Ronde des fromages en Rhône-Alpes

- temps de lecture approximatif de 31 minutes 31 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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La France est le pays du fromage et Rhône-Alpes une digne représentante de cette tradition culinaire nationale. Région de montagnes, d’élevage de vaches et de chèvres, elle est le terreau d’une véritable cuisine de terroir, sublimée par la gastronomie locale. Elle offre toute une gamme de spécialités fromagères allant des bleus aux « gruyères », en passant par les « chèvres » et les fromages monastiques. Examinons de plus près cette farandole de fromages rhônalpins, d’AOC et d’AOP, et intéressons-nous à la fabrication de ce met, avant de sortir les recettes de cuisine… et les couverts.




Sommaire

1. Le bonheur est dans le pré… et la fruitière

- @ Ô troupeaux
- @ Au commencement était le lait
- @ Typologie des fromages

2. Stars régionales des plateaux de fromages

- @ Un chèvre à l’honneur : le picodon
- @ Saint-marcellin ou saint-félicien ?
- @ Allez les bleus !
- @ Concurrence aux sommets entre pâtes pressées
- @ Trésors de moines : tamié et chambarand
- @ Liste des spécialités fromagères régionales

3. Conseils aux gourmets et recettes

- @ AOC, AOP et labels
- @ De l’art de servir un fromage
- @ Quelques recettes inédites

21. Le bonheur est dans le pré… et la fruitière2

[actu]@ Ô troupeaux[actu]

Une trouvaille ou une erreur est bien souvent à l’origine d’une recette (papillotes, …) : c’est le cas du fromage. Il serait né en Mésopotamie à la suite d’une découverte fortuite, celle d’un berger nomade s’apercevant que le lait qu’il avait transporté, secoué et chauffé le long du trajet, s’était en partie solidifié. Dès lors, l’homme apprend à reproduire et contrôler ce phénomène pour fabriquer des fromages frais. Pendant l’Antiquité romaine, la chaîne des Alpes a bonne réputation, avec notamment la production du « vatusique » qui serait l’ancêtre du beaufort et se propage dans les plaines et vallées. Au Moyen-âge, ce sont les moines qui, durant des siècles, sont les véritables artisans du fromage, développant techniques et savoir-faire, mettant en valeur d’immenses prairies et alpages. En 1550, il existe déjà plus de 150 sortes de fromages mais il faut attendre le 19ème siècle pour que naisse l’« industrie fromagère ». Le développement des moyens de communication favorise le transport des marchandises et la pasteurisation permet la conservation du lait donc la fabrication du fromage à grande échelle et loin du lieu de production. La tradition fromagère de la France, reflet des pratiques artisanales ancestrales, est confortée par cette production qui préserve la diversité des recettes de terroir.

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Troupeau de chèvres
R. Mannent © Syndicat du Picodon

Produit issu de la terre, le fromage signe son appartenance à un terroir bien défini, en étant fortement lié aux pâturages qui l’ont vu naître, et aux troupeaux de vaches et chèvres qui s’y épanouissent. Particularité des prairies en altitude, comme celles des Alpes, les vaches vivent au rythme de la nature, qui impose les allers-retours à l’alpage : cette transhumance est le préalable à l’estive, période de l’année où les troupeaux paissent dans les hauteurs. De juin à septembre, ils avancent dans la montage en suivant la progression de l’herbage, des basses plaines aux alpages. Autrefois, toute une équipe les entoure : maître-berger et son second, « pachonnier » chargé des piquets, porte-bouille transportant le lait dans des bidons (« bouilles »). A chaque étape, les bergers, également fromagers, disposent d’un abri de bois pour vivre et fabriquer le fromage : c’est la transhumance verticale, la « remue ». Aujourd’hui, la plupart des paysans disposent de matériels mobiles pour effectuer la traite (deux fois par jour) et revenir au chalet préparer le fromage.

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Scène pastorale à Chamonix
Fonds cartes postales BmL

Le menu du bétail est un produit de saison : l’herbe, qui ne manque pas en été. En hiver, quand la neige recouvre les pâturages, il faut trouver une autre solution pour nourrir les bêtes, d’où l’importance de la fenaison pour le montagnard. Lorsque l’herbe est haute, le moindre carré d’herbe, même pentu, est fauché et le foin est conservé dans des granges et apporté aux bêtes quand l’herbe verte n’est plus accessible.

Le grand air, l’herbe fraîche, des hectares pour cheminer, … telles sont les conditions favorables à un élevage serein des troupeaux et donc à la production d’un lait de qualité.

