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Andrea GABRIELI : Psalmi Davidici (2001)

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - Modifié le 07/02/2024 par GLITCH

Moins connu que son illustre neveu Giovanni, Andrea Gabrieli (ca 1532-1586) n'en fut pas moins une cheville éminente de la transition musicale entre la Renaissance et l'âge baroque.

Gabrieli est nommé premier organiste à Saint-Marc de Venise en 1584. Les polyphonistes flamands régnent alors sur le monde de la musique italienne (comme à peu près partout en Europe). Les compositions de cette école, en particulier dans le domaine sacré, privilégient une polyphonie assez dense, presque exclusivement vocale. Le texte y est souvent « éclaté » dans les différentes lignes de chant, et étalé dans de longues vocalises qui rappellent l’art mélismatique du Moyen-Age.

Parvenu vers la fin de sa vie, et selon ses propres termes « au faîte de [s]a force créatrice », Gabrieli décide de mettre en musique 7 poèmes tirés des Psaumes de David. C’est pour lui un véritable défi dans la mesure où, des nombreux musiciens qui tentèrent l’affaire, « aucun ne parvint selon [lui] à imiter par l’harmonie des voix le caractère pieux et dévôt donné par le prophète ». Il souhaite « composer des psaumes traduisant les émotions du pénitent en utilisant des voix et des instruments, ensemble et indépendamment ».

Suivant les exigences du Concile de Trente, le brouillard polyphonique du style flamand doit s’éclaircir. Il faut laisser place nette au texte sacré, afin de le rendre plus accessible aux fidèles.
Clarté et expressivité seront les maîtres mots de la fin de l’évolution musicale de Gabrieli. Les « Psalmi Davidici », publiés en 1583, en sont l’exemple le plus abouti. Ils constituent « un des sommets de la fin de la Renaissance » selon Paul van Nevel qui dirige ce superbe enregistrement.

Sans recourir aux colorismes et autres effets par trop « profanes » du madrigal, il resserre les lignes de la musique. Il épure l’harmonie en faisant se suivre plus étroitement le texte et la musique. Comme d’usage à Saint-Marc, le chœur est fréquemment divisé afin de produire des effets de réponse ou de halo.
Enfin, une des évolutions majeures qu’introduit Gabrieli est l’étoffement de l’effectif instrumental. A l’orgue, seul instrument toléré pour la musique sacrée, il substitue un petit orchestre de cordes et vents, soutenus par un clavecin.

Le résultat est magnifique. De la désolation à l’allégresse, de la contrition à l’espoir, le chemin du pénitent s’éclaire à travers d’amples courbes mélodiques, à l’incarnation rehaussée par l’éclat des cuivres. Le chant n’est pas seulement céleste, il s’ouvre à des nuances dramatiques poignantes, qui mettent en écho la condition du pécheur et la plénitude du ciel qu’il implore. Imperceptiblement, une forme de théâtralisation de la musique autour du texte chanté indique une voie nouvelle pour la musique italienne et par-delà, le monde baroque à venir.

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