Une Fabrique de l'innovation : lumière sur les Lumière, l'invention et l'innovation permanente

- temps de lecture approximatif de 22 minutes 22 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

DOC120413-0001-2e2b1.jpg
DOC120413-0001-2e2b1.jpg

La Bibliothèque municipale de Lyon programme du 5 novembre 2013 au 1er mars 2014 une série d’évènements qui parlent des révolutions industrielles en Rhône-Alpes à travers les domaines des pôles de compétitivité : le textile (Techtera), la chimie (Axelera), la plasturgie (Plastipolis), l’automobile et les transports (Lyon Urban Trucks and Bus), les biotechnologies (Lyonbiopôle), et l’image-cinéma (Imaginove). Expositions et rencontres sont regroupées sous le label Une Fabrique de l’innovation.

Le 10 avril 1954, Auguste Lumière décède, en laissant un immense héritage culturel et scientifique constitué avec son frère Louis Lumière. Un patrimoine dont se réjouissent non seulement les lyonnais mais la France entière, et qui continue, un siècle après, à porter ses fruits. Du Cinématographe à la photographie en couleur et en relief en passant par la médecine et la biologie, les frères Lumière étaient des touche-à-tout aux talents inouïs.

JPEG - 27.9 ko
DOC120413-0001-001
B. Chardère, G. et M. Borgé

Outre le côté inventif, les frères Lumière étaient de respectables industriels lyonnais. Ils ont contribué d’une manière considérable à la croissance de l’économie régionale et nationale.

En 1993, la Société Lyonnaise des Inventeurs et Artistes Industriels lance le 1er Concours Lumière qui rend hommage aux frères Lumière. En 2013, la Société Lyonnaise des Inventeurs fête le 20ème concours et la mise en place du Salon Permanent des Inventions, premier salon virtuel. Cet événement invite à revisiter l’histoire de la carrière industrielle des frères Lumière, en faisant un détour par leurs innombrables inventions.

Multiples sont les secteurs industriels qui représentent la métropole lyonnaise dont le tissu économique intègre aussi bien le textile, la métallurgie, l’automobile que la chimie. Derrière ces productions, il y a des familles qui se sont constituées en dynasties industrielles, faisant évoluer leur maison au gré des mutations économiques et sociales dans un contexte régional et national. Avec les Lumière, c’est une autre facette de l’économie régionale qui s’impose. Les frères Lumière travaillent dans la branche de la chimie qui fabrique notamment des produits destinés à de nouveaux secteurs industriels : l’industrie photographique et la chimie pharmaceutique. Comme la construction automobile ou électrique, l’industrie photographique puis cinématographique participe à la Seconde Révolution industrielle qui diversifie et dynamise l’économie nationale.

Jeunes, alors qu’ils ne sont encore qu’élèves, les frères Lumière découvrent que l’invention technique non seulement transforme, mais enchante le monde moderne.



Sommaire

1. Les frères Lumière, respectables industriels lyonnais

- Les nouveaux secteurs industriels

- Géographie industrielle Lumière

2. L’invention et l’innovation permanente

- Nouveaux dispositifs
- L’œuvre médicale d’Auguste Lumière
- L’invention au service de la patrie

3. 1894/1993/2013 : La Société Lyonnaise des Inventeurs et le « Concours Lumière »

JPEG - 416.5 ko
Auguste et Louis Lumière
Collection Institut Lumière

21. Les frères Lumière, respectables industriels lyonnais2

Tout a commencé lorsqu’Antoine Lumière, photographe établi rue de la Barre, réalise que la pratique de la photographie s’ouvrira tôt ou tard aux non professionnels. Il s’intéresse ainsi à la fabrication de plaques photographiques dites « plaques sèches », permettant d’obtenir des surfaces sensibles stables dans le temps pouvant être conservées longtemps avant leur usage et ne nécessitant pas un développement immédiat après la prise de vue. Il tente ainsi d’appliquer la formule du chimiste belge Von Monkhoven, mais son enthousiasme vire à l’échec.

