Musiciens du Monde en dialogues

- temps de lecture approximatif de 15 minutes 15 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Les parutions simultanées d’albums réunissant des artistes de traditions musicales diverses, au cours de ces derniers mois, nous incitent à jeter un coup de projecteur sur ces rencontres entre musiciens venus d’horizons différents.

Afin de mettre en perspective ce pan de création musicale, tentons une approche sous cet angle de la rencontre entre musiciens, quand ce qui compte est avant tout le plaisir d’être ensemble, de créer ensemble, et où par delà les frontières le langage commun est la musique.

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Chaque musicien apporte sa richesse personnelle et est porteur de sa tradition musicale. Le témoignage de son identité personnelle et de sa tradition ne s’exerce pas seulement en faisant perdurer sa tradition propre, mais bien aussi en étant présent aux cotés d’autres musiciens.

Préserver son authenticité tout en tissant des liens avec les autres, tout un challenge.
§LA§ musique se situe bien au-delà de nos conceptions. En faisant exploser ces clivages, on trouve la vie, la joie de jouer ensemble, d’improviser.

« [actu]J’ai une tradition en moi, mais aussi une liberté[actu] »

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Zakir Hussain

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Discographie sélective

  • Duos de musiciens de traditions différentes.

Chamber music (2009), une collaboration entre le joueur de kora malien Ballaké Sissoko et le violoncelliste français Vincent Ségal.

Ghazal, dans lequel le joueur de Kamancheh iranien Kayhan Kalhor, accompagne Shujaat Husain Khan, chanteur et sitariste indien.

Extrait vidéo

Hanine y son cubano arabo cuban, mariage ici du chant arabe de la libanaise Hanine

et des rythmes cubains de son groupe Son Cubano.

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Qawwali flamenco, juxtaposition de la tradition sacrée du chant qawwali, et celle, profane, du flamenco d’Andalousie par le chanteur pakistanais Faiz Ali Faiz accompagné de son ensemble Qawwali et les chanteurs de flamenco, Miguel Poveda, Duquende et le guitariste Chicuelo.

Pour voir des extraits :
Festival de Fès en 2005 et Les Suds à Arles en 2004

Jaadu (2009), où l’on retrouve Faiz Ali Faiz cette fois avec l’angevin Titi Robin aux rubab, guitare et bouzouq.

Chronique

Rakhi, voici à nouveau le guitariste angevin Thierry « Titi » Robin, jouant ici du oud et du bouzouq pour un petit tour au Rajasthan, en compagnie de la chanteuse Gulabi Sapera

Interview

Lagrimas negras, est le fruit de la rencontre musicale entre le pianiste cubain Bebo Valdes et le jeune chanteur espagnol de flamenco Diego El Cigala, dont le dernier disque vient de sortir : Dos lagrimas

Près du coeur sauvage, où le guitariste espagnol accompagne Pedro Soler et le chanteur basque Benat Achiary.

Ravi Prasad et Pedro Soler, Pedro soler, encore, à la guitare flamenca et le chant de l’indien Ravi Prasad .

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Siwan (2009), le pianiste norvégien Jon Balke, musicien de jazz, et la chanteuse marocaine Amina Alaoui, formée dans la tradition gharnati ; présent également Jon Hassell à la trompette.

Chronique

Tell no lies (2009), dialogue de cordes entre le guitariste Justin Adams et le musicien traditionnel gambien Juldeh Camara

Chronique

Moa anbessa, réunit le légendaire saxophoniste éthiopien Gétachèw Mèkuria et The Ex, fameux quartet d’improvisateurs néerlandais d’obédience punk.

Chronique

3MA, trois musiciens des trois pays en Ma : le marocain Driss El Maloumi à l’oud, le malien Ballake Sissoko à la kora, le malgache Rajery, à la valiha.

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  • Des artistes s’entourent de musiciens aux origines diverses

Le son de soie, la joueuse de pipa chinoise Liu Fang est entourée de Alla, joueur de oud algérien , Ballake Sissoko, musicien malien à la Kora, et Henri Tournier à la flûte bansuri.

