A redécouvrir

Heinz HOLLIGER : Scardanelli-Zyklus (1993-…)

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - Modifié le 21/11/2020 par GLITCH

Il y a des œuvres devant lesquelles le commentaire s'approche prudemment, sur la pointe des mots, tant elle semblent défier la description, ou la comparaison. Le cycle Scardanelli-Zyklus du compositeur Heinz Holliger pourrait être de celles-là.

 

D’une part parce que Scardanelli-Zyklus n’est pas une oeuvre achevée. Sa forme n’est pas fixée, plusieurs des pièces qui la composent sont en cours de réécriture. Leur liste n’est pas exhaustive, et elles peuvent s’exécuter indépendamment les unes des autres, dans un ordre indéfini… L’enregistrement signalé ici est donc une possibilité de l’oeuvre parmi d’autres.

D’autre part parce que l’oeuvre semble flotter dans une esthétique du retrait, comme une cérémonie suspendue. Elle se joue dans un évidement du matériau, dont l’intensité poétique partage l’écoute entre ravissement et obscurité.

Scardanelli-Zyklus, pour choeur, petit orchestre, flûte seule et bande, comporte pourtant un noyau inamovible, tiré des poèmes ultimes de Friedrich Hölderlin (1770-1843). Textes d’un poète retiré de la raison, niché jusqu’à sa mort dans une tour à la campagne. Sous le pseudonyme de Scardanelli -signé au bas de poèmes datés de façon fantaisiste, il scande les saisons dans une langue transparente, d’une simplicité énigmatique.

De ces « poèmes de la folie », Holliger a extrait trois Printemps, Eté , Automne et Hiver. Ces textes forment les 12 chevilles poétiques du cycle. Soit trois années enchevêtrées, autour desquelles se nouent des « commentaires, miroirs, répliques et notes » instrumentaux.

A ces textes qui disent l’éternité de la ronde des saisons, comme autant d’états de perfection de la Nature, fait écho une partition sidérante, d’une rigoureuse simplicité. De matériaux élémentaires (canons, accords parfaits…), Holliger crée une musique quasi immobile. Comme une litanie hors du temps, d’une beauté nouvelle, presque terrifiante. Musique qui semble adossée au silence, à l’effacement. Musique qui répond aux mots d’un autre poète, Paul Celan, si cher au compositeur : « Parle – Mais ne sépare le non du oui »

Voir au catalogue de la Bibliothèque municipale de Lyon

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