C’est à ce moment qu’intervient la seconde génération des Lumière

JPEG - 26 ko
Auguste et Louis Lumière
M. Faucheux

Auguste et Louis Lumière, fils aînés d’Antoine Lumière, brillants élèves de l’école technique et professionnelle de la Martinière reprennent alors les travaux de leur père. Auguste en partance au service militaire, c’est Louis, le cadet, qui améliore en 1881 la formule de Monkhoven, mettant au point une émulsion plus régulière et plus rapide, ne nécessitant pas de lavage et pouvant être produite facilement. C’est l’opportunité attendue par Antoine Lumière d’une aventure industrielle : ces plaques sèches au gélatino-bromure d’argent deviennent bientôt universellement connues sous le nom d'”étiquettes bleues”.

[actu]Les nouveaux secteurs industriels[actu]

  • La photochimie et les produits photographiques

Les débuts des Lumière ne sont pas évidents. La famille commence par la production des célèbres plaques « Etiquettes Bleues ». En 1882, Antoine loue le terrain d’une ancienne chapellerie à Monplaisir et fait construire une usine avec laboratoires, salles de séchage et salles de conditionnement. Au départ, la production était faite par les membres de la famille : Antoine et Auguste sont dans le studio du centre-ville, Louis, sa mère et ses sœurs s’occupent des émulsions à l’usine. Travaillant de 5 h à 23 h, ils ne parviennent à produire que 140 douzaines de plaques, leur chiffre d’affaires ne dépassent pas 630 francs, ce qui s’avère insuffisant pour couvrir les frais. Menacés encore une fois par la faillite, les deux frères prennent l’affaire de leur père en main, font appel à leurs relations de la Martinière, construisent machines et outils pour industrialiser la production et organisent la commercialisation.

En 1884, l’usine emploie déjà une douzaine de personnes -qui s’ajoutent à la main d’œuvre familiale- augmentant de la sorte la production à l’ordre de 110 000 douzaines de plaques par an. Les Lumière achètent alors de nouveaux terrains pour construire des ateliers supplémentaires. En 5 ans, le chiffre d’affaires passe de 294 525 francs (en 1886) à 1 253 399 francs (en 1891).
Le 2 mai 1892 est déposé l’acte qui transforme la société en nom collectif Antoine Lumière et ses fils en Société anonyme des plaques et papiers photographiques Antoine Lumière et ses fils, au capital de 3 millions de francs. Antoine en est président, Auguste et Louis Lumière sont administrateurs-directeurs. L’entreprise compte un effectif de 190 personnes. Le 19 avril 1883, Louis Lumière prend un brevet pour un système d’emballage en fer-blanc des plaques photographiques. Pour l’usine, il invente et fait fabriquer des machines pour nettoyer et couper le verre, couler les émulsions… Les opérations de rénovations et de mise au point technique jouent un très grand rôle dans la qualité du produit fini. Une émulsion encore plus rapide, d’une grande régularité de qualité et sans émancipation pour les ouvriers à la fabrication est mise au point, ce qui améliore le produit en « Etiquettes Bleues ultra-rapides ».

JPEG - 192.5 ko
Etiquettes-Bleues Extra-Rapide
Collection Borgé

Dès 1892, les Lumière intègrent la papeterie à leurs activités en fabriquant à l’usine de Charavines dans le Dauphiné, des papiers très purs avec des pâtes spéciales. Compte tenu de la nature des émulsions, de leurs caractéristiques sensitométriques (contraste, rapidité …), de la nature du support, de l’aspect de la surface et du format, il existe, dans le magasin où ils sont stockés, environ 2800 casiers contenant chacun un papier dont les caractéristiques diffèrent de celles du papier voisin.
L’activité s’étend sur tous les domaines de l’industrie photographique : plaques, films et papiers noirs et couleurs, films radiographiques et cinématographiques, produits photochimiques, appareils photographiques. C’est la troisième société qui domine le milieu de la chimie lyonnaise, après la Société chimique des Usines du Rhône et Poulenc Frères et la Société Progil des Gillet.

  • La chimie-pharmaceutique

« En quelques semaines, il avait trouvé la clef du phénomène et établi les lois des développateurs (…). Auguste Lumière a pu appliquer les mêmes directives aux études pharmacodynamiques et il a obtenu, ainsi, des résultats remarquables sur lesquels il a fondé une nouvelle et importante industrie. »
En 1925, Auguste et Louis Lumière se retirent de l’entreprise qui passe sous la direction d’Henri Lumière, fils d’Auguste. La collaboration de ce dernier avec les médecins durant la guerre lui vaut un poste dans l’Académie de Médecine à Paris. Il déploie dans le domaine une activité très intense, effectuant ainsi des recherches et des avancées sur le cancer, la tuberculose etc.