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Col dArsine
Fonds cartes postale BmL

[actu]@ Au commencement était le lait[actu]

Liquide fabriqué par les glandes mammaires des mammifères, le lait n’est pas seulement utilisé par les petits mais également transformé en produits consommables. En Rhône-Alpes, les fromages sont confectionnés à partir du lait de chèvre ou de vache (et non de brebis), récupéré lors de la traite. Qu’il soit dans les hauteurs ou dans les vallées, l’éleveur vit au rythme de ses bêtes et des deux traites quotidiennes, séparées d’un intervalle de 12 heures. Si la première se déroule vers 5 heures du matin, la seconde doit se faire vers 17 heures. Autrefois, ces mêmes gestes répétés pouvaient prendre plusieurs heures pour l’ensemble du troupeau : tabouret (« bottacul ») accroché à la taille, front appuyé contre le ventre de l’animal, … Les trayeuses mobiles et électriques ont grandement facilité le travail des agriculteurs.

Prenons l’exemple de la vache, grosse productrice de lait, élevée dans tous les départements de Rhône-Alpes. Il en existe plusieurs espèces, aux robes les différenciant. Si la tarine, originaire de Tarentaise, est très répandue en Savoie, les alpages de Haute-Savoie sont surtout habités par les abondances, reconnaissable à ses « lunettes » de couleur autour des yeux. On trouve les villardes au nord du massif du Vercors et, comme partout en France, les montbéliardes, vaches à lait par excellence. Toutes ces races peuvent cohabiter au sein des troupeaux. Le pis de la vache comprend quatre glandes, donc quatre trayons, que l’éleveur désinfecte et manipule avec dextérité pour extraire le lait. En moyenne, une vache donne 10 litres de lait par jour et 10 l de lait permettent de fabriquer 1 kg de fromages. Un litre de lait de vache contient 87,5 % d’eau, 3,6 % de lipides, 4,6 % de glucides et 4,3 % de protéines mais aussi minéraux, phosphores et vitamines.

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Moulage
R. Mannent
© Syndicat du Picodon

A l’état naturel, le lait cru ne se conserve pas longtemps car les germes s’y développent très vite. Or, le développement de la consommation, de la production et du rendement laitier ont changé les habitudes ancestrales de confection du fromage au lait cru pour que le produit fini puisse se conserver. Deux solutions sont possibles : la pasteurisation, mise au point par Louis Pasteur, et la stérilisation. La pasteurisation consiste à chauffer un liquide alimentaire entre 72° et 85° C (donc sans le faire bouillir) afin de tuer les microbes sans détruire les vitamines. Le lait stérilisé UHT (Ultra Haute Température) est obtenu après chauffage à 140° C minimum durant quelques secondes seulement pour ne pas détériorer sa saveur et ses vitamines puis enfermé dans un emballage stérile.

L’éleveur, qui ne possède souvent que quelques têtes de bétail n’a pas toujours une production de lait suffisante pour fabriquer un fromage : il doit compter sur les autres paysans, dans le même cas que lui, pour lui apporter le complément nécessaire. Aux alentours du 13ème siècle, fleurissent ainsi les premières formes de coopératives laitières, les « fruitières » qui rendent possible le « partage du fruit ». Dans la montagne, tout un village, toute une vallée s’unit pour la collecte de lait. Rapidement, le système se perfectionne : installation dans des lieux réservés à la production fromagère, caves communes, …

La fabrication du fromage

Chaque fromage possède sa propre recette mais certaines étapes sont communes à nombre d’entre eux.

Le caillage consiste à faire coaguler les protéines du lait. En ajoutant de la présure ou des ferments lactiques, les protéines se solidifient pour former le « caillé » tandis que le « petit lait » reste liquide. Ce caillé sera plus ou moins chauffé pour former des fromages « à pâte cuite ou semi-cuite ». Il est séparé du petit lait et retiré du chaudron à l’aide d’un linge et disposé dans les moules qui vont donner sa forme au fromage. Certains fromages nécessitent un pressage qui soude les grains de caillé entre eux. Dès le démoulage, l’affinage commence par le salage dans un bain de saumure. Les fromages frais se consomment aussitôt. Pour les autres, l’affinage correspond au vieillissement en cave, de quelques semaines à plusieurs mois, tandis que le fromager est aux petits soins, les retournant, les brossant voire les lavant. Durant l’affinage, la pâte arrive à maturation et la croûte se forme.

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Démoulage
R. Mannent © Syndicat du Picodon

[actu]@ Typologie des fromages[actu]2

Avis aux consommateurs éclairés, on distingue 6 catégories de fromages :

- Fromages frais : issus du lait caillé (chèvre, brebis, vache), ils sont faits pour être rapidement consommés. Plus ou moins égouttés et mous, ils restent riches en eau, ce qui renforce leur caractère de fraîcheur et leur teinte blanche. A Lyon, le fromage blanc frais possède une variante bien connue, la « cervelle de canut », qui figure sur toutes les cartes des bouchons.

