« Sans le latin, sans le latin… »

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Les catholiques fêtent en ce mois d'octobre les 50 ans du concile œcuménique Vatican II. Cette assemblée voulue par Jean XXIII, qui occupa évêques et cardinaux du monde entier de 1962 à 1965, modifia profondément le catholicisme. On l'associe généralement à l'abandon du latin dans la liturgie.

Vatican © Pixabay
Vatican © Pixabay

Sommaire

Une tempête dans un bénitier ?

La surprise à l’annonce d’un concile, et la promesse d’un « aggiornamento » (mise à jour) de l’Eglise par un pape dont on pensait qu’il la laisserait filer sur ses rails, fut considérable.
Cependant, dès son élection en octobre 1958 le nouveau pape avait exprimé son désir d’un mouvement d’ouverture de l’Eglise, pour l’unité des chrétiens et la réforme du catholicisme.
En effet, c’est en convoquant un concile que, depuis deux-mille ans, l’Eglise tente de surmonter les crises majeures auxquelles elle se trouve confrontée. Assemblée extraordinaire, cette institution d’abord convoquée par l’empereur jusqu’au Moyen-Age, puis par le pape, définit le dogme : Nicée au IVe siècle fixa le dogme de la Trinité (un seul Dieu en trois personnes), Ephèse au Ve, la virginité de Marie, au XIXe siècle, l’infaillibilité du pape…

1962 : Dans un contexte de guerre froide et après deux guerres mondiales, Jean XXIII décide de faire entendre la voix de l’Eglise catholique et exprime l’urgence historique de redire son « appartenance universelle » au monde.
C’est ainsi qu’à l’ouverture du Concile, le monde catholique découvre une assemblée multiculturelle, où l’importance des prélats asiatiques et orientaux saute aux yeux (les responsables religieux africains sont encore souvent des blancs), comme le montre ce DVD Vatican II , par Véronique BEAULIEU-MATHIVET, Ed. Voir & Dire.

Quelques références pour mesurer combien cet évènement fut, pour les catholiques, bien plus qu’une Tempête dans un bénitier, (Brassens, 1976).
Une brève et simple approche du sujet nous est donnée dans l’ouvrage Histoire des conciles, par Yves CHIRON, Ed Perrin : conciles provinciaux, conciles pléniers, conciles œcuméniques, c’est-à-dire ceux qui concernent « toute la terre ».

La bataille du Vatican 1959-1965, par Christine PEDOTTI, Ed. Plon, sorti au début de cette année, présente sous la forme d’un récit enlevé, documents du concile, travaux d’historiens, chroniques et journaux contemporains de l’événement, mémoires…

Plus exigeant, L’événement Vatican II, par John O’MALLEY, Ed. Lessius : « Des luttes fratricides aux inspirations spirituelles inédites et audacieuses, nous découvrons, surpris, peut-être, admiratifs, certainement, un autre visage d’Église. La grande force de ce livre réside dans la part belle faire aux hommes, à tous ceux qui, sous la lumière ou dans l’ombre, ont eu le courage et l’opiniâtreté de faire naître une Église pour notre temps. » (La Croix, 26 janvier 2012).


Les éditions La Procure ont constitué pour l’évènement un beau dossier des parutions récentes sur le sujet.

Le 25 octobre paraîtra un ouvrage de Philippe CHENAUX, Le Temps de Vatican II. Une introduction à l’histoire du concile, éd. Desclée de Brouwer, annoncé dans cet article du journal Le Monde.

Ne pas manquer ces documents de l’INA : Qu’est-ce qu’un concile œcuménique ? et Pourquoi un concile œcuménique ?

Vatican II dans le texte

Les travaux du concile ont donné lieu à la publication de 16 documents, dont les plus fondamentaux, au nombre de 4, sont appelés « constitutions », portant sur l’Eglise (« Lumen gentium »), la Révélation (« Dei Verbum »), la liturgie (« Sacrosanctum concilium »), l’Eglise dans le monde de ce temps (« Gaudium et spes »).Ces textes sont accessibles en ligne sur le site du Vatican.

Les éditions Médiaspaul ont, quant à elles, publié ces documents dans une édition de poche, Concile Vatican II : les documents, Ed. Médiaspaul

Par ailleurs, chez ce même éditeur, une collection, Vatican II pour tous, se propose d’éclairer certaines problématiques au travers des différents textes qui l’abordent, comme L’Eglise catholique et les autres croyants, par Michel Fédou : Nostra Aetate préconise une nouvelle attitude de l’Église vis-à-vis des autres croyants. Dignitatis Humanae formule le droit fondamental de la liberté religieuse. D’autres documents de Vatican II contiennent également des passages importants sur les religions, par exemple ce qui est « vrai et saint » dans les autres religions, en particulier Lumen Gentium, Gaudium et Spes et Ad Gentes. Le livre montre aussi quelle a été la postérité de l’enseignement conciliaire : sa réception dans la vie de l’Église, les débats théologiques auxquels il a donné lieu, les interventions des papes à propos du dialogue interreligieux et de la liberté religieuse.

