Le Mondial en Afrique du Sud vu…de vos platines

- temps de lecture approximatif de 16 minutes 16 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Coupe du monde oblige, l’Afrique du Sud se retrouve sous les feux de la rampe cette année. Si le ballon rond va être à l’honneur il serait dommage de quitter le pays sans découvrir ses richesses culturelles et notamment musicales. Voici donc un panorama de ce qui ne faut pas rater sur vos platines. Entre musiques traditionnelles et rap, entre electro et world il y en a pour tous les goûts.


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La grande diversité des populations qui forme le peuple sud-africain et les brassages incessants qui ont eu lieu dans l’histoire du pays ont permis l’émergence d’une multitude de musiques, genres et de sous genres musicaux. Toujours en lien avec les musiques traditionnelles ancestrales (Chants Xhosa ou zoulou, arcs musicaux…), les musiques sud africaines s’enrichissent durant tout le XXème siècle de différentes couches successives. Petit à petit un genre musical naît de la fusion d’autres ou simplement de réminiscences de pratiques musicales anciennes dans une production plus actuelle.

Pour appréhender les différents genres actuels il faut connaître quelques genres plus anciens :

- Marabi ou jazz des townships créé dans les années 1920 est le premier jazz sud-africain cousin du jazz américain.

- Mbaqanga mélange de musiques traditionnelles (zoulou, sotho, xhosa…) de Marabi et de rhythm’n blues américain.

- Mbube : chœur d’hommes a capella. Chant composé et enregistré en 1939 par le compositeur Solomon Linda et popularisé sous différentes versions (The Lion Sleeps Tonight, Wimoweh). Ce genre va donner l’ Isicathamiya forme modernisée et plus douce.

- Kwela : musique de rue apparue dans les années 1940 et principalement jouée sur des petites flûtes métalliques (tin whistle).


§Les Stars de la World§

En France, les musiques sud-africaines ont débarqué subitement au milieu des années 1980 avec Johnny Clegg rockeur, “zoulou blanc” élevé dans le ghetto avec ses compatriotes noirs et fervent défenseur de la cause anti-Apartheid. Son album “This world child” en 1987 se vendra à 1 million d’exemplaire. La même année le chanteur américain Paul Simon enregistre un album “Graceland” entièrement dédié aux musiques sud-africaines qui remporta un succès considérable et se terminera par une tournée mondiale. Mais à cette époque là, la musique sud-africaine moderne a déjà un long et riche passé.

- Miriam Makeba est la plus importante ambassadrice de la musique sud-africaine

Née en 1932, elle commence sa carrière de chanteuse dans les chœurs de plusieurs groupes populaires comme les Manhattan Brothers avant d’être remarquée grâce à sa voix puissante et sincère. Après plusieurs succès nationaux, elle rencontre le saxophoniste Hugh Masekela avec qui elle s’exile aux Etats-Unis en 1959. Elle commence une carrière américaine, protégée d’Harry Bélafonte avec qui elle gagnera un Grammy Award en 1965 pour leur album “An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba”. En 1967 elle réenregistre un vieux tube “Pata pata” qui fera le tour du monde. Exilée une nouvelle fois des Etats Unis vers la Guinée au début des années 1970 elle profitera de ses années guinéennes pour enregistrer un disque aux couleurs mandingues.

En 1986 elle participe à la tournée Graceland de Paul Simon entourée de toutes les nouvelles stars des musiques sud africaines. Elle rentrera enfin dans son pays en 1990 à la demande de Nelson Mandela, et enregistre son dernier album studio “Homeland” en 2000.

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Mêlant différentes influences jazz, soul et hymnes traditionnels et munie d’une voix comparable à Ella Fitzgerald, elle expérimentera toutes les fusions possibles. Décédée en 2008 après plus de 50 ans de carrière elle restera la chanteuse sud-africaine par excellence.

Si vous avez aimé Miriam Makeba vous aimerez Letta Mbulu, chanteuse sud africaine, elle aussi exilée en 1965 aux Etats-Unis où elle travaille avec Cannonball Adderley, David Axelrod et Harry Belafonte. Un mélange de soul-music et de chant sud-africain très réussi, proche d’une Aretha Franklin.