- Fromages à pâte molle : ils doivent leur nom au fait que leur pâte, non pressée, est tendre (exemple : arôme de Lyon). Elaboré à partir de lait cru ou pasteurisé, ils offrent deux variétés de croûte qui les distinguent.

Les uns présentent une croûte fleurie, du nom de la « fleur » qui se développe au cours de l’affinage. Ce duvet blanc, avec un affinage prolongé, donne une croûte dorée : brique du forez, saint-marcellin, tomme de Belley (également à croûte nue). Les autres ont leur croûte lavée et brossée au cours de l’affinage, ce qui oriente différemment la pigmentation : croûte lisse, rouge-orangée et odorante (mont d’or, chambarand).

- Fromages à pâte persillée : leur pâte molle est ensemencée de pénicillium et développe des moisissures internes, facilitées par le percement de la pâte à l’aide de longues aiguilles qui permet la circulation de l’air nécessaire au bleuissement. En Rhône-Alpes, il s’agit des bleus (Gex, Lavaldens, Vercors-Sassenage, Termignon), des persillés (Haute-Tarentaise, Aravis) et des fourmes (Montbrison).

- Fromages à pâte pressée : leur pâte offre une fermeté qui provient tout à la fois d’un caillage et d’un égouttage plus poussé (élimination du maximum de lactosérum) mais surtout de leur brassage et de leur pressage pour obtenir une teneur consistante et souple.

Certains fromages sont à pâte pressée non cuite : le caillé emprésuré n’est que légèrement chauffé ce qui lui conserve une humidité nécessaire à un affinage qui peut durer plusieurs mois : chambarand, tamié, chevrotin des Aravis, grataron du Beaufortain, reblochon, tomme de Savoie, tome des Bauges, tomme fermière de chèvre de Savoie, vacherins (d’Abondance, des Bauges).

D’autres sont à pâte pressée cuite (caillé fortement chauffé) pour un affinage long durant laquelle la fermentation favorise l’apparition de trous (importants dans l’emmental, moins dans le comté et pratiquement inexistants dans le beaufort). A l’instar des vins, ils sont dits « de garde ». L’affinage est long, en pièces de grande taille, énormes meules que l’on brosse, lave et retourne avec soin. La région Rhône-Alpes n’est pas en reste de fromages à pâte pressée cuite (beaufort, comté, emmental de Savoie), semi-cuite (abondance) et demi-cuite (thollon).

- Fromages de chèvre : ils sont à pâte molle, à croûte fleurie ou naturelle. Tendres ou dures suivant l’affinage, ils se diversifient en fonction des tailles et formes qui les relient à un terroir et une tradition : caillé doux de Saint-Félicien, charollais, picodon, rigotte de Condrieu.

- Fromages fondus : d’apparition récente (début 20ème siècle), ils sont élaborés à partir de plusieurs variétés de fromages (emmental, gruyère…) qui, écroutés, râpés, mélangés avec du beurre, du lait ou de la crème, parfois parfumés, donnent des produits présentés en portions, en lamelles, en cubes. Ils sont du ressort des produits industriels.

Comme le fait remarquer le fromager Bernard Mure-Ravaud, meilleur ouvrier de France et meilleur fromager international en 2007, le véritable amateur de fromages reste attaché à la fabrication authentique mais n’ignore pas que la grande majorité des fromages sont désormais fabriqués de manière industrielle. Celle-ci propose des produits différents : certains sont créés pour cette seule filière (bleu de Bresse, boursin, bonbel), d’autres sont des fromages de tradition fermière passés majoritairement à la fabrication industrielle mais conservant une qualité réelle. Aussi, une vraie fromagerie, comme celle des Alpages à Grenoble, fait le choix de ne mettre en valeur que ceux qu’elle trie sur le volet.

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Bernard Mure-Ravaud
B. Mure-Ravaud

Pour en savoir plus :

Les fromages du fromager de J. Serroy.

Bernard Mure-Ravaud fait part de son expérience et rappelle la noblesse de sa profession. Etre fromager, c’est en effet exercer un métier artisanal qui passe par l’implication dans le processus de fabrication et amène la connaissance approfondie du produit commercialisé. Le fromager sait être attentif et exigeant sur la qualité du lait fourni par les fermiers, gage d’arôme du fromage à concevoir ou affiner.

Les vaches et la fabrication du fromage de P. Roman.

Traditions, termes scientifiques illustrés, l’opus des Cahiers du Colporteur est un outil pédagogique intéressant et de contenu approprié pour tous les publics, y compris les enfants.

Fromages de montagne : la saveur est dans l’alpage de H. Armand.