JPEG - 7.8 ko
Mes Travaux et mes Jours
par Auguste Lumière

Comme le note Auguste Lumière dans son ouvrage Mes Travaux et mes Jours : « Ce sont ces considérations [Ndlr : sur l’importance de la méthode expérimentale], en même temps que la réussite de nos travaux de chimie photographique ayant abouti à la découverte des lois des développateurs, qui nous ont engagé à poursuivre des investigations dans le domaine de la pharmacodynamie, d’autant plus que ces travaux nous conduisaient sur le terrain des problèmes biologiques que nous avions toujours le plus grand désir d’explorer. »

Les Laboratoires Lumière, créés déjà en 1902 à Monplaisir, comptent 200 ouvriers. Ces laboratoires, dit Marcel Pacaut dans son article L’Industrie des Produits Pharmaceutiques à Lyon, peuvent être rangés parmi les fabricants de matières premières pharmaceutiques, comme parmi ceux des spécialités. Les produits les plus connus, vendus un peu partout, sont la Cryogénine, l’hyposulfite de magnésium (Engé-Lumière), les sels d’or et les sels d’argent, quelques produits opothérapiques…

Grâce à ses laboratoires, Lyon a le monopole de fait sur la fabrication de la Cryogénine avec 3 tonnes par an vendues en comprimés de 50 centigrammes.

Les sels d’or, l’un des meilleurs remèdes contre la tuberculose, sont vendus sous forme d’ampoules injectables fabriquées majoritairement à Lyon chez Lumière (60 % du total, 800 000 ampoules par an).
Des produits alcaloïdes sont aussi fabriqués à Lyon et donnent à cette ville la suprématie en France. La Société Anonyme des Produits Chimiques Spéciaux Brevets Lumière est la seule du Groupe Lumière qui valorise les découvertes pharmaceutiques d’Auguste Lumière et parvient à survivre à la rude concurrence.

[actu]Géographie Industrielle Lumière[actu]

En 1882, la Société Antoine Lumière et ses fils fait construire une usine sur un terrain d’un demi-hectare au 25, rue Saint-Victor (aujourd’hui rue du premier-film, quartier Monplaisir) et se transforme donc en 1892 en Société anonyme des plaques et papiers photographiques Antoine Lumière et ses fils en intégrant officiellement les deux frères à la direction.

JPEG - 146.4 ko
Groupe Monplaisir
Archives Municipales de Lyon
JPEG - 175 ko
Groupe Guillotière
Archives Municipales de Lyon

Voyant leur affaire prospérer grâce à l’« Etiquette Bleue ultra-rapide », le trio s’investit de plus en plus : ils implantent, en 1896, l’entreprise aux Etats-Unis en créant la Lumiere North American Company Limited (situé au 231 West Street) et dont la filiale est installée à Londres. La même année, ils font construire une usine de production de films au 287 cours Gambetta (Lyon) et prennent la majorité dans la Société des Produits Chimiques, à Fontaines-sur-Saône, pour y décentraliser les productions usuelles. Ils acquièrent aussi d’importantes participations chez des fournisseurs directs : les verreries de la Gare à Aniche, les papeteries Montgolfier à Annonay et Charavines.

JPEG - 15.6 ko
Lumière, Album de famille
Exposition des
Archives Municipales de Lyon

C’est la même année qu’Auguste Lumière transforme une guinguette (en face de la maison jumelle qu’il habite pour moitié avec Louis Lumière) en laboratoire de physiologie expérimentale et pharmacodynamie avant d’en installer un autre, en 1897, à l’Hôtel de Chalet, vers l’usine de Monplaisir.

En 1901, la North American Company crée une usine de surfaces sensibles à Burlington (Vermont). Et en 1910, Auguste Lumière inaugure de nouveaux laboratoires de recherches scientifiques de 5000 m² sous le nom de la Société Anonyme des Produits chimiques Spéciaux, et un dispensaire dans la rue Villon, 8ème arrondissement de Lyon.

Les Lumière engagent également une politique d’absorption des activités concurrentes ou complémentaires, et fusionnent en 1902 avec la Société des Pellicules de Victor Planchon qui devient la Société Anonyme des Pellicules françaises.
En 1907, ils achètent au sud de Lyon, à Feyzin, une usine qui va produire de l’éther nécessaire pour la préparation de la nitrocellulose. Quatre ans après, ils fusionnent avec la Société Jougla de Joinville et donnent naissance à l’Union Photographique Industrielle des Établissements Lumière et Jougla Réunis, dont le siège est à Paris.

