Le Punk : 30 ans et toujours sur la crête

- temps de lecture approximatif de 17 minutes 17 min - Modifié le 30/06/2016 par La COGIP

Il paraît difficile de souhaiter l'anniversaire d'un mouvement musical lorsqu'on ne sait pas bien quand il est né. D'autant que la plupart des protagonistes de la scène musicale d'alors revendiquent sa paternité. Pourtant en 1976 sort le premier album des Ramones aux Etats Unis et le premier 45 tours des Sex Pistols, groupe emblématique du mouvement en Grande Bretagne. A partir de là on peut parler d'explosion punk : ce premier disque va être le catalyseur de tous les scandales, les censures, les émeutes qu'a pu connaître le Royaume Uni à la fin des années 70.

Les raisons de la colère
Mouvement contestataire par excellence, le phénomène punk résulte de plusieurs facteurs artistiques, économiques et sociaux. S’inscrivant dans une période de crise économique profonde le mouvement punk revendique une appartenance au sous-prolétariat, aux laissés pour compte de la société. Le mouvement punk est né aussi d’une crise des valeurs, le mouvement hippie n’ayant pas tenu ses promesses en terme de révolution des moeurs.
L’amateurisme musical, la débrouillardise et le scandale vont être les nouveaux mots d’ordre du mouvement.

Un son brut
Musicalement le mouvement punk temoignera d’un rejet total de tout ce qui a pu exister jusqu’alors. Rejet de l’industrie du disque et des circuits conventionnels de distribution, le punk va surtout s’opposer catégoriquement à la conception musicale des années 70. Hurlements, gémissements, instruments malmenés, tempos accélérés et niveau sonore élevé vont caractériser ce phénomène musical, comme une réaction allergique à la “musique progressive” qui envahissait dangereusement les bacs de l’époque. C’est aussi le “droit de jouer et chanter faux” qui est revendiqué, pourvu qu’on ait quelque chose d’authentique à dire. Le faible niveau de compétences musicales nécessaire à cet art (dont le côté approximatif est un héritage du rock garage des années 60) va encourager des milliers de jeunes à former leur propre groupe sans complexe, tout de suite, voyant là une opportunité d’exprimer leur mécontentement.

D.I.Y. : La débrouillardise comme art de vivre
Le mouvement met par ailleurs en avant une philosophie DIY (do it yourself) : tout faire soi-même, se débrouiller avec ce que l’on a (pas), inventer un circuit alternatif pour faire atterrir son disque dans les bacs, récupérer des instruments tombés du camion, faire un marcel à partir d’un tee-shirt manches longues…
Les fanzines se multiplient. Bricolages journalistiques partisans dévoués à la cause punk, ils ont joué un rôle important dans la diffusion et le développement de la culture underground.

Les Sex Pistols, machine à scandales
Les Sex Pistols, de par leur exposition cristallisent une grande partie des rumeurs et des scandales autour du punk.
Le fameux slogan “No future”, loin d’être pessimiste est en fait un message à destination de la monarchie britannique, cible privilégiée des Sex Pistols : pour eux elle n’a pas d’avenir.
L’histoire du groupe est pour le moins sulfureuse et le parfum de scandale entourant chacune de leurs apparitions est presque une marque de fabrique. Les concerts sont régulièrement le théâtre d’affrontements groupe/public, ou public/public ou encore groupe/groupe ! Très vite les salles de concerts refusent de les accueillir, les ruptures de contrat se succèdent.Crachats, vomi, bagarres, sueur et drogue, tel est le quotidien des Pistols. Injustement associés au National Front britannique, traînés dans la boue, ils se défendent de cette haine à leur encontre autant qu’ils l’entretiennent .

La presse britannique choquée par les Sex Pistols


A ECOUTER : 10 albums indispensables

 

Les précurseurs américains :


Stooges : Stooges (1969)
Peut être le premier album punk avec des hymnes destructeurs et nihilistes comme les fameux “1969”, “I wanna be your dog” et “No fun” que n’aurait certainement pas reniés Johnny Rotten. Iggy Pop, leader du groupe reste une icône du rock enragé.


New York Dolls : New York Dolls (1973)
Ce groupe mythique de la scène new-yorkaise préfigure, avec ce premier album les stigmates du punk : outrance vestimentaire, provocation, textes désespérés et hurlements de David Johansen font de cet album un modèle pour les jeunes punks britanniques.

La scène américaine…


Ramones : Ramones (1976)
Considéré à sa sortie comme un sacrilège par ses détracteurs l’album “The Ramones” avec son single “Blitzkrieg pop” reste pourtant un album punk par excellence : rapidité des morceaux, amateurisme, pauvreté musicale…



Richard Hell & the Voidoids : Blank génération (1977)
Pilier de la scène new-yorkaise, Richard Hell fait d’abord parti des groupes Television et des Heartbreakers de Johnny Thunders avant d’écrire ce brûlot punk, hymne d’une génération.