Les fromages des Alpes du Nord : une culture de la montagne de L. Bérard.

Fromages des Alpes d’I. Espinasse.

Sur la piste des troupeaux.

22. Stars régionales des plateaux de fromages2

[actu]@ Un chèvre à l’honneur : le picodon[actu]

Rare fromage de chèvre ne portant pas un nom géographique, il n’en est pas moins un fromage aux doubles terroirs drômois et ardéchois dont l’AOC est restreinte à ces deux départements. Son nom vient de l’occitan (« picaoudou », « picaudou », « picaïdon », « picaudon ») et signifie « fromage qui pique » un « petit » (terminaison en « ou ») peu. Ce palet (5 à 7 cm de diamètre) au lait de chèvre doit tout au cheptel caprin des Préalpes et de la bordure ardéchoise du massif central, qui figure sur les étiquettes picodon AOC. Arborant une croûte fleurie virant du jaune au bleu, il est mis à l’honneur dans ses contrées d’origine lors des foires aux picodons, pour le plus grand plaisir des amateurs.

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Picodons
R. Mannent © Syndicat du Picodon

Le picodon, un fromage dans les étoiles, de C. Chastan.

L’ouvrage de référence sur le picodon : origine, histoire des bergers et de leurs troupeaux, fabrication, méthode « Dieulefit », démarche de l’AOC, terroirs, fêtes, souvenirs … et aventure dans l’espace. Le titre du livre fait référence à une anecdote de l’aviation spatiale. En 1996, le physicien Jean-Jacques Favier participe à une mission de la navette spatiale américaine Columbia, pour laquelle il emporte des picodons… qui sont autorisés à voler par la NASA.

- Syndicat du picodon (AOC)

[actu]@ Saint-marcellin ou saint-félicien ?[actu]

Si vous ne savez pas lequel est le meilleur, dans le doute, gouttez les deux !

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Félicien ou Marcellin ?

Le saint-marcellin, s’il voit le jour non loin de la forêt de Chambaran, n’a rien de religieux mais tire son nom de son fief d’origine, un petit village isérois d’où part le chemin de fer qui permet son expédition, à partir des années 1860. Auparavant, la légende dit que les bucherons du Vercors l’ont fait déguster au roi Louis XI, ce qui aurait contribué à conforter sa notoriété. Le petit palet au lait de vache (au lait de chèvre uniquement à l’origine) se déguste bien sec ou très affiné et crémeux (servi dans sa petite barquette ronde), simple question de goût. Chaque année, il est produit en plusieurs dizaines de millions d’unités, lors d’un processus de fabrication qui veille à respecter son esprit artisanal, et est commercialisé à 70 % en Rhône-Alpes et dans le Sud-Est.

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Saint-marcellin…
de la mère Richard

Ce fromage est proposé traditionnellement sur les cartes des bouchons, et, à Lyon, l’un d’entre eux fait office de référence, celui de Renée Richard. Cette fromagère devient célèbre grâce à un compliment de Paul Bocuse vantant ses produits, qui la baptise amicalement « Mère Richard », en hommage au savoir-faire traditionnel des femmes cuisinières. Le produit phare de cette fromagère est alors propulsé au sommet de l’art culinaire et devient un signe de reconnaissance, mis en avant par les restaurateurs.

La recette du saint-félicien est inventée, au début du 20ème siècle, par un crémier lyonnais qui a l’idée de mélanger ses litres de lait de vache invendus avec de la crème. La place saint-félicien, où était située son échoppe, donne le nom au nouveau fromage. Plus tard, en 1980, la fromagerie iséroise « l’Etoile du Vercors », fabricante du saint-marcellin, fait sienne cette recette et crée la renommée du fromage. Au final, le saint-félicien est une variante du saint-marcellin en plus gros, plus riche et plus crémeux.

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Saint-félicien
B. Mure-ravaud

[actu]@ Allez les bleus ![actu]

Les pâtes persillées rhônalpines arborent fièrement la couleur bleue qui les caractérise : le bleu de Gex, la fourme de Montbrison, le persillé des Aravis, le persillé de Haute Tarentaise, les bleus de Lavaldens, de Sassenage, de Termignon.

La plus prestigieuse d’entre elles prend ses aises au cœur du parc national de la Vanoise, à 2500 m d’altitude : il s’agit du bleu de Termignon. La « rolls des bleus », prisée sur les tables de luxe, provient d’une erreur de fabrication. Des paysans mélangent incidemment des laits caillés (du jour et de la veille) qui ont tourné avec la chaleur. L’affinage transforme la tomme attendue en bleu. Depuis, sa recette conserve cette particularité : il n’y a aucune adjonction de penicillium artificiel. L’autre caractéristique est l’utilisation d’un moule en bois, en pin cembro. Le termignon est conditionné 8 jours dans ce moule avant de séjourner 5 mois en cave d’affinage à 12° C.