Voir le point d’actu Le son de soie de Liu Fang réalisé sur ce disque.

The doudouk – beyond borders, le doudouk arménien de Lévon Minassian, et Armand Amar au clavier, Gilles Andrieux au tempur, Yvan Cassar aux claviers …

voir aussi l’album Songs from a world apart

Thimar, le oudiste d’origine tunisienne Anouar Brahem s’associe à des joueurs de jazz comme dans la plupart de ses albums. A signaler son dernier album The astounding eyes of Rita

Zumurrude par Tri a tolia (2009). Ici la chanteuse de tradition turque Melike Tarhan est accompagnée d’Osama Abdulrasol, joueur irakien de qanoun et de oud et de Lode Vercampt, violoncelliste allemand de formation classique .

Songs of an other, la jeune chanteuse grecque, Savina Yannatou, accompagnée de son orchestre, Primavera en Salonico, aux musiciens de tradition arménienne, Albanaise, Italienne, Serbe, réinvente les chants méditerranéens et européens.

Pruna, le chanteur breton Erik Marchand, le Taraf de Caransebes (Roumanie) et des musiciens de Turquie, Serbie, Moldavie.

Kan, rencontre de traditions polyphoniques et monodiques toujours avec Erik Marchand et des musiciens d’Albanie, Sardaigne et Mali.

Kismet, aux côtés du joueur grec de lyra Stelios Petrakis, le percussionniste iranien Bijan Chemirani au zarb, l’Irlandais Ross Daly, Harris Lambrakis et Henri Tournier.

The melody of rhythm triple concerto & music for trio (2009), trois solistes Béla Fleck au banjo, Edgar Meyer à la contrebasse et Zakir Hussain aux tablas avec un orchestre symphonique.

…et d’autres.

Il ne s’agit pas, nous l’avons vu de gommer les spécificités de chaque type de musique, les styles différents.

Même si ces explorations , fusions ne sont pas toutes réussies, et sans vouloir débattre ici de ce que sont ou ne sont pas, les musiques « dites » du monde, la “world music”, la fusion, ou le métissage, nous observons simplement quelques chemins suivis aujourd’hui.

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Ghazal

- Des musiciens jouent ensemble, juxtaposent des sonorités d’instruments de même famille mais traditionnellement utilisés dans des aires géographiques différentes comme la clarinette dans Parfums d’épices par Zira, tentent certains mariages : un quatuor à cordes et les musiques de Bollywood dans You’ve stolen my heart par Kronos Quartet et Asha Bhosle, chant turc et violoncelle, doudouk et piano…, retrouvent leur racines communes.
- Ces musiciens ne sont pas isolés, ils sont influencés par le jazz, l’electro… (on fait du hip hop en Inde , du jazz dans les Balkans) et le musicien d’aujourd’hui ancré dans une tradition a deux vies, “dans l’une, il joue de la musique traditionnelle pour faire vivre ses racines, dans l’autre il joue avec d’autres musiciens” (Zakir Hussain)
[ Extrait de l’article Entre jazz et musiques du monde] voir bibliographie.
- Certaines musiques typiques sont revisitées, comme le tango par le Gotan Project : La revancha del tango.
- D’autres artistes juxtaposent et rapprochent des univers musicaux différents comme Hugues de Courson avec Mozart et l’Egypte : Mozart l’égyptien ou Bach et l’Afrique : Lambarena

Pour aller plus loin

  • Les frontières placées entre les styles musicaux sont mouvantes.
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- Dans [actu]le jazz[actu]
La présence de musiciens indiens n’est pas récente, par exemple Shakti, ou en 1992 Jan Garbarek et les musiciens du Pakistan. Aujourd’hui Trilok Gurtu est présent dans de nombreux enregistrements, ainsi que Zakir Hussain, « Making Music », le violoniste L. subramaniam …à signaler aussi la collaboration entre Didier Lockwood et Raghunat Manet : Omkara …etc…


Celle des musiciens d’Orient fut remarquée ces dernières années : Anouar Brahem et Rabih Abou Khalil introduisent l’oud dans le jazz,
Ibrahim Maalouf, joue de la trompette comme d’un instrument traditionnel : Diachronism (2009)… Le flûtiste Dhafer Youssef … Smadj :Selin (2009) …

Le lien entre la musique latine et le jazz s’est noué dans les années 40 (le latin jazz).

