Quel avenir pour l’Hôtel-Dieu de Lyon ?

- temps de lecture approximatif de 36 minutes 36 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Le plus ancien hôpital de la ville de Lyon, ayant accueilli les services de nombreux médecins célèbres, dont Rabelais, et reconnaissable par sa longue façade se reflétant dans le Rhône, change de fonction. Finis les soins sous le grand Dôme et l'accueil des patients au sein des vieilles arcades de pierre : le site de l' « Hôpital du pont du Rhône » se prépare à une toute autre destinée, orientée vers les commerces et le prestige. En septembre 2009, le maire de Lyon Gérard Collomb présente la feuille de route du projet de réhabilitation de l'Hôtel-Dieu, qui vise à valoriser ce patrimoine exceptionnel. En décembre 2010, l'opérateur du chantier est désigné : il s'agit de l'équipe menée par Eiffage. La phase de reconversion d'un site stratégique du cœur de la Presqu'île avance, tournant une page de l'histoire médicale lyonnaise.

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L'ancien hôpital de l'Hôtel-Dieu, vu de nuit - Goutelle, Jean-Claude 2010

 

 

1. Reconversion de l’Hôtel-Dieu de Lyon : la dernière ligne droite

 

2010 : Les épisodes d’une sélection convoitée

En septembre 2009 (lire chapitre 2), le comité de pilotage de la réhabilitation de l’Hôtel-Dieu définit les grandes lignes du projet de reconversion. Il doit permettre l’accueil d’un hôtel de classe internationale (4 ou 5 étoiles) et des services associés (restaurants, centres de remise en forme et de séminaires), l’installation d’activités commerciales (axées sur le design et la décoration), la prise en compte de surfaces dédiées aux activités tertiaires (avocats, banques, assurances…).

-Janvier 2010 : les 5 équipes finalistes

Sur une quarantaine de candidats à la réhabilitation de l’Hôtel-Dieu de Lyon, seules 5 équipes sont retenues en janvier 2010 par le comité de pilotage pour proposer un projet susceptible de retenir l’attention des décideurs. Chacune comprend un investisseur, un concepteur (binôme architecte et architecte spécialiste du patrimoine) et un hôtelier.

Sont ainsi en lice :
Aerium Properties / Icade ; architectes AAAB (A. Bechu), Alain-Charles Perrot ; hôtelier Fairmont
ANF / Convergence / ING RED ; architectes Reichen & Robert, Pierre Bortolussi ; hôtelier Four Seasons
Dixence / Financière Norbert Dentressangle ; architectes Wilmotte & Associés, Thierry Algrin ; hôtelier Starwood
Eiffage / Generim ; architectes AIA Atelier de la Rize, Didier Repellin ; hôtelier Intercontinental
Nexity / Michel Reybier / Capital France Hôtel ; architectes Studio J. J. Ory, Olivier Naviglio ; hôtelier Hyatt.

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L’Hôtel-Dieu de nuit
© HCL

-Juin 2010 : les copies sont rendues

Les projets des équipes constituées sont rendus en juin 2010. Le comité de pilotage ne reçoit finalement que 4 dossiers puisque l’équipe Dixence / Financière Norbert Dentressangle a jeté l’éponge. L’étude des projets débute ; la communication du choix est fixée en octobre 2010.

-1er octobre 2010 : un verdict repoussé

Rebondissement de dernière minute : le comité de pilotage décide… de reporter sa décision et de « continuer la discussion » avec les équipes qui attisent son intérêt. La compétition se transforme en duel : les deux projets concurrents sont ceux d’Eiffage et de Nexity. Le respect de l’authenticité du bâtiment a fait pencher la balance en leur faveur. Les équipes sont retenues parce qu’ « elles touchent moins à la structure de l’Hôtel-Dieu » et « gardent un ensemble faisant partie du patrimoine de l’Hôtel-Dieu », explique le maire de Lyon Gérard Collomb.

D’un côté, le projet d’Eiffage prévoit de créer une place avec restaurants et commerces sur la rue Bellecordière, d’offrir un hôtel de prestige avec de hautes chambres luxueuses en duplex et d’intégrer un grand projet de musée de la santé. De l’autre, le projet de Nexity s’ouvre en direction des parkings Bellecour et de la Fosse aux ours, met en valeur la façade Bellecordière dans un style « Art déco » mais garde simplement le musée médical en l’état.