Johnny Thunders & the Heartbreakers : L.A.M.F. (1977)
L.A.M.F. est l’acronyme de ‘Like A Mother Fucker’, de quoi briser des coeurs ! Deux ex New York Dolls (Johnny Thunders et Jerry Nolan), un ex Television (Richard Hell)… Connu aussi pour son mixage approximatif, l’album n’a de raté que son parcours chaotique vers la reconnaissance.

 

 

 

…les références britanniques :


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Sex Pistols : Never mind the bollocks (1977)
12 titres en un peu plus de 38 minutes : c’est l’album qui résume à lui tout seul la musique punk. Avec les désormais célèbres “Anarchy in the U.K.”, “God save the queen” ou “Pretty vacant” cet album contient une telle rage et une telle énergie autodestructrice qu’il sera dès lors l’étalon pour tous les autres groupes punk.


Clash : London calling (1979)
Les Clash restent les détenteurs de la conscience politique du punk. Moins autodestructeurs que leurs concurrents, ils allient pamphlets rageurs et ouverture vers d’autres contrées musicales comme le reggae ou le rockabilly.


Buzzcocks : Singles going steady (1979)
Plus mélodique que ses aînés, ce groupe britannique va être le fer de lance du punk-pop à travers une multitude de singles regroupés dans cette compilation.

 

 

 

Et en France :



Métal Urbain : L’âge d’or
Grands frères de tous les punks de l’ Hexagone, les membres de Métal Urbain sont devenus mythiques dans le paysage rock français. Véritable créateur de la scène punk française, ce groupe parisien est aussi précurseur dans l’utilisation des machines.


 

Tout le punk… condensé

Compilation No Thanks ! coffret de 4 disques qui témoignent à travers une centaine de morceaux de toute la richesse du punk : tous les groupes sont là, tous les tubes aussi.

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A LIRE :



England’s dreaming : les Sex Pistols et le punk
présente l’histoire de l’ascension et du déclin du groupe des Sex Pistols et de la musique punk : les conditions sociales et culturelles qui ont permis l’émergence du punk anglais, les rapports entre les mouvements musicaux populaires et les mouvements artistiques d’avant-garde, et l’influence du genre sur la société anglaise dans son ensemble.



Nos années punk : 1972-1978 de Patrick Eudeline témoigne des pionniers du punk made in France avec des interviews des principaux acteurs : Asphalt Jungle, Stinky Toys, Métal Urbain…



Please kill me : Histoire du punk américain en 625 pages, “Please kill me” est le livre de référence sur la scène punk des années 70 outre Atlantique.



Génération extrême : 1975-1982 : du punk à la cold-wave
Cet ouvrage s’attache aussi bien au mouvement punk qu’à ses dérivés : cold wave, no wave, néo-romantique, gothique…

 

 


A VOIR :


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Punk Attitude (de Don Letts) retrace l’histoire du punk à travers le témoignage de ses acteurs les plus marquants et d’images d’archive inédites.


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Punk anthology : témoignage de la scène punk britannique à travers de nombreux extraits de concerts.


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L’obscenité et la fureur : documentaire sur la vie des Sex Pistols. Répétitions, concerts… Julien Temple aura suivi au quotidien le groupe pendant 3 ans.


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Westway to the world : Documentaire sur le groupe le plus éclectique de la scène punk : les Clash reviennent sur sept ans de carrière.


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D.O.A. (Dead On Arrival) :
Film qui fait référence, D.O.A. du réalisateur Lech Kowalski est consacré à l’unique tournée des Sex Pistols aux Etats-Unis en 1978. Mirroir de l’apothéose du groupe mais aussi de sa fin, cette tournée américaine connaitra le départ de Johnny Rotten du groupe, l’overdose de Sid Vicious et le meurtre de sa compagne…

 

L’explosion punk a été l’élément moteur d’un renouveau musical sans précédent dans la courte histoire du rock. D’innombrables musiciens se sont approprié ses valeurs, son énergie, l’ont réinterprété et ont ainsi fait naître de nouveaux courants. Sombre, arty, expérimental, métissé ou extrême, l’après punk est un laboratoire toujours plein de promesses. No Future ? Mais si :

Cold Wave

Ce mouvement est né au lendemain de l’explosion punk. La fête est finie, place à la mélancolie. La cold wave se caractérise par un tempo plus lent, une énergie contenue, toute en tension et en émotion. C’est le versant pessimiste de la New Wave, déjà relativement sombre.



Les paroles désabusées de Ian Curtis et la froideur de l’accompagnement (en partie synthétique) font de « Unknown pleasures » de Joy Division un parfait exemple du genre, poétique et torturé.
Joy Division : Unknown pleasures (1979)

 


 

Les albums de Colder sont plus que de simples hommages à la musique qui a nourri son auteur, le français Marc Nguyen. Ce projet au nom explicite nous fait voyager dans la cold wave des années 80 tout en maintenant l’auditeur dans le présent : le son des machines nous glace et nous invite à nous dégeler, en dansant !
Colder : Again (2003)

 

Post-Punk

Le post punk n’est pas seulement l’après punk, mais aussi un genre à part entière ne représentant qu’une de ses évolutions. De nombreux groupes ont suivi une voie plus ‘arty’ et expérimentale, influencée tant par le punk que par le dub, le krautrock, la disco, le funk. C’est une musique riche, née de mutations inédites.



