Un patrimoine de verdure et de pierre au cœur de Lyon : le parc Blandan

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Dans le 7e arrondissement de Lyon, il existe un lieu original et secret, entouré de murs, qui recèle de nombreuses constructions, des espaces arborés et un joli château à tourelles. Il s’agit de l’ancienne caserne Sergent-Blandan dite aussi Fort Lamothe que beaucoup aimeraient voir revivre sous la forme d’un parc urbain. Le 25 septembre 2008 s’est tenue la première réunion de concertation organisée par le Grand Lyon, avec les habitants et les associations pour l’aménagement de ce site qui pourrait devenir le 3e poumon vert entre les parcs de la Tête d’Or et de Gerland.

[*Le site aujourd’hui*]

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Château La Motte, parc Blandan
(Gabrielle Bisson)

Il couvre 17 hectares et comprend :
– Une cour d’honneur, une place d’armes
– Des espaces boisés, des terrains pour le sport
– Un patrimoine bâti important : environ 44 000 m2, une cinquantaine de constructions parmi lesquelles on distingue des fortifications de type Vauban, des douves, une poudrière et l’ancien bâtiment de casernement qui est l’un des plus longs ouvrages maçonnés d’Europe (230 m de long). Certaines de ces constructions sont en bon état, d’autres vétustes. Ainsi cet automne, des hangars menaçant de s’effondrer doivent-ils être démolis dans le cadre de la requalification du site.
– Un château médiéval, remanié à la Renaissance, le château de La Motte dont les façades et les toitures sont inscrites à l’inventaire complémentaire des Monuments historiques depuis le 4 novembre 1983. Malgré son état de délabrement, c’est le joyau du parc avec ses tours rondes et carrées, son donjon, sa belle cour d’honneur sur laquelle ouvre la porte d’entrée. Des travaux de sécurisation de 2 tours notamment ont été effectués ces dernières années grâce à une subvention de l’Etat.

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Grand bâtiment de casernement
(André Forest)

Le Grand Lyon a acheté tout cet ensemble à l’Armée qui souhaitait s’en séparer le 4 juillet 2007 et en a pris possession en juillet 2008. Depuis le départ des soldats, d’autres services ont occupé ou occupent encore certains bâtiments : la Police nationale, l’Université Lyon 2, le Crous, l’école d’infirmières… comme nous pouvons le lire dans Lyon citoyen de novembre 2006 et septembre 2007. Le site est classé en zone UL (loisirs) dans le cadre du Plan local d’urbanisme afin de créer un parc urbain végétalisé dévolu à la détente, aux sports et aux loisirs. Un état des lieux complet du patrimoine et l’établissement d’un programme d’aménagement marquent le point de départ du processus qui doit métamorphoser cet ensemble. Une étude archéologique du lieu, par les services de la Ville, vient d’être votée par les élus du 7e arrondissement (Le Progrès, 7 octobre 2008).
Comme preuve de l’intérêt suscité par ce site, il figure parmi les lieux privilégiés de la ville dans le dossier de candidature de

Lyon 2013, capitale européenne de la culture. La caserne devait devenir lieu de résidence d’artistes « pour des projets illustrant le rapport entre art, santé et nature » et le parc allait être investi tout au long de l’année 2013.

[*5 siècles d’histoire : du château au fort Lamothe*]

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Vue du château de la Motte
(BM Lyon, Coste 861)

Avant d’être un fort, il y eut d’abord un château. Edifié au Moyen-Age, sans doute au 15e siècle, sur le lieu-dit « la Grande Motte » à la Guillotière, au débouché de routes reliant Lyon aux Alpes, à l’Italie et à la vallée du Rhône. La Motte désignait une butte, peut-être artificielle, protégeant des inondations et assurant une grande visibilité et une meilleure défense. A cause de son importance stratégique, ce site a été occupé dès l’époque romaine, la voie antique Lyon-Vienne passant à proximité. En 1476, le Parlement de Grenoble (l’est du Rhône appartenait au Dauphiné) tint ses assises dans la maison forte de La Motte, propriété à ce moment-là du gentilhomme Jean de Villeneuve. Au fil des siècles, le château passa entre les mains de nombreux propriétaires. En 1666, l’un d’eux, président du Présidial de Valence signa du nom de seigneur de la Mothe, avec « th » au lieu de « tt », ce qui explique pourquoi on trouve plusieurs graphies. A la veille de la Révolution , il appartenait à une communauté de religieuses, celle du couvent de Sainte-Elisabeth des Deux-Amants. En 1791, il fut vendu comme bien national à un citoyen lyonnais.