Chacun des deux finalistes doit donner des précisions d’ordre financier, juridique et architectural, pour un verdict décisif d’ici fin décembre 2010.

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Fêtes des Lumières 2010
© Richard P / Agence d’Urbanisme de Lyon

-29 octobre 2010 : Eiffage est désigné promoteur de la reconversion de l’Hôtel-Dieu

La procédure est arrivée à son terme et c’est finalement l’équipe d’Eiffage qui remporte – à l’unanimité – le chantier de reconversion de l’Hôtel-Dieu.

Les Lyonnais doivent faire preuve d’encore un peu de patience pour admirer le résultat du projet dont l’aboutissement n’est prévu qu’en 2016.

 
8 décembre 201
Ambiance guinguette…
ou Moulin rouge
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Le projet retenu par le comité de pilotage est celui de la « lyonnitude », selon le maire et président des HCL Gérard Collomb qui explique ainsi le choix du jury : « Lyonnais d’origine, ils se sont le plus inspirés de l’âme des lieux, de l’histoire et de sa culture pour construire leur projet ».

Albert Constantin, à la tête du groupe d’architectes et d’ingénieurs « AIA Ateliers de la Rize », a déjà laissé son empreinte dans la ville de Lyon : restructurations du stade de Gerland (1998) et de la Halle Tony Garnier (2000), réhabilitation de l’ancienne Manufacture des tabacs pour l’Université Lyon 3, création du siège de la société Eiffage à la Confluence (2009). Son confrère, Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques du Rhône, endosse la casquette d’« architecte du patrimoine » du projet. Il considère que l’Hôtel-Dieu appartient aux 10 constructions françaises majeures du siècle des Lumières (même si la base est antérieure) et que Lyon lui doit en partie son inscription en tant que site historique au Patrimoine de l’Humanité. Dans leur projet, le travail réalisé par Soufflot, notamment le grand dôme, est non seulement protégé mais rétabli dans son intégrité, jusqu’à la présence des boutiques en rez-de-chaussée, à l’instar de celles figurant sur le plan original du 18ème siècle.

Le projet comporte une contrainte particulière : la nécessité de respecter les nombreux éléments « classés au patrimoine historique » de l’Hôtel-Dieu, qui sont protégés. Il s’agit du grand dôme de la façade principale et du petit dôme du cloître (arrêté du 3 janvier 1939) ; de la chapelle (arrêté du 8 décembre 1941) ; des quatre travées de baies situées à droite et à gauche de l’entrée de la chapelle sur la rue de l’Hôpital ; du grand réfectoire et de son entrée ; des façades, toitures et galeries des bâtiments entourant la grande cour, la cour Saint-Louis et la cour de l’entrée ainsi que des sols des trois cours ; des façades, toitures et galeries du rez de chaussée du grand bâtiment donnant sur le quai Jules-Courmont ; des galeries intérieures du grand dôme (arrêté du 27 juin 1944).

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Fête des Lumières 2010

-2011-2012 : instruction administrative et signature du « bail à construction » de 94 ans entre l’opérateur Eiffage et les Hospices Civils de Lyon (les HCL restent les propriétaires du bâtiment et du sol).

-Fin 2012 : début du chantier

-2014 : ouverture partielle de l’Hôtel-Dieu sous ses nouveaux atours

-2016 : inauguration officielle du chantier et ouverture de l’hôtel de luxe

D’ici là, le projet d’Eiffage est amené à se préciser – notamment concernant l’ampleur du Musée de la Médecine – et à se concrétiser.

 

A quoi ressemblera l’Hôtel-Dieu en 2016 ?

Le projet de l’équipe d’Eiffage

Avec un montant estimé à 150 millions d’euros d’investissement, Eiffage Construction assure, à terme, la rénovation des 62000 m² du site et s’engage à magnifier l’un des fleurons du patrimoine lyonnais.

Le futur site de l’Hôtel-Dieu se veut à la fois un lieu incontournable de rendez-vous d’affaires, une zone de commerces confortant l’attrait de la presqu’île de Lyon mais aussi une nouvelle destination de déambulation urbaine ouverte à tous.