« Les usines Lumière de Lyon emploient 550 personnes sur 37 000 m² environ, et sont divisées en plusieurs groupes. L’usine du cours Albert Thomas est équipée pour le conditionnement des produits photographiques émulsionnés sur support cellulosique à Feyzin qui parviennent à Lyon à l’état brut, c’est-à-dire sous forme de bobines (…). L’usine de la rue du Premier-Film est spécialisée dans la fabrication des papiers photographiques. Ce papier est fourni par la filiale Lumière installée dans l’Isère, la papeterie Montgolfier ».

JPEG - 26.1 ko
Les soins médicaux des ouvrières à l’usine
Collection Institut Lumière

Les frères Lumière inventent constamment et mettent au service de l’usine de nouvelles machines, de nouveaux procédés, des améliorations des conditions de travail pour les ouvriers et les ouvrières (de grande majorité de femme) : système de climatisation, portes coulissantes, services médicaux d’urgence, une assistance aux femmes enceintes et aux mères nourricières. En outre, Antoine Lumière crée pour chaque employé, un livret d’épargne qu’alimente gracieusement l’entreprise et dont chaque ouvrier ne peut disposer qu’en cas de départ volontaire. Il peut ainsi avancer : « mes ouvriers sont mieux traités dans mon usine que partout ailleurs. »

Les dynasties lyonnaises : des Morin-Pons aux Mérieux : du XIXe siècle à nos jours par Bernadette Angleraud et Catherine Pellissier.
Géographie industrielle de Lyon Tome 1 par Georges-Paul Menais.
Lyon, ville industrielle : essai d’une géographie urbaine des techniques et des entreprises par Michel Laferrère.

22. L’invention et l’innovation permanente2

Ingénieurs, industriels, physiciens, chimistes… les frères Lumière sont aussi et d’abord des inventeurs et des chercheurs. Ils « nous font entrer en plein pied dans la magie d’un monde industriel qui réinvente les choses. »

[actu]Nouveaux dispositifs[actu]

Au cours d’une nuit de mauvais sommeil et avec une surprenante facilité, Louis Lumière imagine le mécanisme du Cinématographe. Le 13 février 1895, les frères Lumière déposent un brevet pour un appareil servant à l’obtention et à la vision des épreuves chronophotographiques.

JPEG - 15.9 ko
Le Cinématographe Lumière
Collection Institut Lumière

C’est le tout premier appareil qui permet non seulement d’enregistrer mais surtout de projeter des images photographiques en mouvement, reproduisant de la sorte la vie réelle. L’image animée n’est plus observée de manière individuelle dans une visionneuse telle que le Kinetoscope d’Edison. Agrandie et magnifiée par un faisceau lumineux, Fiat Lux ! , elle se dessine désormais sur un écran, offrant l’expérience collective d’un

spectacle : la projection cinématographique.

JPEG - 29.4 ko
Photographie du portail de l’usine Lumière rue Saint-Victor, cadre du premier film Lumière, vers 1895
Collection Institut Lumière

Le 22 mars 1895 à Paris, dans un cadre privée, les frères Lumière réalisent la première projection de l’histoire du cinéma et montrent ce qui devient le mythique Premier Film : “La sortie de l’Usine Lumière à Lyon”. Cette projection commence par une image qui demeure fixe quelques secondes puis se met à bouger, marquant le passage du fixe vers le mouvement, de la photographie vers le cinéma. Sitôt, « Le portail de l’usine s’ouvre largement. Tout à coup, en un flot ininterrompu, déboule devant l’objectif une foule pressée, subitement aveuglée par le grand jour ». L’animation de l’image montrant en mouvement les gens marcher, courir, respirer… lui donne une âme. Ce procédé a produit l’effet le plus saisissant du XIXe siècle.

Le 28 décembre 1895, au salon indien du Grand Café à Paris, les frères Lumière réalisent la première projection publique payante de l’histoire du cinéma, en montrant un programme composé de 10 films, dont la sortie des ouvriers et ouvrières de leur usine de Monplaisir.