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Bleus divers

Le terme « fourme » désigne également les fromages à pâte persillée. A l’origine, il signifie « fait dans la forme », mot du vieux français désignant un récipient servant à contenir le caillé. De cette racine sont issus plusieurs mots médiévaux (« formage », « fourmage ») dont l’évolution aboutit au « fromage », qui ne désigne plus le contenant mais le produit lui-même. Les fourmes étaient autrefois fabriquées dans les « jasseries », abritant sous un même toit de chaume l’étable, la fromagerie et l’habitation, avant de passer dans les mains des professionnels. Spécialité forézienne, la fourme de Montbrison possède sa propre AOC depuis 2002 (elle la partageait auparavant avec la fourme d’Ambert). En forme de bûche d’une hauteur de 20 cm, elle est débitée en rondelle ou en quartier pour mieux être dégustée.

Les fourmes de Montbrison et d’Ambert d’E. Banville.

- Syndicat de la fourme de Montbrison (AOC)

Au pays de Gex, les vaches prennent de la hauteur pour produire le lait utilisé pour le célèbre fromage aux tons ivoire-bleu. Toutefois, le bleu de Gex est désormais fabriqué en majorité dans le Jura d’où est originaire son cousin, un bleu jurassien portant le nom de « fromage gris » au 14ème siècle. Le bleu de Bresse, lui, est une invention de crémiers beaucoup plus récente (1951), mise au point à la beurrerie coopérative du village de Servas, et associant penicillium « roqueforté » et penicillum camemberti pour donner un bleu crémeux.

- Bleu de Gex Haut-Jura (AOC)

Le persillé des Aravis, cousin du persillé de Haute-Tarentaise, n’est pas un bleu comme les autres. Fromage au lait cru et entier de chèvre (ou de brebis autrefois), il est traditionnellement consommé à Noël. Son nom vient des nuances que prend sa pâte provenant de deux caillés différents et créant une texture marbrée. Appartenant aux pâtes persillées, il peut être affiné en bleu.

[actu]@ Concurrence aux sommets entre pâtes pressées[actu]

Reblochon

L’origine du reblochon remonte au 13ème siècle. Les paysans payaient leur fermage au propriétaire sur la base de la quantité de lait produite en une journée. Rusés, ils pratiquaient une traite (en patois, blocher) incomplète le jour du contrôle et finissait celle-ci lorsque l’inspecteur avait quitté les lieux en re-blochant, en pinçant les pis une seconde fois. Le reblochon est élevé dans les massifs du Mont-Blanc, des Préalpes, du Haut-Giffre, des Bornes et des Bauges, où paissent les troupeaux de vaches (de race abondance, tarine ou montbéliarde).

Sa saveur varie suivant les saisons, le goût n’étant pas le même si le lait est d’alpage ou d’étable. La recette reste unique et se caractérise par la pose d’une pastille de caséine (composant naturel du lait), qui, outre le fait de permettre son identification rapide parmi les autres fromages, donne des informations précieuses. Une pastille verte indique que le reblochon est fermier, donc confectionné sur l’exploitation même aussitôt après la traite. En rouge, elle indique qu’il vient d’une laiterie ou d’une fruitière, où la fabrication n’a lieu qu’une fois par jour avec du lait fourni par plusieurs éleveurs.

- Syndicat Interprofessionnel du Reblochon (AOC)

Abondance

Le fromage abondance porte le nom de la vallée du nord des alpes savoyardes et de la race de vache aux yeux maquillés de brun qui lui donna le jour. Cette race locale robuste et résistante est sélectionnée par les moines de l’abbaye Notre-Dame de l’abbaye, à Abondance, qui créent ce fromage au 12ème siècle. Dès le 14ème siècle, sa réputation lui permet de devenir le fournisseur officiel du pape Clément VII, installé à Avignon. Comme le reblochon, il arbore une plaque de caséine, bleue celle-ci, pour distinguer chaque meule de pâte pressée mi-cuite au lait cru entier.