-Un Hôtel Intercontinental 5 étoiles

Les 21000 m² de l’hôtel de prestige correspondent à la partie centrale du quai Jules Courmont, sous le grand dôme de Soufflot, qui restera accessible à tous. Au dessous, un bar ouvert du matin au soir proposera ses services aux clients ou aux passants.

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Sous le Grand dôme
© Guy F
Agence d’Urbanisme de Lyon

Audacieux, le projet d’hôtel prévoit de casser le plancher du 2ème étage pour réaliser 140 somptueuses chambres en duplex, hautes de 6 à 7 mètres. L’hôtel permettra à la ville de Lyon d’augmenter sa capacité d’accueil en matière d’hôtellerie de très haut de gamme. Dans ce secteur, le président de la commission tourisme de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Lyon, Roland Bernard, considère que la commune est sous-équipée, ce qui la pénalise pour attirer de grands salons internationaux. En 2010, 60% des 12000 chambres d’hôtel de la région lyonnaise appartiennent à des établissements économiques ou super économiques contre 40% dans la plupart des grandes métropoles. Et dans le cercle restreint des hôtels 5 étoiles, l’offre de l’Intercontinental est attendue pour conforter celle en cours de construction à l’Antiquaille (85 chambres) et les deux 5 étoiles existants : le Sofitel Lyon Bellecour (164 chambres), plus au sud sur les quais du Rhône, et le Pavillon de la Rotonde (16 chambres), à Charbonnières-les-Bains.
Cet hôtel de luxe focalise particulièrement les critiques du projet puisqu’il prend place dans l’ancien « hôpital des pauvres ».

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2016 : chambre en duplex

-13000 m² de commerces : rue de la Barre et quai Jules Courmont
Les architectes aiment à rappeler que les boutiques de plein pied ne font que reprendre les commerces en rez-de-chaussée implantés par Soufflot à la demande des recteurs de l’Hôtel-Dieu au 18ème siècle.

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2016 : commerces sur les quais

-15000 m² de bureaux : rue de la Barre et rue Bellecordière

Le pôle tertiaire est symbolisé par le « dôme Pascalon », au sud. Deux immeubles s’érigeront pour accueillir notamment le pôle universitaire et régional de santé ainsi que l’Ordre des Médecins.

-Un lieu de flânerie « au vert »

La création de chemins piétonniers est prévue, pour traverser les bâtiments qui se prêteront davantage à la promenade et s’offriront librement à tous les lyonnais et touristes. Les cours se pareront de plantations médicinales et odoriférantes, dans l’esprit des jardins botaniques en vogue aux 17ème et 18ème siècles.

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2016 : cour intérieure

Le Grand Lyon s’est engagé à un pourtour de qualité de l’Hôtel-Dieu. Côté quai, un bouleversement architectural est attendu : l’entrée historique donnant sur les quais du Rhône sera réouverte, pour redonner tout son prestige à la magistrale façade qui connaîtra un ravalement. Le trottoir sera agrandi pour atteindre 15 mères de largeur. En contrebas, un projet de station fluviale est également à l’étude par la direction de l’Urbanisme, dans l’objectif de desservir également la Confluence et la Cité Internationale. Côté rue Bellecordière, les architectes souhaitent intervenir sur l’espace extérieur à l’Hôtel-Dieu. Il est envisagé de reconstruire « la loge des fous » (Soufflot), démolie, et d’édifier tout autour une place arborée au centre de laquelle trônerait la statue d’Amédée Bonnet (actuellement située dans l’une des cours intérieures), l’un des grands chirurgiens de l’Hôtel-Dieu.

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2016 : rue Bellecordière

-Un centre de convention de 3000 m²

Dans le dessein des architectes, il est symbolisé par le « dôme des quatre rangs », au nord (à droite quand on regarde la façade). Ce pôle offre, outre des salles de congrès, un amphithéâtre de 300 places. Il sera particulièrement dédié aux conventions de médecins.