Malgré le succès mondial de leur invention, il n’est pas question pour les Lumière d’abandonner l’industrie, la recherche scientifique pour l’art cinématographique, ce que Louis résume dans une interview en 1913 : « Nous avons inventé un appareil (…). Nous sommes industriels (…), nous ne pouvions être tout à la fois ! (…) nous avons semé, d’autres récoltent. C’est la vie ! » Il ajoute plus tard : « de toutes les inventions, c’est celle-là qui m’a le moins coûté. » Car Louis, pendant que son frère Auguste se voue de son côté à la biologie médicale, consacre bien plus de temps et de peine à la photographie en couleurs.

En février 1891, le physicien Lippmann, avait communiqué à l’Académie des sciences une photographie en couleurs. Cette découverte fit sensation. Mais la technique Lippmann présente plusieurs difficultés et complexités à la réalisation. Dès lors, Louis se lance le défi d’apporter au grand public un moyen simple de faire des photographies en couleurs en créant les plaques Autochromes. « Louis Lumière travailla plusieurs années. Le brevet fut pris le 17 décembre 1903 sur un « procédé de photographie en couleurs ». Pour résumer en quelques phrases : à la surface d’une plaque de verre est disposée une couche trichrome d’éléments microscopiques transparents colorés en bleu, rouge et vert. Cette couche est recouverte d’une émulsion sensible noir et blanc panchromatique ». C’est ainsi que les Lumière commencent à industrialiser leurs produits. Le succès est immédiat grâce au caractère spontané de la restitution des couleurs. Ce procédé marque l’histoire de la photographie et, pour les amateurs, le problème de la couleur est enfin résolu. Il faut ajouter aussi que les photos prises par les Lumière sont d’un grand professionnalisme, comme en témoigne l’exposition en ligne Les Autochromes Lumière et les premiers autochromistes lyonnais.

Les frères Lumière étaient connus pour avoir l’esprit toujours novateur. Ils travaillaient toujours à apporter à chacune de leur invention des perfectionnements. Ainsi, le Cinématographe a eu droit à quelques innovations, en collaboration avec l’ingénieur Jules Carpentier qui avait été choisi pour sa fabrication en série. Le Cinématographe permet la prise de vues, le tirage des positifs et la projection de films de 17m : dès 1897 est proposé un modèle simplifié et plus abordable uniquement dédié à la projection, auquel un accessoire nommé défileur Carpentier-Lumière offre vers 1905 la possibilité de projeter des films jusqu’à 500m. Et en 1909 apparaît le Cinématolabe Carpentier-Lumière une caméra d’avant-garde, plus pratique, avec un magasin intérieur de 120 mètres.

En 1900, c’est la projection de photographies panoramiques qui est grandement améliorée avec le Photorama, merveille d’optique et de technicité, qui permet pour la première fois au monde la projection d’une image à 360°, image qui est elle-même réalisée en une seule prise de vue avec le Périphote dont l’objectif parcourt le tour d’horizon .

JPEG - 17.3 ko
Diaphragme acoustique
Collection Institut Lumière

Les frères Lumière ne s’intéressaient pas seulement aux dispositifs optiques. Louis étudie certaines questions se rattachant à l’acoustique. En tapant dans les plis d’un éventail en papier ouvert, il est frappé par le bruit que produit la percussion. En se basant sur cette méthode, il invente le tout premier haut-parleur à diaphragme.
« Après l’acoustique, l’optique : une application inédite de la géométrie dans l’espace allait aboutir (…) à la photostéréosynthèse », procédé donnant l’impression du relief en superposant six images positives avec des nettetés différentes ce qui « préfigure les modernes hologrammes ». Le résultat étant intransmissible sur une page web ou sur un livre, une visite à la Villa Lumière, qui montre un exemple des résultats, est conseillée. Voici le lien qui vous renvoie à l’Institut Lumière, pour un véritable voyage dans le temps.

[actu]L’œuvre médicale d’Auguste Lumière[actu]

