallis et Futuna (Mosquito, 1983)
Cote : FL 788 MAR (45 t.)

Et emprunter :

- Marie et les Garçons : “76/77” (Instant, 1987)

- Patrick Vidal : “Histoires d’aventures” (New Rose, 1990)

- X-Kicks : “X Kicks” (autoproduit, 1996)

Electric Callas

Formé en 1976 autour du chanteur Jean Gilles Posada (Jangil Callas), Electric Callas deviendra un groupe mythique qui, en seulement quatre ans d’existence et deux maxis, a marqué fortement la scène locale et nationale. Seul membre permanent du groupe, Jangil, fan de Bowie, T. Rex et autre Iggy Pop doit la célébrité de son groupe à sa présence scénique et sa personnalité singulière. Remarqué à la nuit punk à l’Olympia le 10 juillet 1978, le groupe gagne 3 jours de studio pour enregistrer “So chic” leur premier maxi.

Après des changements incessants de personnel, ils enregistrent leur second maxi “Winner” en 1980. Le groupe se sépare peu après n’ayant pas trouvé son public. En 2008 ils ré-enregistrent le morceau W.S.B. (face B de leur premier single) avec Patrick Vidal.

Vous pouvez écouter sur place :

- Electric Callas : So Chic Maxi 45t. (Pathé Marconi-EMI, 1979)
Cote : FL 782 ELE (33 t.)
- Electric Callas : Winner (Celluloid, 1981)
Cote : FL 782 ELE (33 t.)

Si Marie et les Garçons et Electric Callas jouissent maintenant d’une réputation importante et sont cités dans beaucoup d’ouvrages sur le rock français, leur descendance musicale peine à avoir une notoriété. Certains, redécouverts par le web (par peer to peer notamment) connaissent une deuxième vie, permettant ainsi des ré-éditions en CD et des papiers dans la presse.

§ Redécouverts par le web §

Le récent engouement pour la synth wave a sorti des dizaines de groupes des oubliettes et In Aeternam Vale en fait parti. Réédités sur le label Minimal Wave, les productions de IAV, trouvent dans le jeune public de nouveaux adeptes. Formé en 1982 à Lyon autour de Laurent Prot (synthés, bandes, électronique, chant) et d’autres musiciens, le groupe va splitté très vite et ne restera que Laurent. Ce n’est que l’année suivante, avec l’arrivée de Pascal Aubert (chant, bidouillages K7) que le groupe s’oriente vers une musique complétement électronique. A partir de là le duo va enregistrer des centaines d’heures de bandes dans leur home studio. En presque 30 ans la musique de IAV traverse l’ensemble des paysages électroniques (Techno, electro-pop, electronica, indus ou cold wave). Toutes les expérimentations sont permises, seul compte le temps présent : celui qu’on enregistre sur cassette ou celui qu’on improvise en concert. Atypique jusque dans sa discographie, le groupe n’a jamais composé de véritable album, mais une multitude de morceaux la plupart sur format K7. Le duo donne encore des concerts et leurs prestations scéniques sont fortement recommandées.

Vous pouvez écouter sur place :

- In Aeternam Vale : In Aeternam Vale (Minimal Wave, 2009)
Cote : FL 782 INA (33t.)

- In Aeternam Vale : Dust under brightness (Minimal Wave, 2012)
Cote : FL 782 INA (33t.)

- In Aeternam Vale : *.wav (Land, 1997)
Cote : FL 784 INA (CD)

On trouve la discographie d’IAV qui semble la plus complète sur Discogs

Duo formé au début des années 1980 , Deux est né à Lyon de la rencontre de Gérard Pelletier et Cati Tête, dans une soirée. Une passion commune pour le minimalisme et la nouvelle musique synthétique allemande (Neu, Kraftwerk) va être à l’origine du groupe. Cati pose sa voix lancinante sur les compositions de Gérard, petites pièces minimales et mélodiques. Le résultat : une synth pop, renversante de maturité et de modernisme. Le premier 45 t. sort en 1983 sur “André records” (leur manager) et il couple déjà deux des meilleurs morceaux de la synth pop française : “Felicita” et “Game and performance”.


Deux-EP-Felicita1

“André records” produit encore une cassette 10 titres en 1984, puis un deuxième 45 t. l’année suivante avec le sublime “Paris Orly”. Le talent est indéniable, le succès beaucoup moins. Pourtant le duo continue de composer avec toujours autant de plaisir. Après des productions hasardeuses dans les années 1990 (dont des maxi d’euro-dance en Italie), Deux se recentre sur leurs compositions d’époque.

Internet (l’ouverture d’un myspace) va leur donner la gloire qu’ils méritent. Poussés par la pression des fans, ils sortent leur premier album en 2006. “Agglomérat”, comme son nom l’indique, est un best of des compositions passées, 15 titres seulement, on attend fièvreusement l’intégrale.
En 2010 le très réputé label new yorkais, Minimal wave leur ouvre les portes du reste du monde (déjà entrouvertes par le web) en sortant “Décadence” un compilation 10 titres reprenant en partie l’album “Agglomérat”.