- Formé en 1960 par Joseph Shabalala, Ladysmith Black Mambazo est un chœur d’hommes chantant à capella en zoulou et en anglais. Ils inventent l’Isiczthamiya, dérivé du chant Mbube. Ils connaissent le succès dans leur pays dès leur premier album “Amabutho” (1973), puis une carrière internationale à partir de 1981. Mais c’est l’enregistrement à Londres de l’album Graceland de Paul Simon qui va les propulser en haut de l’affiche.

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Ensemble ils composent le titre “Homeless” qui deviendra un énorme succès. Paul Simon produira trois albums du groupe à destination du marché américain : Shaka Zulu (1987), Journey of Dreams (1988) et Two Worlds, One Heart (1990).


Si vous avez aimé Ladysmith Black Mambazo vous aimerez :
Popular gospel choral and a-cappella from the townships of South Africa.


- Mahlathini & the Mahotella Queens formé en 1964 par Simon “Mahlathini” Nkabinde, chanteur à la voix rauque surnommé le lion de Soweto et le choeur féminin Mahotella Queens (d’abord quintet, il ne restera plus que un trio dans sa version internationale). Ils s’adjoignent au groupe instrumental Makgona Tsothle Band, inventeur du style Mbaqanga. Pendant 30 ans ils connaîtront un énorme succès d’abord national puis à partir de 1983 dans le reste du monde grâce aux albums “Thokozile” (1987) et “Paris -Soweto”. Le style de chant à respons (entre Mahlathini et les Mahotella) et la musique entraînante du Mbaqanga les rendront très populaires.
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Après la mort de Mahlathini en 1999 les Mahotella Queens continuent à enregistrer toutes seules et notamment le très remarqué “Kazet” (2006) sur lequel elles réenregistrent une partie de leurs anciens tubes.

Moins connus mais tout aussi intéressants :

- Dizu Plaatijies, multi instrumentiste et musicologue sud africain mélange ses compositions avec des instruments et des voix venus de différents pays d’Afrique (Zimbabwe, Mozambique, Congo…)

- Le groupe Freshlyground créé en 2002 au Cap autour de la chanteuse à la voix unique, Zolani Mahola incorpore dans une musique soul-pop des éléments de kwéla et de Mbaqanga.


Parallèlement à cette scène world, l’Afrique du Sud a aussi connu les mêmes révolutions musicales que l’Occident. Le jazz sud africain s’est développé presque simultanément au jazz New Orleans et a connu les mêmes évoulutions que le jazz occidental (voir notre article jazz et Afrique).
Quant au rock, il existe depuis longtemps une scène aussi importante qu’en Europe (voir South African Rock Encyclopedia) et dont certains des meilleurs représentants sont arrivés jusqu’à nos oreilles : de John Kongos dans les années 1960 au rock actuel des Parlotones du folk de Nibs Van der Spuy ou encore des psychédéliques BLK JKS.
Plus étonnant encore c’est dans les musiques actuelles dites urbaines (rap, electro, reggae…) que l’originalité et l’innovation sont les plus flagrantes : une manière encore d’inventer de nouveaux styles ou de faire progresser l’histoire musicale devenue commune.

§Le Reggae§

Le reggae est la première musique urbaine qui a séduit massivement les sud africains.

- Lucky Dube est, avec l’ivoirien Alpha Blondy, l’un des plus importants représentants du reggae en Afrique. D’abord chanteur de Mbaqanga, il se lance dans le reggae en 1984 pour dénoncer l’Apartheid.
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Avec une vingtaine d’albums en un peu plus de 20 ans, sa carrière prolifique se terminera tragiquement par son assassinat en 2007.

Souvent comparé à son idole jamaïcaine Peter Tosh, il distille un reggae aux paroles très engagées mais accompagné d’une musique digitale et commerciale pas toujours très appréciée chez nous. Pour autant il reste un des modèles du reggae et plus largement du rastafarisme en Afrique.

- En trois albums seulement, Zululand Reggae (1992) Mister Music (1997) et Call on me (2005), Ras Dumisani a su prouver que le reggae made in Africa avait de l’avenir. Adepte d’un reggae roots, fidèle aux valeurs rastafari il partage sa carrière entre Johannesburg, Paris, Londres et Kingston. Il enregistre d’ailleurs son dernier album Resistance (2008) au studio Tuff Gong (celui de Marley) avec des piliers du studio jamaïcain tel Leroy Wallace ou le DJ Al Pancho.