-Un musée de la Santé de 4000 m²

Le groupe Eiffage a accepté de maintenir dans les lieux le musée des HCL, associé au centre de convention. Les destins du musée et d’un éventuel Pôle régional de promotion de la santé (PRPS) sont étroitement liés au souci de leur financement. Sur les plans, une place leur a été réservée, modulable et extensible en ce qui concerne le musée. Reste aux porteurs des deux projets de trouver les fonds nécessaires pour les faire fonctionner, la Ville de Lyon ne participant pas, comme l’a rappelé à de nombreuses reprises Gérard Collomb.

Deux projets « Santé » de l’Hôtel-Dieu coexistent donc. Le Professeur René Mornex, soutenu par des acteurs de la culture et le journaliste Régis Neyret, propose et appuie celui d’un musée de la médecine, réunissant les collections des HCL (30000 pièces) sur 4000 m². Il envisage nécessaire un investissement de 10 millions d’euros auxquels s’ajoutent 3 millions par an pour le fonctionnement. La quête de mécènes dans les milieux industriels et associatifs est en cours.

Le 2ème projet, celui du pôle régional de promotion de la santé (PRPS), nécessite 2000 à 3000 m². Il regrouperait une quinzaine d’associations, trois laboratoires universitaires avec des chercheurs et la mutualité française. Ses objectifs : informer le grand public et les scolaires mais aussi réduire les inégalités d’accès à la santé. Le projet a le soutien de certaines collectivités locales, comme le Conseil régional qui déjà voté une subvention de 150000 euros.

Les deux groupes ont chacun fait circuler une pétition, trouvant l’appui de l’opinion publique.

Sauvons l’Hôtel-Dieu
Le 15 juillet 2010, la pétition, lancée par le Dr R. Noguier pour soutenir le projet du Pr Mornex et signée par 4000 personnes, est remise au Maire de Lyon, via son directeur de cabinet. La pétition compte en décembre 2010 plus de 12000 signatures.

En attendant la finalisation du projet, le Musée des Hospices Civils de Lyon est ouvert au public jusqu’au 24 décembre 2010 avant que des visites guidées, chaque samedi matin, permettent de continuer à le découvrir durant la durée des travaux.

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2016 : vue d’avion

Pour en savoir plus :

Les articles de presse, comme les deux ci-dessous, permettent de suivre l’avancée du projet de l’Hôtel-Dieu.
- « Il faut de la poésie pour ce projet », Tribune de Lyon, n°256, 4 novembre 2010, p. 14-15
Dans une interview, Albert Constantin, architecte du futur Hôtel-Dieu, exprime la philosophie du projet, les remaniements prévus, l’originalité des idées défendues durant l’âpre compétition et répond aux détracteurs du projet. Il explique la « mutation génétique » de l’Hôtel-Dieu, dont « les principes d’aménagement s’inspirent de l’histoire du lieu ».

- Hôtel-Dieu : deux projets encore en concurrence. Mag2Lyon, Décembre 2010, p. 62-63
L’article décrit les deux volets santé envisagés pour l’Hôtel-Dieu. En plus du maintien du Musée des HCL, dont le périmètre est encore variable, se surposera (ou non) le regroupement d’acteurs de la promotion de la santé publique.

Retrouvez toutes les références bibliographiques des articles dans les Dossiers de presse et consultez les articles du Progrès sur Europresse (accessibles depuis la Bibliothèque municipale de Lyon).

-Site web de l’atelier de la Rize, l’un des concepteurs du projet retenu.
-Site web de la SERL
La SERL est l’assistante à la maîtrise d’ouvrage auprès des Hospices Civils de Lyon pour les accompagner dans l’élaboration du programme de reconversion, dans le choix d’un opérateur (montage des dossiers de consultation, analyse des réponses), pour la passation des documents contractuels avec l’opérateur choisi et enfin dans le suivi de la phase opérationnelle. Le moteur de recherche du site web permet de collecter tous les articles retraçant l’avancée du projet.

Site web de la DRAC Rhône-Alpes pour consulter la liste des édifices protégés au titre des monuments historiques dans le département du Rhône ((Rubrique Base de données / Edifices protégés).