Vous pouvez emprunter :

- Deux : “Agglomérat” (Deux, 2006)

§ Des pépites oubliées §

En 1982, “Prinzip”, label basé au Havre propose un split album entre les groupes Selenite Vox (Le Havre) et les Abscons (Lyon). Ce EP au format et au design bizarroïde, tiré à seulement 1000 exemplaires est le seul témoignage de cet obscur groupe lyonnais. Produisant une musique instrumentale, répétitive et obsédante, proche de l’indus, le groupe n’aura pas l’occasion d’éditer d’autres productions.

abscons

Deux ans plus tard, le même label sort la compilation “Prinzip Products – Lyon Compilation” (1983) avec 6 autres groupes lyonnais tous aussi obscurs. Le principe est d’enregistrer pour chacun des groupes, deux titres avec des moyens très rudimentaires pour donner un effet plus underground. La qualité sonore s’en ressent même si la plupart tirent un bon parti de la situation. Outre Le Pacte Noir, mythique groupe punk, la scène new wave est représentée ici par Lust Sacrifice et International Sin.

LUSTSACRIFICE-EP-Hearting

Formation au passé sulfureux, à cause d’un premier concert qui finit en bataille rangée, Lust Sacrifice a été créé à Lyon en septembre 1981 par Patrick Charpenet (clavier et chant) Patrick Clos (basse) Stéphane Fernandez (batterie) Laurent Frick (clavier). Leur première apparition discographique est constituée de deux titres en forme de medley “Vision / Ghost sailer” aux vocaux sombres s’articulant sur des nappes de bidouillages électroniques. Le groupe enregistrera un seul autre 45 tours en 1985, “Hearting”, imparable titre de synth-wave.

Les deux morceaux d’International Sin présents sur la compilation “Prinzip Products” sont plus électroniques avec un chant grave, proche des productions cold wave. Le titre “The Bal” sera repris dans la compilation “Des jeunes gens mödernes”.
Fondé au début des années 1980, par les frères Vincent et Laurent Chaix, International Sin enregistrera un seul album durant cette période, “Out” en 1985. Un an plus tard le groupe se scinde, Laurent Chaix formera le groupe electro, Botom Botom. Vincent Chaix, toujours en activité, a gardé le nom d’International Sin. Son site présente ses travaux récents.

Vous pouvez écouter sur place :

- Abscons : Cinq minutes trente / Troix vingt cinq / Troix quinze (Prinzip, 1982)
Cote : FL 782 ABS (33 t.)
- Lyon compilation avec (Prinzip, 1983)
Cote : FL 782 AAA (33t.)
- International Sin : Out (Contorsion, 1985)
Cote : 2.ISI 50
- Lust sacrifice : hearting (SCV, 1985)
Cote : FL 782 LUS (45t.)

Tales naît de la collaboration début 1980 d’un chanteur d’origine écossaise John Fernie et d’un claviériste d’origine hollandaise Gilles Verschooris, tous deux échoués à Lyon. Le reste du groupe est formé par plusieurs musiciens lyonnais. Comme pour Electric Callas c’est la forte personnalité du chanteur qui les fera connaître, mais aussi pour sa superbe voix chaude et la qualité de ses compositions.

Un premier maxi, une espèce de compilation de démos, produit par Henri Gauby est pressé en 1983. On y trouve une reprise des Doors interprétée par le bassiste et une chanteuse, Julia, un titre solo de John Fernie et le dernier “On the way to sacrifice” par tout le groupe.

Deuxième production, l’année suivante, le maxi “Green steps of love” est enregistré à Londres.

Plus de nouvelle du groupe depuis et c’est en tant qu’acteur de théâtre, compositeur pour la scène, qu’on retrouve John Fernie jusqu’à sa mort en 2004.


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Vous pouvez écouter sur place :

- Tales. : “Wild transmission” (maxi 3 titres) (1983)
- Tales : “Green steps of love” (maxi 4 titres) (EMD, 1984)




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Aurélia Kreit est peut être le plus énigmatique des groupes new wave lyonnais. Une K7 sortie en 1985 constitue la seule trace discographique du groupe. Chantés en anglais et en français les six titres sont proche de l’atmosphère d’Indochine.

Pour aller plus Loin :

Les livres :

- Nos années punk 1972-1978 / Christian Eudeline
- Des jeunes gens mödernes : postpunk, cold wave et culture Novo en France 1978-1983
- Discographie vinyl du rock français : 1977-2000

Les sites :

- L’incontournable mine d’infos sur le rock à Lyon, le site de Steve Dixon
- L’encyclopédie de la New wave française

Un film :
- New wave French Connection / Gilbert Namiand ; 1979

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One thought on “New, cold, synth, minimale… la vague lyonnaise”

  1. Littlebrozzer dit :

    En 2019 la K7 d’Aurelia Kreit a été éditée en vinyl par le label lyonnais Simplex Records.

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