- Syndicat Interprofessionnel du fromage Abondance (AOC)

Beaufort, prince des gruyères

Produit en Savoie depuis les vallées du Beaufortin, de la Tarentaise, de la Maurienne et une partie du val d’Arly, le beaufort appartient à la famille des gruyères, dont il est le prince. On le distingue des autres par son absence de trou et par son talon concave qui lui donne une forme particulière. Cette idée remonte aux anciens qui le moulent dans une gaine de bois (hêtre, frêne) pour maintenir ce fromage très gras, redescendus chaotiquement à dos de mulet dans la vallée. Chaque meule de 20 à 70 kg, affinée au minimum de 5 à 15 mois, est une bombe de saveurs, qu’il soit d’alpage (caséine carrée rouge) ou d’été (caséine ovale bleue). Spécificité de la fabrication du beaufort d’alpage, il est confectionné uniquement en été et immédiatement après la traite (deux fois par jour), exclusivement avec du lait encore chaud, cru et entier, ne provenant que d’un seul troupeau. Le beaufort d’été est fabriqué à partir de lait des alpages redescendu dans la vallée pour être transformé dans les ateliers de la zone AOC. Enfin, le beaufort d’hiver est fabriqué avec le lait des vaches passant l’hiver à l’étable. D’arômes moins prononcés, il est traditionnellement utilisé pour la fondue savoyarde.

Le Beaufort des alpages : Bernard Mure-Ravaud, maître fromager et Meilleur ouvrier de France (MOF), signe un livre vantant les mérites du prestigieux et gouteux beaufort : histoire, recettes et sélection d’adresses de restaurants et commerces.

Beaufort, un produit, un paysage : confection de ce fromage, traditions, liste de fruitières proposant des visites

Beaufort : haut en saveurs ! : livre de recettes illustrées : tarte fine, mousseline, soufflé, verrine, roti de veau, risotto… accommodés au beaufort.

- Syndicat de défense du fromage Beaufort (AOC)

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Le talon du beaufort
B. Mure-Ravaud

Comté : une spécialité du Jura… et de l’Ain

La zone de production du célèbre fromage franc-comtois est définie par une Appellation d’origine contrôlée (AOC), devenue Appellation d’origine protégéé (AOP) qui s’étend sur le Jura et le Doubs mais également l’un des départements rhônalpins, l’Ain. Zone de moyenne altitude (500 – 1500 m), aux saisons marquées, aux vallées verdoyantes et à la flore diversifiée, tel est le cadre de la pâture des vaches et de l’élaboration du comté. L’agriculteur est cependant soumis à certaines contraintes : exploitation d’1 ha minimum de surface fourragère par vache laitière et dépôt du lait à une fruitière établie à moins de 25 km. La meule de comté (35 à 50 kg pour un diamètre de 40 à 50 cm) possède un talon légèrement convexe et une hauteur de 9 à 13 cm. Affinée 4 mois minimum, sa pâte varie du blanc ivoire au jaune paille et révèle toute sa saveur.

- Comité interprofessionnel du gruyère de comté

[actu]Trésors de moines : tamié et chambarand[actu]

Si la gourmandise est un vilain défaut, elle donne également de l’inspiration aux moines, et le fruit de leurs expériences culinaires profite aux gourmets des générations suivantes. Les caves fraîches et silencieuses sont propices au recueillement des moines… et à l’affinage des fromages. La tradition des fromages d’abbayes est ancienne dans la région Rhône-Alpes : au 16ème siècle, les « fromages de Chartreuse », les « chartreux », bénéficient d’une grande réputation… avant de disparaître. Aujourd’hui, la région compte deux fromages monastiques réputés, chambarand et tamié, qui ne proviennent pas des Chartreux mais d’abbayes cisterciennes, vivant selon la règle réformée au 14ème siècle à La Trappe (Normandie).

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A Notre-Dame-de-Tamié (Savoie), dès 1860, les moines trappistes adaptent aux conditions locales la recette du « port-du-salut » (élaborée à Laval) en le rapprochant du reblochon. Pour confectionner ce fromage ceint d’un papier bleu et blanc frappé d’une croix de malte, la communauté religieuse s’est mise aux biotechnologies : le petit-lait est retraité pour émettre du biogaz, récupéré pour chauffer une partie du monastère. A Chambaran (Isère), au 20ème siècle, les moniales finissent par opter pour un fromage à pâte pressée demi-cuite et à croûte lavée, toujours dans la tradition des fromages trappistes. Leur spécialité porte le nom de « Chambarand », avec un « d » à la fin. Ces deux fromages présentent toujours la particularité de n’être fabriqués que par les moines concernés, en quantité modérée. Espérons que les caves fraîches des monastères et leurs prieurs-fromagers perpétuent cette pratique gourmande.

Produits de Chambaran de G. Comptier.

Outre le « chambarand », deux autres fromages appartiennent patrimoine alimentaire et culinaire de ce terroir isérois : le saint-marcellin et les tommes de chèvre.