D’autres artistes sud-africains à suivre de près, ont choisis le reggae comme moyen d’expression. C’est le cas du groupe multi-racial Tidal waves ou du reggae dub futuriste de 340 ml dont l’album devrait sortir à l’automne.

§Le rap§

- En 2007 le label lyonnais Jarring Effects sort un triple album “A Jarring effects label selection of Cape Town beats”, panorama des musiques urbaines sud-africaine de la scène underground. Claque monumentale pour nos oreilles : les Sud africains n’ont rien à envier aux occidentaux en terme de rap underground, abstract hip hop ou electro breakée.
Le tryptique contient un CD composé par le DJ et producteur Sibot plutôt tourné vers l’abstract hip hop, un deuxième où DJ Fuck (alias Sibot) rencontre MC Totally Rad. Enfin le troisième CD est une sélection effectuée par Jarring effects de tous ceux qui vont compter dans la scène sud africaine ces prochaines années. On y croise les très prometteuses Godessa, rare formation rap féminine d’Afrique du Sud ainsi que Ben Sharpa. Pilier de la scène rap sud africaine depuis plus de dix ans, Ben Sharpa a plus que séduit le label lyonnais puisqu’il a signé l’album “B. Sharpa”, sorti chez nous l’année dernière. Un rap matiné de beats electro qui n’est pas sans rappeler les productions futuristes du label Big Dada.

A suivre de près les labels indés qui produisent ces artistes : Pioneer Unit et African Dope.


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- Tumi and the Volume groupe de rap formé en 2002 autour du MC et poète Tumi Molekane distille un rap positif et littéraire. Tumi, rappeur au flow imparable, s’accompagne d’un trio guitare, basse batterie généralement utilisé dans le rock. L’ensemble, proche des américains The Roots, redonne un coup de fouet à la scène rap internatinale. Leur troisième album “Pick a dream”, sorti cette année en France, confirme tout le bien qu’on pensait d’eux depuis la découverte de leur album éponyme de 2006.

Après une participation sur la B.O. De Tsotsi, le rappeur Pitch Black Afro commet “Split Endz” un album foutraque à la Outkast sorti en 2008. On attend avec impatience une sortie européenne.

Mais c’est encore le très prolifique Sibot qui forme, avec le rappeur Spoek Mathambo, le duo le plus délirant du pays. Playdoe produit un rap pour les dancefloors, auusi exigeant pour les oreilles que excitant pour les pieds. Leur rap retro-futuriste “Neolectro afrobotic ethnotechno” comme ils le qualifient sur leur Myspace est l’ultime découverte du web musical et l’album le plus attendu de ce côté là de la planète.


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§Le Kwaito§

Apparu au début des années 1990, le Kwaito est le premier genre musical post Apartheid. Venu des townships, il mêle le rap et la house-music à des rythmes locaux. Très populaire à l’époque et porteur aussi d’une certaine fierté puisqu’il va s’exporter jusqu’en Europe, le style kwaito est maintenant moins en vogue. Il a surtout permis de donner beaucoup de fraîcheur au moment où le pays se réconcilier.

- Brenda Fassie chanteuse de bubble-gum (désignation sud africaine pour le mélange de pop et de musique nationale) a relancé sa carrière grâce au genre et est devenue l’une de ses interprètes la plus célèbre. A écouter en priorité ses tubes “Too Late for Mama”, “Thola Amadlozi” et surtout “Vul’indlela”.

Deux disques pour vous familiariser avec le style :

- “Kwaito – South African hip hop” où on retrouve les spécialistes du genre comme Brenda Fassie, Arthur Mafokate ou Bongo Maffin.

- “Mon nom est Tsotsi” bande originale du film composée en majorité par Zola spécialiste Kwaito.



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En marge du Kwaito une scène electro s’est constituée. Supprimant les bling-bling des rappeurs, elle évolue du côté de la deep house.

Deux de ses représentants sont à surveiller particulièrement Culoe de Song et DJ Mujava.

Les festivals autour de nous profitent aussi de l’aubaine de la coupe du monde pour programmer des artistes sud -africains. Alors allez les voir sur scène :

- actuellement à la Villette

- En juin à Toulouse lors du festival Rio Loco

- Enfin Jazz à Vienne consacre aussi une soirée hommage à Mama Africa.

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