Nous avons vu comment Auguste Lumière a pu se dégager de ses préoccupations industrielles et se consacrer à peu près exclusivement à l’expérimentation et à la recherche scientifique, et comment il a cherché à transporter, dans le domaine de la pharmacodynamie, le principe de la loi des développateurs. C’est dans ce domaine qu’il a vraiment donné toute la mesure de son génie inventif. Il a dressé une œuvre qui marque le point de départ d’une ère entièrement nouvelle. « Ces efforts ont abouti à la découverte d’un certain nombre de médicaments dont la haute valeur est aujourd’hui confirmée. Ce sont principalement, et pour ne citer que les plus importants : les persulfates alcalins (Persodine) employés par voie gastrique contre l’anorexie et, en injections, contre les contractions spasmodiques du tétanos ; le mercure phénol disulfonate de sodium (Hermophényl), produit antiseptique ne précipitant pas les albuminoïdes et antisyphilitiques, absorbable par injections intramusculaires ; les semicarbazides aromatiques, dont la Cryogénine est le type, antipyrétique-analgésique remarquable par son activité et son innocuité ; le tartrate borico-sodique (Borosodine), sédatif nervin très en faveur auprès des psychiatres ; les thiodérivés métalliques organiques, parmi lesquels l’argento-thiopropanolsulfonate de sodium (Cryptargol), seul médicament capable de réaliser une antisepsie intestinale effective, et le dérivé correspondant de l’or (Allochrysine), dont les effets dans la tuberculose et le rhumatisme chronique sont maintenant universellement reconnus et appréciés. L’Allochrysine permet d’utiliser les ressources immenses de la chrysothérapie par injections intra-musculaires. »

JPEG - 20.9 ko
Auguste Lumière dans sa clinique, rue Villon, vers 1940
Collection Institut Lumière

Tous ces travaux ont été accomplis sous la direction scientifique d’Auguste Lumière, dans ses laboratoires de Monplaisir, rares sinon les seuls en France, exclusivement dûs à l’initiative privée.

Auguste Lumière a consacré la majeure partie de ses travaux à l’étude de la tuberculose et mis au point le Piezogène Lumière, un nouvel appareil pratique, destiné à la réalisation du pneumothorax artificiel.

JPEG - 362.4 ko
Piezogène Lumière
Collection Institut Lumière

Il s’est intéressé également au cancer et il en a déduit que ce sont les cellules cicatricielles qui sont à l’origine du carcinome, les cicatrices d’étiologies différentes pouvant devenir cancéreuses.

[actu]L’invention au service de la patrie[actu]

Il serait erroné de ne voir dans les frères Lumière que des bourreaux de travail. Ils ont aussi hérité de leur père un tempérament généreux, animé d’un fort sentiment de patriotisme.

JPEG - 17 ko
Tulle Gras
Collection Institut Lumière
JPEG - 14.1 ko
Tulle Gras Lumière commercialisé jusqu’en 2005
Collection Institut Lumière

En 1914, l’industrie nationale est ébranlée par la guerre. Malgré les perturbations des usines, les Lumière persistent et consacrent la production aux plaques photographiques utilisées pour la radiographie et la photographie aérienne.

Auguste Lumière demande à faire partie du Service de Santé : il est nommé responsable du service radiographique de l’Hôtel-Dieu. Il propose aux Hospices Civils de faire développer les radios à Monplaisir, de les agrandir sur papier et de les livrer sans aucune contrepartie : de septembre 1914 à la fin de 1918, plus de 18 000 radiographies et 20 000 tirages sont ainsi effectués.
Il expérimente aussi le « tulle gras », invention Lumière vendue jusque vers 2005, dont les larges mailles enserrant une couche de gaze enrobée de vaseline n’adhèrent pas à la plaie et évitent largement les infections.

Toujours soucieux de l’état des blessés, les frères Lumière mettent au point une prothèse pince-main articulée, qui ne leur procure aucun bénéfice commercial : 5 000 pièces sont ainsi livrées gratuitement à destination des soldats mutilés. Ce chef d’œuvre de précision assure le serrage de l’objet saisi et son immobilisation, ce qui permet à ces hommes de recouvrir leur faculté de travail.

JPEG - 44 ko
Schéma représentant la pince-main articulée Lumière
Les Lumière, B. Chardère, G. et M. Borgé

En outre, ils inventent des dispositifs qui servent à la Défense nationale. Le plus connu est le réchauffeur catalytique destiné à réchauffer les nacelles des avions pour éviter la congélation de l’huile des moteurs tout en présentant une sécurité contre l’incendie. Cette invention répond parfaitement à la satisfaction de l’autorité militaire : 80 000 appareils seront vendus au prix de revient. Ce procédé est aussi utilisé de nos jours sous le nom de Thermix.

JPEG - 11.8 ko
Réchauffeur catalytique
Collection Institut Lumière

Louis Lumière travaille également pour la Défense nationale, il fait fabriquer à l’arsenal de Toulon les grands miroirs paraboliques des projecteurs pour la marine, met au point des écrans chromatiques pour protéger les yeux des radiations infrarouges.