- Abbaye de Tamié : voir la rubrique sur la fromagerie

[actu]@ Liste des spécialités fromagères régionales[actu]

Ain : bleu de Bresse, bleu de Gex, comté, tomme de Belley, ramequin du Bugey

Ardèche : picodon, caillé doux de Saint-Félicien, coucouron

Drôme : picodon (méthode « Dieulefit »), bleu du Vercors-Sassenage, romans

Isère : bleu de Lavaldens, bleu du Vercors-Sassenage, chambarand, saint-marcellin, tomme de Chartreuse

Loire : brique du Forez, charolais, fourme de Montbrison, rigotte de Condrieu

Rhône : saint-marcellin, saint-félicien, arôme de Lyon, bouton de culotte, charolais, mont-d’or des monts du Lyonnais, rigotte du Lyonnais, tommes de chèvre (de Carruge), persillé du Beaujolais, rigotte de Condrieu, (cervelle de canut

Savoie : beaufort, bleu de Termignon, tome des Bauges, tamié, reblochon, emmental de Savoie, tome de Savoie, abondance, chevrotin des Bauges, grataron du Beaufortain, persillé de Haute-Tarentaise, sérac, tomme d’Abondance, tome de chèvre de Savoie, vacherin d’Abondance, vacherin des Bauges

Haute-Savoie : reblochon, abondance, chevrotin, persillé des Aravis, sérac, emmental de Savoie, beaufort, chevrotin des Aravis, chevrotin des Bauges, grataron, sérac, thollon, tome des Bauges, tomme d’Abondance, tomme de Savoie, vacherin d’Abondance

Rhône-Alpes : produits du terroir et recettes traditionnelles, réalisé par le Conseil national des arts culinaires France.

Voyage gourmand en Rhône-Alpes de F. Petit.

Sur la route des fromages de Rhône-Alpes réalisé par le Centre régional interprofessionnel de l’économie laitière (CRIEL) Rhône-Alpes.

23. Conseils aux gourmets et recettes2

[actu]@ AOC, AOP et labels[actu]




La loi régissant le principe de l’AOC est instituée en France en 1919 et la première AOC fromagère française concerne le roquefort (Aveyron) six ans plus tard. En 1935, une loi fixe les caractéristiques des fromages (composition, matières grasses, lait) puis le poids et l’extrait sec sont également réglementés. Depuis 1947, chaque fromage postulant à l’appellation détermine un cahier des charges de l’éleveur aux distributeurs. Celui-ci permet de cadrer de manière la plus stricte possible l’AOC afin de protéger ceux qui ont investi dans cette reconnaissance. Aujourd’hui, il existe 46 AOC fromages, 2 pour les beurres et 1 pour la crème. La dernière AOC fromagère, à ce jour, est le Charolais qui a vu le jour le 25 janvier 2010.




L’Appellation d’origine protégée (AOP) est un signe d’identification européen qui permet de préserver un patrimoine culturel et gastronomique. Elle garantit que le produit est fabriqué selon un savoir-faire transmis de génération en génération et transcrit dans un cahier des charges précis. Pour se voir couronné d’une AOP, le fromage laitier candidat au titre doit provenir d’une aire de production délimitée, répondre à des conditions de production précises, posséder une notoriété dûment établie, faire l’objet d’une procédure d’agrément de reconnaissance en Appellation d’origine contrôlée (AOC) par l’INAO (Institut national des appellations d’origine). Toute AOP est donc déjà une AOC !

Neuf fromages rhônalpins au lait de vache (abondance, beaufort, bleu de Gex, bleu du Vercors, comté, fourme de Montbrison, mont d’or, reblochon et tome des Bauges) et deux au lait de chèvre (picodon, Rigotte de Condrieu) appartiennent aux heureux élus des AOP en Rhône-Alpes.




En parallèle aux appellations d’origine, de multiples labels ont vu le jour sur les étiquettes. L’un d’entre eux sort du lot, le Label rouge, qui concerne 4 fromages français.

Depuis 1994, les Indications géographiques protégées (IGP) remplacent les labels régionaux qui complétaient les labels rouges. Toutefois, les 7 labels (3 pour les fromages) créés auparavant sont conservés, dont le Label régional Savoie pour l’Emmental et la tomme du même nom.

A noter également : l’appellation « d’alpage » est attribuée aux fromages fabriqués entre 1500 et 2500 m d’altitude.

- Institut national de l’origine et de la qualité, nouvelle appellation de L’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) créé en 1935.

- AOP laitières

[actu]@ De l’art de servir un fromage[actu]

La consommation ne suivant en général pas immédiatement l’achat du fromage, il est nécessaire de connaître l’art et la manière de conserver ce produit vivant et évolutif, afin de garder intact son goût. Dans la mesure du possible, le papier d’emballage doit être utilisé. Sinon, emballez chaque fromage séparément dans du papier sulfurisé, idéal pour la respiration de la pâte, ou dans un film alimentaire. Tout le monde ne pouvant bénéficier d’une cave fraîche et aérée à portée de main, optez pour une boîte à fromages placée dans le bas du réfrigérateur. La température idéale est comprise entre 4 et 8°C. Celle du bas du réfrigérateur permet aux fromages de continuer leur affinage, en revanche, elle est trop froide pour convenir à leur dégustation.