Et de par ses origines africaines, le jazz a bien sûr des liens privilégiés avec les musiciens africains. Voir à ce sujet le point d’actu De l’afro jazz au jazz africain.
Quelques noms : Le Kora Jazz Trio , Foday Musa Suso

Et aussi :
Le Hadouk Trio …Mujou, Pan-Asian ensemble russo japonais …

- Dans [actu]les musiques électro[actu]
Signalons la scène britannique aux sources indiennes avec N Sawhney, Talvin Singh. le courant Bollywood samplé Hip hop.

Balkan Beat Box ; la chanteuse Rona Hartner, Mungal, Frédéric Galliano, Cheb Tarik, Niyaz….,

- Dans [actu]le monde du rock[actu]
Beirut, Land of kush et Sam Shalabi, El Guincho, Calexico, Orange Blossom, Cabaret Voltaire, Brian Eno et David Byrne, Taken by Trees, Voice of the Seven Woods

….

Tous ces enregistrements sont repérables dans les sections réservées aux musiques inspirées des musiques traditionnelles :
781.37 : Jazz, influence ethnique, 782.85 : Rock, influence traditions nationales, 784.52 : Electro, influence world

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  • Des artistes s’expriment sur le métissage

“Le métissage est “à la mode” depuis la nuit des temps ! Lorsque l’on parle de l’authenticité en musique,je regarde la nature, et je vois que l’authenticité c’est le métissage.

Tu ne peux pas te promener dans tel ou tel paysage sans observer, sans voir que la migration et l’échange sont le radar de la nature. La “pureté”, pour moi est un métissage. Je sens que la nature, pour éviter de tomber en décadence, se métisse sans cesse”
.Antonio Placer

Ainsi que : Manu Théron, Claude Sicre, Benat Achiary, Jean-Claude Acquaviva, Alan Stivell, toujours sur le site du CMTRA

“Je suis contre le métissage musical à outrance ! Je trouve saugrenue cette mode d’une certaine’world music’qui consiste à mélanger la musique celtique avec les djembés sénégalais ou l’accordéon d’Yvette Horner. Le métissage musical, c’est bien, mais chacun doit garder sa spécificité.”. Sam Mangwana, musicien africain.

« Depuis les années 80, l’expression “métissage musical” s’est imposée bien au-delà des médias spécialisés. Au point de devenir un enjeu essentiel pour les musiques du monde. » Gérald Arnaud

  • Des livres

Les cahiers de musiques traditionnelles n°13 ; métissages
présentation

A lire notamment pages 91 à 101 L’article de Oriane Chambet-Werner : « Entre jazz et musiques du monde : regards croisés sur la rencontre de l’autre » .

Les cahiers des musiques traditionnelles n °9 : Nouveaux enjeux

Pour l’article « Qui a peur des grandes méchantes musiques du monde ? de Denis Constant Martin

Les musiques du monde en question ed. Babel (collection Internationale de l’imaginaire) dont voici un extrait du chapitre de conclusion écrit par Hervé Lenormand p 324.

« Musiques du monde, cela veut dire à la fois beaucoup, beaucoup trop et beaucoup trop peu »
« Les musiques du monde s’inscrivent dans une perspective évolutive. L’enchainement des rencontres, des coincidences, des contingences historiques et sociales, des bouleversements migratoires, des apports instrumentaux et humains, a pour effet d’en modifier perpétuellement les contours, à l’image d’un sillage sonore continu qui renverrait à nos propres tribulations. Cette onde sonore est vivante, mutante, plus ou moins pure. Vivante donc insaisissable. »

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Thimar

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