 

2. Année 2009 : un programme prestigieux pour l’Hôtel-Dieu

25 septembre 2009 : un projet qui prend forme

Comme pour les prisons de Perrache, le sort de l’Hôtel-Dieu commence à se jouer en 2009. Dans les deux cas, les bâtiments sont emblématiques et situés à des emplacements stratégiques fortement convoités de la presqu’île : le quartier du Confluent et le centre-ville historique. Ces deux sites sont les reflets du passé architectural de la ville de Lyon. L’hôpital a été construit – sous sa forme actuelle – aux 17e et 18e siècles, tandis que le 19e siècle a vu naître les deux établissements carcéraux l’un après l’autre. En revanche, contrairement aux prisons, l’Hôtel-Dieu n’attend pas sa fermeture pour être fixé sur son sort : la Mairie de Lyon souhaite aller vite et lance la procédure de reconversion du site dès l’automne 2009. L’idée planait déjà depuis quelques années et, lors de la dernière campagne des élections municipales, l’Hôtel-Dieu a fait l’objet de propositions par les deux principaux prétendants à l’Hôtel de Ville, Dominique Perben et Gérard Collomb. Réélu, ce dernier reprend la direction des Hospices civils de Lyon (HCL), en raison d’une tradition qui attribue ce titre au maire de Lyon. Il a donc toutes les cartes en mains pour donner le feu vert à l’étude de son projet.

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375 m de façades surplombant le Rhône, à deux pas de la place Bellecour

Le 25 septembre 2009, Gérard Collomb présente le projet de reconversion d’un site gigantesque (45000 m² dont 35000 m² utiles), propriété des Hospices Civils de Lyon. Il a été élaboré lors du 2ème comité de pilotage chargé de réfléchir à l’avenir de l’Hôtel-Dieu, composé de personnalités de la Ville et du Grand Lyon et de membres des HCL. Ce comité a défini quatre objectifs principaux : ouvrir l’Hôtel-Dieu aux Lyonnais, mettre en valeur la qualité patrimoniale, proposer des activités et un programme qui s’intègrent dans le contexte urbain de la presqu’île et dans le bâtiment, et enfin, inscrire le site dans le rayonnement de la métropole lyonnaise. La SERL (Société d’équipement du Rhône et de Lyon), désignée comme assistant maître d’ouvrage (MAO) en mai 2008, seconde les HCL dans l’élaboration du programme de reconversion, dans le choix d’un opérateur pour la passation des documents contractuels ainsi que le suivi de la phase opérationnelle. Gérard Collomb et Bruno Dumetier, architecte conseil mandaté par la SERL, ont rendu public l’esquisse du projet global d’aménagement du site et ont fait part des options rejetées.

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Sous le Grand dôme, une vue plongeante
© Hospices civils de Lyon (HCL)

Le comité de pilotage a en effet écarté du projet les logements privés, « pour garder le caractère public », ainsi que le secteur de l’agriculture et les emplacements industriels, inadéquats en centre ville. L’élément central de la reconversion est donc un hôtel de luxe (4 ou 5 étoiles), d’environ 120 chambres, qui pourrait utiliser les 32 m de hauteur du Grand Dôme comme prestigieux « lobby ». L’espace hôtelier comporterait aussi un centre de séminaire et un centre de remise en forme. Les acquéreurs supposés et visés sont les chaînes américaines d’hôtellerie haut de gamme telles Hyatt ou Carlton.

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Le petit dôme vu depuis une cour intérieure

Les 5000 m² du rez-de-chaussée de l’Hôtel-Dieu se destinent aux activités commerciales. Des bars et restaurants installeraient leurs terrasses dans les cours intérieures pour faire profiter les Lyonnais de leur calme. Les galeries du quai Jules Courmont s’ouvriraient sur l’extérieur et accueilleront des boutiques axées sur le design et la décoration, pour retrouver l’ambiance du début 20ème siècle. Amusante collision des temps, il faut savoir qu’en 1840 était construit le passage de l’Hôtel-Dieu, véritable galerie commerçante donnant accès à 30 boutiques privées (bijoux et montres, …). De manière générale, c’est l’ensemble du site qui serait davantage ouvert et intégré à la vie urbaine et piétonne pour que les passants profitent ou découvrent les éléments du patrimoine. Afin d’éviter une ambiance trop proche de la circulation automobile, guère compatible avec le lèche-vitrine, de larges trottoirs seraient créés. D’autres commerces et magasins s’installeraient du coté de la rue de la Barre. Le reste du site serait occupé par des activités tertiaires, des bureaux haut de gamme correspondant à une clientèle d’avocats, de conseils juridiques, d’établissements financiers. Comme le signale le dossier de presse, l’Hôtel-Dieu doit devenir une « adresse de prestige sans équivalence sur le marché du bureau haut de gamme ».