[actu] ! N. B.[actu] : Certaines des inventions qui retracent « la vie laborieuse et féconde » des frères Lumière (Etiquettes bleues, Cinématographe, Autochromes, pince-main, réchauffeur catalytique, Tulle-gras, Piezogène, défileur Carpentier-Lumière, Diaphragme acoustique, …) seront présentées à la bibliothèque durant l’exposition Fabrique de l’Innovation (5 novembre 2013 – 15 mars 2014), avec d’autres objets et images recouvrant la carrière de ces deux inventeurs lyonnais.

Les Lumière par Bernard Chardère.
Les frères Lumière : l’aventure du cinéma : roman par Jacques Rittaud-Hutinet.
Auguste et Louis Lumière par Michel Faucheux.
Lumière, l’album de famille : exposition, Archives municipales de Lyon, Palais Saint-Jean, 26 octobre-19 décembre 1995

23. 1894/1993/2013 : La Société Lyonnaise des Inventeurs et le « Concours Lumière »2

Cette société fondée en 1894 et basée sur Lyon, au 17 place Bellecour, a pour but de : favoriser et propager les inventions, d’établir des relations entre ses membres inventeurs et les industriels ou financiers pouvant s’intéresser à leurs découvertes, d’organiser des expositions et concours d’invention avec remise de prix aux lauréats, d’organiser des conférences sur les sujets pouvant intéresser ses membres, et plus généralement, d’aider ses adhérents dans toutes les circonstances ou son action pourra s’exercer utilement.

Le 16 avril 1894, 14 innovateurs de la filière “textile”, se réunissent à la salle Chevalier située boulevard de la Croix Rousse pour préparer l’Exposition Commerciale de Lyon de 1894 organisée par la Chambre de Commerce de Lyon. Pour défendre leurs intérêts, ils décident à cette occasion de fonder le “Syndicat des inventeurs réunis de Lyon”.

En 1902, ce syndicat installe son siège à Lyon au 17, place Bellecour (pour plus d’un siècle) et prend en 1908, le nom de : “Société Lyonnaise des Inventeurs et Artistes Industriels” Le statut d’association selon la loi de 1901 est adopté. La Société Lyonnaise des Inventeurs se fait remarquer à l’Exposition Universelle de 1900 à Paris. Beaucoup de branches industrielles sont représentées dans ses stands : la mécanique, les moteurs, le cinéma, la photographie, l’aviation, les télécommunications, le textile, la chimie, la médecine, l’électricité… Parmi les membres illustres figure le nom des frères Lumière.

En 1994, à l’occasion de son centenaire, la Société Lyonnaise des Inventeurs, reprenant une idée exprimée dans les années 1930, lance le 1er Concours Lumière après avoir contractualisé en 1993, avec les 3 petits-fils de Louis Lumière et le journal Le Progrès.

En 2013, la Société Lyonnaise des Inventeurs innove en créant le 1er salon permanent des inventions. Actuellement, en raison des changements de modes de consommation et du commerce virtuel, les foires et les salons spécialisés dans la vente au grand public rencontrent de plus en plus de difficultés à survivre. Le salon du bricolage et des inventions de Lyon n‘échappe pas à la règle puisque l’organisateur partenaire a décidé de ne pas le reconduire pour 2013.

Alors, le conseil d’administration de l’association a décidé, en partenariat avec un éditeur de WebTV (Whilax) de lancer un « salon permanent et virtuel des inventions » sur lequel chaque inventeur participant pourrait disposer d’un ou de plusieurs stand(s) pour se présenter ainsi que ses inventions, dont il pourrait faire la promotion à travers des films ou des plaquettes publicitaires.

Le site, visible sur Internet 24H sur 24, est en ligne à compter du 1er février 2013.

Le conseil d’administration de l’association a décidé d’organiser le concours Lumière 2013 dans le cadre de ce salon virtuel. Le jury sera amené à se prononcer sur la base des informations déposées sur le salon virtuel : présentations, documents, vidéos…

Institut Lumière
La Société Lyonnaise des Inventeurs et Artistes Industriels
Le Salon Permanent des Inventions

Partager cet article

Poster un commentaire

One thought on “Une Fabrique de l'innovation : lumière sur les Lumière, l'invention et l'innovation permanente”

Comments are closed.