A table !

Un fromage se déguste à température ambiante, condition qui permet aux arômes de s’exhaler. Pensez à le sortir 30 minutes à 1 heure à l’avance. Les règles de savoir-vivre invitent à présenter les fromages sur un plateau approprié, suffisamment grand pour permettre le choix aux convives entre plusieurs fromages aux tailles ou tranches conséquentes pour que chacun puisse se servir à sa faim. S’il est rond, le fromage est placé ouvert afin de rendre compte de sa texture et de son avancement. Les fromages en pointe se coupent à partir du centre et vers la croute, les fromages carrés ou rectangulaires se coupent en parallèle au plus grand côté.


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Enfin, plusieurs possibilités d’accompagnement et d’association de goûts sont possibles : choix variés de pains, vins et autres boissons, association avec les épices, le sucré…

Après tous ces préparatifs, place à la dégustation, moment idéal du gourmet qui saura alors observer la couleur de la croûte et de la pâte, l’odeur du fromage puis sa texture et son goût. Et n’hésitez-pa à (re)découvrir les fromages au lait cru, donc non pasteurisé, aux arômes plus présents.

Fromages cultes : découvrir, déguster, cuisiner.

Après avoir rappelé les caractéristiques générales du fromage et présenté quelques fromages cultes chers à la société Entremont, l’ouvrage tente de répondre aux questions classiques du consommateur : définition du lexique fromager, conseils de conservation, rites de dégustation… Et pour finir, une sélection de recettes : ramequins au comté, makis au concombre et beaufort, muffins au reblochon, carpaccio de courgettes et tranches fines d’emmental.

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Le fromager veille
B. Mure-Ravaud

[actu]@ Quelques recettes inédites[actu]

Les fonds d’artichaut au picodon

Source : Les fromages du fromager

1 fond d’artichaut, 1 picodon et 25 g de mesclun par personne, vinaigrette à l’huile d’olive, vinaigre balsamique, sel et poivre

Laver et égoutter le mesclun, et préparer une vinaigrette. Pendant ce temps-là, préchauffer le four à 210°, et quand il est chaud, mettre les fonds d’artichaut sur la plaque en plaçant sur chacun un picodon. Laisser cuire de 4 à 5 minutes.

Assaisonner le mesclun réparti dans les assiettes et sortir les fonds d’artichauts à disposer dessus. Servir très vite et bien chaud.

Soupe d’abondance et de reblochon au céleri

Source : Almanach des Alpes gourmandes : 150 recettes d’hier et d’aujourd’hui

200 g de fromage d’abondance en petits dés, 200 g de reblochon, 200 g de céleri en petits dés, 3 oignons hachés, 1 litre de bouillon de volaille, 1 bouquet de cerfeuil et de persil hachés

Cuire le céleri et les oignons dans le bouillon à couvert, puis ajouter le fromage d’abondance. Le faire fondre sur un feu doux, finir ensuite avec le reblochon en carrés et les herbes ; ajouter un peu d’eau si nécessaire.

Outre les 150 recettes, l’ouvrage de Thierry Thorens « raconte la montagne » au fil des mois et des saisons, avec ses temps forts et ses traditions. L’auteur livre ses conseils de dégustation des produits de saison, légumes, fruits, baies et fromages des Alpes.

Croûte au fromage

Source : Saveur des régions : Alpes

5 tranches de pain de campagne rassis, 2 verres de vin blanc sec de Savoie, 2 gousses d’ail, sel poivre, muscade, 50 cl de crème fraîche liquide (si possible non pasteurisée), 500 g de vieux comté, 5 œufs

Prendre 5 petits plats en fonte (ou un grand) et les beurrer. Disposer dans le fond de chaque plat une tranche de pain et l’imprégner de vin blanc. Mettre sur chacun des morceaux de pain 100 g de vieux comté coupé en lamelles. Préparer le mélange ail, sel, poivre, noix de muscade râpée, crème liquide et les œufs. Battre le mélange et mixer jusqu’à ce qu’il soit mousseux. Le répartir ensuite sur les croûtes. Mettre au four à 220° pendant 20 minutes. Servir avec du jambon fumé et une bonne salade verte à la ciboulette.

Les cuisiniers en panne d’idées pourront puiser mille recettes et façons de cuisiner dans les ouvrages gastronomiques régionaux, classés par département à la cote Y3. De quoi mettre en appétit les chefs.

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