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Vers un quai sans parking ?

Une réhabilitation planifiée de 120 millions d’euros

Si le projet est ambitieux, la Ville de Lyon l’affirme clairement : la reconversion du site doit se faire sans apport d’argent public. Le dossier de presse mentionne ainsi la recherche d’une « programmation sans financement public », d’où l’objectif de trouver un repreneur de prestige. Or, le coût global de la rénovation est estimé à 120 millions d’euros, soit 3000 euros le m². Et Gérard Collomb de préciser : « Ni les HCL, ni la Ville, ni le Grand Lyon ne sont en mesure de s’offrir aujourd’hui cette opération ». Le choix d’un opérateur unique est aussi l’une des conditions du projet, qui ne sera donc pas morcelé entre différents gestionnaires, pour éviter une opération de vente à la découpe comme dans le quartier Grolée.

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L’imposant “Palais du quai”

Autre contrainte pour le futur repreneur, les HCL conservent la propriété de l’Hôtel-Dieu. Cette condition, qui contente sans doute la majorité des Lyonnais, est étroitement liée à l’histoire des Hospices civils de Lyon, nés en 1802 de la fusion des deux hôpitaux (appelés « hospices » au cours de la Révolution) de la Charité et de l’Hôtel-Dieu. L’ensemble est propriétaire par dons, legs et achats d’un considérable domaine dans la ville de Lyon. Par conséquent, l’Hôtel-Dieu n’est donc pas vendu mais cédé – via un bail emphytéotique pouvant s’étendre jusqu’à 99 ans – au repreneur qui assumera sa restauration.

Or, l’Hôtel-Dieu coûte cher aux HCL, qui rencontrent des difficultés financières (déficit de 87 millions d’euros) dans un contexte d’objectif de rentabilité à atteindre. Les HCL sont donc contraints par l’Agence Régionale d’Hospitalisation (ARH) à un retour à l’équilibre en 2013. Pour cela, il faut réduire les investissements, rationnaliser la logistique, supprimer des emplois et se désengager de certains sites hospitaliers, dont l’Hôtel-Dieu. Selon une source interne, les dépenses liées de viabilisation sont plus élevées que celles des autres sites des HCL (12,29 euros par m² contre 11,66 euros). Surtout, les bâtiments se dégradent et le coût d’une rénovation de la façade et des toits pourrait s’élever à plus d’une centaine de millions d’euros. C’est un souci également pour la municipalité qui ne souhaite pas que l’Hôtel-Dieu devienne une friche. Du coté de la rue de la Barre, certaines vitrines ont déjà triste mine…

Quel que soit son coût d’entretien et de rénovation, nul ne peut ignorer la valeur d’un tel lieu, qu’il ne s’agit pas de brader. Personne ne souhaite en effet une transaction aux dépens des HCL et des Lyonnais. La Ville est d’ailleurs optimiste sur l’attrait du projet auprès des investisseurs. Gageons que le dossier reste séduisant et motive les candidatures de groupements d’entreprises qui doivent déposer leur projet avant la fin de l’année 2009.

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La chapelle, au débouché de la rue Bellecordière

Désormais lancée, la réhabilitation s’engage en suivant un calendrier rapide. Le dépôt des candidatures s’effectue en décembre 2009, pour un choix de candidat en février 2010. La décision concernant le projet sera arrêtée en juillet 2010, après avis du comité de pilotage. Suite aux demandes d’autorisation administrative (2011), les travaux devraient démarrer en 2012 pour s’achever en 2014, date à laquelle l’Hôtel-Dieu se présentera sous ses nouveaux atours.

Restera-t-il un soupçon de santé à l’Hôtel-Dieu ?