Des hôtes illustres

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Marie de Médicis
, épouse de Henri IV
(BM Lyon, Coste 14438)

Au cours du temps, de par sa position privilégiée et parce qu’il possédait de nombreuses pièces de réception, le château accueillit des personnages illustres avant leur entrée à Lyon. Ainsi, en 1556, le neveu et légat du pape, le Cardinal Caraffa venu porter une épée bénite au roi Henri II. Mais c’est surtout au 17e siècle que notre château connut ses heures de gloire. En décembre 1600, arriva Marie de Médicis pour son mariage avec Henri IV. Elle logea à l’hôtel de la Couronne, puis alla « ouïr la messe à La Mothe et y dîna le 3 décembre 1600 ». Elle y reçut les hommages des autorités locales avant de faire son entrée solennelle à Lyon. En 1622, elle revint au château avec sa belle-fille Anne d’Autriche et Richelieu pour y attendre Louis XIII qui remontait du Languedoc. Un accueil grandiose attendait le roi et sa suite. On avait construit pour l’occasion dans le clos du château, un « palais et théâtre » où le souverain reçut les Corps constitués et assista au défilé de 8000 à 9000 hommes représentant les 36 pennonages de Lyon. En 1642, Gaston d’Orléans, frère du roi, vint loger à La Motte pour un évènement plus dramatique, l’exécution de Cinq Mars et De Thou sur la place des Terreaux. En 1662, des préparatifs furent organisés pour recevoir Louis XIV.

La caserne autour du château

Une nouvelle destinée attendait le château au 19e siècle lorsque le gouvernement de Louis-Philippe décida la construction d’un vaste système de fortifications concernant toute l’agglomération lyonnaise. Sur la rive gauche, 9 forts ou lunettes furent édifiés. Dans un article de référence paru dans la revue

Rive gauche en mars 1966, Georges Bazin écrit ceci : « Le domaine de la Mothe fut choisi pour la construction d’un fort et d’une caserne… Le fort La Mothe fut construit par le général Rohault de Fleury, du Génie, dans l’enceinte duquel fut englobé le vieux château. La construction du fort et de la caserne fut exécutée de 1831 à 1853 ». En 1864, la caserne de La Mothe était la 3ème de Lyon après la Part-Dieu et Serin. Elle pouvait loger 1193 hommes.
C’est le 12 octobre 1942 que le fort Lamothe prit le nom de caserne Sergent-Blandan, à l’occasion du centenaire de la mort héroïque en Algérie, à Béni-Méred, du sergent Blandan, en avril 1842. Une plaque commémorative fut apposée sur le fort. Une autre plaque sur le château rappelle le souvenir du général Campi qui sauva la vie de Napoléon 1er à Waterloo.

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Fort Lamothe, début 20e siècle
porte d’entrée et soldats

Parmi les régiments qui ont séjourné à la caserne Lamothe, le plus connu est sans doute le 99e régiment d’infanterie qui participa aux campagnes d’Algérie, d’Italie, du Mexique et plus tard à la guerre de 1914-1918 où il s’illustra par une série d’actes héroïques.
Après la Première Guerre mondiale, à l’initiative du ministre de la guerre, Maginot, une cité militaire fut édifiée ici regroupant 4 blocs d’habitations. Les militaires protégèrent le château. Il servit notamment de résidence au gouverneur militaire, de logement pour les officiers et sous-officiers. Le bureau de recrutement de la Légion étrangère s’y installa jusqu’en 1995. L’Armée quitta définitivement le château en 1999. La mécanisation de l’Armée, l’enclavement de la caserne dans la ville, dans un secteur très urbanisé, ont entraîné le départ des soldats.

Le sergent Blandan

Né à Lyon le 9 février 1819 dans l’actuelle rue Constantine, Jean-Pierre Blandan s’engagea dans l’Armée d’Afrique. Il participa à de nombreux combats en Algérie. En avril 1842, alors qu’il escortait le courrier entre Boufarik et Blida avec sa petite troupe d’une vingtaine de jeunes soldats, ils tombèrent dans une embuscade. Ils livrèrent un combat acharné et réussirent à contenir l’attaque de quelques 300 cavaliers. Le sergent Blandan bien que grièvement blessé encouragea ses hommes et se battit jusqu’au bout. Il mourut de ses blessures le 12 avril 1842 à l’âge de 23 ans. Son souvenir est perpétué non seulement à la caserne qui porte son nom mais aussi dans le 1er arrondissement de Lyon (une rue et une statue place Sathonay)

