« A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »

[*Dj Shadow “Endtroducing“*]

“Entroducing” est considéré comme l’un des albums phares des 90s et comme le disque emblématique de l’abstract hip hop, genre à la croisée des musiques électroniques et du hip hop. Pourtant, pas une note de musique de cet album n’a été composée ou jouée. “Endtroducing” est en effet le premier album entièrement et uniquement composé de samples dénichés par le dj dans des vinyles rap, jazz, funk, rock psyché, dans les bandes originales ou les dialogues de films. Armé d’un seul et unique sampler (un Akai MPC60 MKII), le dj virtuose s’était imposé la contrainte de n’utiliser que des œuvres déjà enregistrées sans les modifier ou comment créer une œuvre originale à partir de morceaux d’autres : “Endtroducing“, le 1er disque écolo basé sur le recyclage ?

Les samples de “Endtroducing”

Pour une liste (non exhaustive) des samples utilisés dans “Endtroducing”, cliquez sur le sampler !

[*Angil “Oulipo saliva“*]

Sur le modèle de l’OUvroir de LIttérature Potentielle (Oulipo), inventeur du lipogramme (texte rédigé dans lequel une lettre est interdite comme le e dans “La disparition“ de Georges Perec), le compositeur ligérien Mickaël Mottet décide de s’imposer des contraintes à l’heure d’écrire et de composer son deuxième album. Hommage à Pérec, il décide d’exclure la lettre e de ses textes et, comme cela serait trop simple, il décide également de se “passer” de la note Mi (écrite E en anglais).

[*Einsturzende Neubauten “The jewels“*]

Compilation de titres offerts aux fans sur leur site web, “The jewels” a été composé par le groupe selon 3 contraintes : les paroles doivent être basées sur des rêves et les compositions dictées par un système de 600 cartes inventé par Blixa Bargeld et appelé DAVE. Enfin, chaque titre doit être écrit et composé en 1 jour maximum.

Sur chacune des cartes du jeu DAVE, est écrit un mot plus (“cri”, “cymbale”…) ou moins (“totalitaire”, “vibromasseur”…) explicite. Pour chaque titre, chacun des musiciens a tiré 3 cartes qui ont servi de fil conducteur pour la composition. Ce système permet à la fois d’associer contraintes (qui permettent de sortir d’une certaine routine artistique), expérimentation et improvisation (par le biais de l’interprétation de la contrainte).

[*Bowie “Low“*]

Premier album de la trilogie berlinoise (suivront “Heroes” et “Lodger“) où Bowie a décidé de se ressourcer après les excès de sa période américaine, “Low” marque un tournant dans la carrière du chanteur anglais qui choisit ici la voie de l’expérimentation et du minimalisme aussi bien pour les textes que pour la musique.

Inspiré par Burroughs, il applique à ses textes la technique du cut up : ceux-ci sont découpés et réassemblés de façon aléatoire. Sur la musique, le producteur de “Low“, Brian Eno (ex-Roxy Music), met en pratique sa théorie dite des “stratégies obliques”.

Pensée en 1975 avec l’artiste Peter Schmidt, cette théorie prend la forme d’un jeu de cartes (encore un) qui dans des situations de blocage créatif peuvent fournir des indications désinhibantes même si parfaitement énigmatiques (“pense à la radio”, “plus petit dénominateur commun”, “sois sale”…). Ainsi, chaque musicien qui devait exécuter un segment de chanson recevait une carte au hasard sur laquelle il lui était dit comment il devait jouer.

Si vous souhaitez découvrir toutes les stratégies obliques, vous pouvez visiter ce site.

[*Compilation “45 seconds”*]

Contrainte peut être la plus basique mais pas forcément la plus évidente : la limite de temps qui est le concept même de cette compilation qui donne à chaque artiste sollicité (99 sur cette compilation) seulement 45 secondes pour faire découvrir son univers. Ainsi les bruitistes (O.S.T., Joseph Nothing) cotoîent les fins mélodistes (Sybarite, Dada Munchamonkey, James Figurine), artistes historiques (Martin Rev, Silver Apples…) les compositeurs moins connus (dont le lyonnais Blue Baboon) pour un résultat bien loin de simples ébauches. Sur ce panorama du teaser musical se succèdent ainsi morceaux ludiques (Jeremy Dower, gasca), expérimentations (Dj Spooky), art du sample (RS-232), virtuosité du rythme (Eight Frozen Modules, Alter Echo & Dj Wicked), pièces mélancoliques (Fer Chloca, Adrien75)…

[*John Cage “Freeman etudes“*]

Les “Freeman etudes” de John Cage sont un cycle de pièces pour violon écrites de façon à supprimer toute marge d’interprétation pour le violoniste. La hauteur des notes est choisie au hasard en traçant des portées sur des cartes du ciel et toutes les caractéristiques imaginables de l’interprétation (durée, intensité, nuances pression de l’archet..) sont déterminées par des processus aléatoires. La partition a longtemps été réputée injouable (ce qui était d’ailleurs l’ambition de Cage lors de la composition), jusqu’à ce que Irvine Arditti l’enregistre.

[*MAIS….*] si l’artiste choisit parfois de s’imposer des contraintes lors de la composition, il choisit parfois d’en imposer aussi à ses auditeurs. Ainsi, le groupe de pop-rock psyché The Flaming Lips et de leur album “Zaireeka” est composé de 4 disques qui doivent être joués simultanément pour découvrir l’album souhaité par Flaming Lips…. encore faut-il l’équipement adéquat !