La posture radicale des très politisés Gang of Four place le groupe au-delà du punk. Loin des clichés, le groupe dénonce, expérimente, et joue avec les codes du rock’n’roll tout en gardant groove et énergie.
Gang of Four : A brief history of the twentieth century (1979-1983)



Les écossais de Franz Ferdinand opèrent la même fusion avec un rock engagé et dansant à base de mélodies imparables et de rythmiques fièvreuses.

Franz Ferdinand : Franz Ferdinand (2004)

 

 

No Wave

La No Wave est un mouvement né à New York. Un penchant bruitiste hérité du rock, un goût prononcé pour l’improvisation (influence du free jazz), et l’ouverture sur les musiques disco et funk, sont autant d’éléments constitutifs de cette vague. C’est plutôt une non-vague donc, dans le sens où ses acteurs rejettent les formes préconçues du rock. La texture sonore prime sur la mélodie, l’expérimentation est privilégiée. La No Wave est par nature insaisissable, ses artistes se sont démarqués du punk musicalement, mais en ont gardé la philosophie (amateurisme, anarchie…).



La compilation New York Noise offre un panorama relativement exhaustif de la scène new yorkaise pour la période 1978-1982 avec par exemple les guitares hurlantes de Glenn Branca, le funk-rock minimal d’ESG, le dub pervert de Material ou les expérimentations débraillées et tribales de Liquid Liquid.
Compilation : New York Noise (1978-82)


 

En 2003, The Rapture explose avec “Echoes” et leur rock dopé au disco, produit par le duo de producteurs en vogue DFA. Entre les rythmiques dansantes façon Talking Heads et la sensibilité mélodique de Television, les Rapture rendent hommage à leurs héros, et s’en affranchissent à la fois de belle manière.
The Rapture : Echoes (2003)

 

Ska(-punk)

Mélange de Rhythm & Blues, de Mento jamaïcain et de Calypso, le ska et son rythme bondissant donnera naissance au reggae… De nombreux groupes britanniques vont à la fin des années 70 réveiller cette musique en ajoutant à la formule déjà très dynamique la vigueur du punk.



Les Specials sont les chefs de file de ce renouveau (avec Madness, Selecter, etc…). Produit par Elvis Costello, leur premier album constitue la matrice du revival ska.
The Specials : The Specials (1979)

 


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Les Dead 60s, issus de Liverpool, nous proposent un assemblage nostalgique et stylé de punk, de dub et de ska.
The Dead 60s : The Dead 60s (2005)

 

 

 

Hardcore Punk

C’est une des variations les plus extrêmes du punk rock, il est joué plus vite, et plus fort ! Les Etats-Unis (et plus précisément la Californie et New York) voient naître ce mouvement, qui compte parmi ses groupes emblématiques les Dead Kennedys, Minor Threat ou encore Hüsker Dü…



“Fresh fruit for rotting vegetables” est le premier album des Dead Kennedys. La hargne dont ils font preuve vocalement et dans les textes n’a d’égal que la rapidité d’exécution de leurs morceaux. Les Dead Kennedys font peur à la droite puritaine américaine et gagnent ainsi le titre de « groupe le plus dangereux du monde », c’est dire !
The Dead Kennedys : Fresh fruit for rotting vegetables (1980)



Les Dillinger Escape Plan sont hardcore, voire même post-hardcore. Teintée de jazz, l’équation qu’ils proposent est complexe, mais ne devrait pas effrayer les oreilles curieuses.
Dillinger Escape Plan : Miss Machine (2004)

 

 

 

Punk et Néo-Punk


The Ramones est l’un des groupes les plus cités comme référence par les formations punk, toutes époques confondues. « End of the century », bien que datant de 1980 est déjà leur sixième album : groupe prolifique donc, mais aussi étonnamment régulier. On ne saurait leur reprocher d’utiliser à tous les coups leur formule punk-pop basique comme on ne reproche pas à la tarte aux pommes son goût de pomme. Ils font du punk. Produit par Phil Spector, cet album ne sort pas du lot mais possède comme à chaque livraison son wagon de tubes.
The Ramones : End of the century (1980)


Les californiens de Green Day eux aussi ont la formule. En bons représentants de la vague néo-punk, ils débarquent dans les charts presque 20 ans après leurs aînés et raflent la mise, aidés par MTV et des médias ayant depuis longtemps digéré la révolution punk. De quoi attrister les puristes… On peut difficilement trouver la révolte de Green Day crédible comparée à ce qui était en jeu en 1977 sur le terrain social. Ils n’ont pas la même importance dans l’histoire du rock, certes, mais on peut néanmoins les trouver sans faute au rayon punk.
Green Day : American idiot (2004)

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