Parallèle au calendrier du projet de rénovation, la planification du départ des dernières activités médicales est connue. Médecins et infirmiers commencent à empaqueter bistouris et gaze, non sans regrets pour certains, comme le précise une syndicaliste : « C’était un hôpital très familial, auquel les agents étaient très attachés. Pour nous, c’était l’hôpital avec un grand « H » ». Depuis le 28 avril 2009, l’Hôtel-Dieu n’accueille plus d’accouchements et le 30 juin 2009, le service médical d’accueil a fermé ses portes. D’ici le premier semestre 2011, la totalité des activités hospitalières doit cesser. L’une des fins d’activités redoutée est celle du service d’interruption volontaire de grossesse (4200 IVG sont réalisées chaque année aux HCL). Dans ce domaine, il est nécessaire de simplifier les démarches des patientes : facilité d’accès, préservation de l’anonymat… La situation privilégiée de l’Hôtel-Dieu, en plein centre ville, répond à ces besoins. Depuis l’annonce de la fermeture, les personnels de santé, le planning familial et les associations féministes s’opposent à la répartition de ce service vers différents hôpitaux, souhaitant un lieu unique assurant un meilleur suivi des patientes. Heureuse nouvelle : le 6 octobre 2009 a été décidé le transfert du centre d’orthogénie à l’hôpital Edouard-Herriot (Grange Blanche). Le collectif de défense de l’IVG à Lyon demande désormais que les avortements sous anesthésie générale y soient également transférés, à la place du choix de Lyon Sud.

Mise à jour de décembre 2010 complémentaire au chapitre 1 :
Conformément au calendrier prévu, les services de soins ont progressivement cessé leurs fonctions à l’Hôtel-Dieu et pris possession de locaux à l’Hôpital Edouard Herriot. Les urgences dentaires sont opérationnelles sur ce site depuis le 20 septembre 2010, le service d’Interruption volontaire de grossesse (IVG) et le planning familial sont transférés depuis octobre 2010.

Le souhait de conserver un lieu médical ou de prévention au sein du bâtiment de l’Hôtel-Dieu est défendu par Jean-François Vallette (directeur de Aides alcool), Gérard Clavairoly (journaliste santé), Jean Genoud (médecin retraité), l’aumônier et professeur d’éthique Bruno-Marie Duffé et d’autres personnalités du monde de la santé. Leur concept ? Conserver la philosophie originelle d’accueil et de soins aux indigents et créer un projet alliant soins de base aux précaires, actions d’éducation à la santé et expertises en santé publique. C’est dans cet axe qu’ils travaillent pour bâtir ce projet (impérativement financé) localisé rue de la Barre. En attendant, une pétition pour soutenir leur centre de promotion de la santé est en ligne. Régis Neyret, célèbre connaisseur et défenseur du patrimoine lyonnais, regrette qu’un projet semblable, la « Medicity » évoquée par le cancérologue et adjoint au maire Thierry Philip, ne soit plus d’actualité. Pour garder la mémoire historique du lieu, les HCL ont eu quelque temps une autre idée : installer leur siège et regrouper ainsi leurs services administratifs. La piste est actuellement abandonnée car jugée trop coûteuse.

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Le musée des Hospices civils de Lyon
© Hospices civils de Lyon (HCL)

Et le Musée des HCL ? Le musée des Hospices civils de Lyon est un musée labellisé “Musée de France”. Riche d’une vaste collection de mobilier, faïences et apothicaireries, il présente plusieurs siècles d’histoire de la médecine et s’anime régulièrement à l’occasion d’expositions temporaires, comme celle sur les seringues « Piqûres de Rappel », visible jusqu’au 31 décembre 2009. Le musée est ouvert au public du lundi au vendredi, de 13h à 18h, et est l’occasion de franchir les portes de l’Hôtel-Dieu. Toutes les options concernant son avenir sont encore possibles, de l’horizon noir d’une fermeture, au rêve de grandeur de René Mornex, vice-président du conseil d’administration des HCL : élever un grand musée de la médecine de 9000 m². Lyon a en effet connu une vie médicale importante dès le moyen âge, dont l’Hôtel-Dieu témoigne au fil des siècles jusqu’à nos jours.

Pour connaître les orientations en 2010, voir le projet d’Eiffage (chapitre 1).

Pour en savoir plus :

Les articles de presse permettent de suivre l’avancée du projet de l’Hôtel-Dieu, notamment ceux du Progrès du 26 septembre 2009, des Acteurs de l’économie Rhône-Alpes (octobre 2009), de Bref Rhône-Alpes (30 septembre 2009), de la Tribune de Lyon (1er octobre 2009), du Journal du BTP Rhône-Alpes (8 octobre 2009), des Potins d’Angèle (1er octobre 2009).