Vatican II et la parole de Dieu, par Michel Quesnel, Christophe Boureux, Michel Fédou, Ed. DDB : la constitution Dei Verbum représente l’aboutissement de plusieurs mouvements : oecuménique, liturgique, patristique, exégétique. Elle resitue avec éclat la portée de la révélation chrétienne en lien avec le statut des Ecritures, en récusant tout fondamentalisme.

Dieu ne parle pas latin

Langue de la liturgie, le latin fut la langue du concile Vatican II, et, bien que commune, source de difficultés de communication, comme en témoignent certains documents d’époque. La question de la langue, langue de la liturgie, langue du texte sacré, est au coeur des travaux de ce concile.
L’un des acquis fondamentaux fut d’autoriser les catholiques à accéder directement à la lecture de la Bible, et non plus de se contenter de morceaux choisis, ce que les protestants pratiquaient déjà. Il fut également décidé de travailler à une traduction commune des textes saints.
A cet égard, la question de l’histoire des traductions de la Bible est un sujet passionnant qui ne saurait être résumé en quelques lignes. Et si la Septante, la Vulgate, la TOB, pour vous, c’est de l’hébreu, le site de l’Alliance Biblique Française vous proposera un panorama des versions disponibles actuellement.

Saint Jérôme au désert Bernardino PINTURICCHIO

Les éditions Bayard publient en ce mois d’octobre une très bonne introduction au Nouveau Testament,
Le Nouveau Testament commenté. Fondé sur la dernière traduction œcuménique de la Bible, la TOB , pour les intimes, ce commentaire, rédigé par des biblistes reconnus, est susceptible de fournir les clefs du contexte culturel de cet ensemble de textes aux lecteurs de ce XXIe siècle déchristianisé.

Après des siècles de missions, qu’il y eût un catholicisme non occidental fut tout de même une vraie découverte pour bien des catholiques. Allié à un nouveau rapport au judaïsme par le biais du texte sacré, et aux différents bouleversements géopolitiques des fin du XXe et début du XXIe siècle, cet intérêt pour l’inculturation de leur religion en d’autres contrées ne se dément pas (voir cette carte des religions dans le monde).
De nombreux documents paraissent sur ce sujet, comme Musulmans d’Europe, chrétiens d’Orient , par Jacques DEBS, Ed. Arte et Chrétiens d’Irak , par Layth ABDULAMIR, Ed. Zaradoc, pour ne citer qu’eux.

De l’air !

« Je veux ouvrir la fenêtre de l’Eglise, afin que nous puissions voir ce qui se passe dehors, et que le monde puisse voir ce qui se passe chez nous. » c’est ainsi que s’exprimait le pape lors de l’ouverture du concile en 1962.
50 ans plus tard, nombreux sont les chrétiens persuadés que le travail commencé par Vatican II n’a pas été porté à son terme.
Le Suisse Hans Küng, qui n’a pas perdu sa fougue depuis Vatican II (avec l’Allemand Joseph Ratzinger ils faisaient à l’époque figure de “révolutionnaires”) publie un ouvrage particulièrement critique, dans lequel il propose toute une série de remèdes, car le mal ne lui paraît pas (encore) mortel, pour « guérir » l’Église catholique : des réformes pour être plus fidèle l’Évangile, et non pour faire plaisir à l’esprit du temps.

Peut-on encore sauver l’Eglise ?, Ed. Seuil


Faut-il faire un Vatican III ?, se demande Christine PEDOTTI, Ed. Tallandier.
Le « programme » de ce concile qu’elle appelle de ses vœux serait essentiellement consacré à la gouvernance, à la collégialité, au rôle respectif des clercs et des laïcs ainsi qu’à des questions relatives à la sexualité, à la fécondité et au mariage… Pour réaliser cet objectif, elle envisage de nouvelles perspectives, par exemple celle de conciles (ou pré-conciles) régionaux ou continentaux, moins risqués au niveau des enjeux de pouvoir, moins lourds à mettre en œuvre, plus proches de la diversité des situations. Mais en attendant, le schisme silencieux de tous ces chrétiens qui quittent l’Eglise sur la pointe des pieds ou se réfugient dans des mini-communautés à leur mesure continue…

A signaler encore, deux revues, Vatican II : histoire et actualité d’un concile, Hors série de la revue Etudes, et
Vatican II, 50 ans après, n° 371 de juillet-septembre de la revue La Pensée.

Après les fenêtres, les portes ?

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