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Fort Lamothe, début 21e siècle
porte d’entrée
(G. Bisson)

Pour en savoir plus…

Le château de La Motte, par Raymond Curtet, in : Bulletin municipal : Lyon, 7 juillet 2008

Notice sur le château de La Mothe, par M. Cochard, Barret

Lyon : palais et édifices publics, par Louis Jacquemin, La Taillanderie, 1987
- Consacre un chapitre au château de la Motte

Le 99e régiment d’infanterie : le régiment de Lyon, par le général Roux, in :

Rive gauche, décembre 1978

Les forts de la rive gauche du Rhône à Lyon, par Raymond Curtet, in : Bulletin municipal : Lyon, 17 octobre 2005

La Défense de Lyon, Direction de travaux du Génie, 1986

Le sergent Blandan, par Jeris Castelbou in :

Bulletin – Société des amis de Lyon et de Guignol, 1 juillet 2008

[*Des associations et des habitants combatifs*]

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Panneau à l’entrée du fort

Pour mener à bien l’aménagement de la caserne Sergent-Blandan au riche passé historique, le Grand Lyon s’est engagé dans une démarche participative avec les habitants, les conseils de quartiers et les associations. Certaines d’entre elles luttent depuis longtemps pour la préservation du lieu.

- L’Association de défense du parc Blandan
Créée en 1997, elle a fêté ses 10 ans de mobilisation en novembre 2007. Elle milite depuis cette époque pour l’aménagement de la caserne en espace de verdure et de loisirs et non de béton. Depuis quelques années, elle anime aussi les Journées du patrimoine sur le site.

- « L’Association de la sauvegarde du château de la Motte » s’est consacrée plus spécialement au château ces dernières années.

- Des revues se sont également mobilisées. Ainsi Rive gauche a consacré au site plusieurs articles dont l’un en mars 1970 intitulé : « pour la défense du Château de la Motte ». La société Lyon rive gauche est intervenue en particulier en 1960 et 1969 pour la conservation du château menacé alors de disparition. La société “Sauvegarde et embellissement de Lyon” s’est aussi inquiété du sort du fort Lamothe, par exemple dans son

Bulletin de liaison de mai 1997. Il est possible de retrouver plusieurs articles sur la caserne Blandan ou le château La Motte dans la Base dossiers de presse Rhône-Alpes.

[*Le devenir des forts lyonnais : quelques exemples*]

Les défenses de Lyon : enceintes et fortifications, par François Dallemagne, Ed. lyonnaises d’art et d’histoire, 2006


-Découverte, à l’aide d’une riche illustration, des ouvrages défensifs de Lyon depuis les palissades gauloises jusqu’à l’édification de la 2ème ceinture fortifiée de Séré de Rivières. Témoins du passé militaire et de l’histoire de Lyon, ils constituent aujourd’hui un patrimoine riche mais fragile, à sauvegarder.

Parmi les forts réhabilités et reconvertis, on peut citer le majestueux fort Saint-Jean, à la vue imprenable au-dessus de la Saône. L’Armée a définitivement quitté le site en 1998. Réaménagé par le cabinet P. Vurpas, il abrite depuis 2003, l’Ecole nationale du Trésor. L’essentiel des bâtiments construits au début du 19e siècle, a été conservé et la magie du lieu préservée
Le fort de Vaise (1835-1853) qui surplombe aussi la Saône sur l’autre rive, s’est métamorphosé en un lieu d’expositions, de conférences et de séminaires. Les parties anciennes ont été préservées.
A la périphérie lyonnaise, il faut signaler par exemple le fort de Bron (1877) qui a fait l’objet de plusieurs restaurations. Propriété du Grand Lyon, il a conservé une bonne part de ses éléments les plus remarquables. Géré par une association, il est devenu lieu de promenade et d’exposition. Tous les 2 ans, se déroule la Biennale du fort de Bron, véritable rendez-vous de théâtre populaire.

La plupart des forts de la rive gauche du Rhône, à Lyon, ont disparu à l’occasion des grands travaux d’urbanisation comme les Brotteaux et la Part-Dieu. C’est pourquoi il importe de préserver ceux qui restent : le fort de Villeurbanne ou fort Montluc (1835) qui appartient maintenant au Ministère de l’Intérieur et qui vient d’être rénové, le fort de la Vitriolerie (1840-1846) toujours propriété de l’Armée…. Et le fort La Motte qui constitue le site le plus important.

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Château La Motte
(G. Bisson)

Historique de la caserne Sergent-Blandan Voir

Histoire du château Lamothe Voir

Biographie du sergent Blandan Voir

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