Retrouvez toutes les références bibliographiques dans les Dossiers de presse et consultez les articles du Progrès sur Europresse (accessibles depuis la Bibliothèque municipale de Lyon).

 

3. L’Hôtel-Dieu, symbole de la vie médicale lyonnaise

Un site hospitalier en activité depuis le Moyen Age

La légende raconte que l’Hôtel-Dieu est fondé en 542 par le roi mérovingien Childebert 1er, fils de Clovis, et son épouse Ultrogothe. Deux statues en témoignent au centre de la grande façade donnant sur le quai. Il semble plus vraisemblable que ces prétendus fondateurs firent construire au 6e siècle, d’autres locaux hospitaliers, ceux de Notre-Dame de Lyon (à l’emplacement de l’actuel Conservatoire de musique, quai Bondy).

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Les statues de Childebert et Ultrogothe, refaites en 1819

L’édifice de l’Hôtel-Dieu n’existe de façon certaine qu’à partir du 12e siècle. A l’époque, Lyon est une ville protégée par des enceintes et dont la presqu’île est progressivement desservie par deux ponts, l’un sur la Saône et l’un sur le Rhône. C’est vers ce deuxième pont qu’est implanté, vers 1184, l’un des douze hôpitaux de la ville. D’abord nommé « Hôpital du pont du Rhône », il devient, au fil des agrandissements et des constructions, « Hôpital de Notre-Dame de Piété » (1507) et est désigné plus communément sous le terme « Hôtel-Dieu ». La présence d’un tel édifice au cœur de la ville atteste de l’attention portée par les autorités lyonnaises aux soins des malades, du souci d’assister des populations défavorisées tout comme de se prémunir de troubles éventuels. Du bâtiment d’origine et des locaux dans lequel Rabelais a exercé la médecine au 16e siècle, il ne reste rien. Pour avoir une idée de l’hôpital d’origine, il est instructif d’examiner le plan scénographique de Lyon vers 1550. La grande bâtisse d’un étage, perpendiculaire au fleuve, comporte alors 74 lits, pour loger près de 180 patients, puisque le fait de dormir à 3 par lit est courant. Au nord du bâtiment de l’ « Hôtel-Dieu de Notre-Dame de la Pitié » est accolé un beau cloître. L’édifice que nous connaissons en 2009 a, quant à lui, été bâti en deux principales étapes de reconstruction : au 17e siècle (entre 1622 et 1637) et au 18e siècle, avec l’intervention de Soufflot.

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L’ancien Hôtel-Dieu sur le plan scénographique de Lyon (vers 1550)

De la première période, subsiste le cloître d’entrée, véritable joyau de l’hôpital. Il donne accès aux « salles des quatre-rangs » (bâtiments des quatre bras de la croix), surmontées par le « petit dôme », daté de 1631. Un hôpital avec ses religieuses doit être doté d’une chapelle. Celle que nous voyons actuellement est construite au 17e siècle sur l’emplacement du premier bâtiment d’hospitalisation et de sa salle des malades. Elle comporte une façade de type Louis XIII et deux clochers (1665). Le péristyle des cuisines est ajouté à l’est, avec ses six colonnes orientées vers le fleuve. Ainsi réalisé en regard du Rhône, l’hôpital est déjà digne d’éloges et fait l’admiration des étrangers de passage.

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Le petit dôme (1631) et le cloître
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Au 18e siècle, l’élégant portail d’entrée est élevé par l’architecte Delamonce (1706) ainsi qu’un vestibule octogonal donnant accès au cloître du 17e siècle. Le Réfectoire des Sœurs est achevé en 1747 puis c’est l’édification de l’imposant « palais du quai » réalisé de 1741 à 1761 par l’architecte Soufflot. L’ensemble constitue désormais aux yeux de tous « le plus bel hôpital du royaume ».

Le Grand Dôme de Soufflot

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Le Grand Dôme

Au 18e siècle, les travaux d’agrandissement et d’embellissement de l’Hôtel-Dieu se concentrent sur le côté longeant le Rhône. La ville a besoin de davantage d’appartements pour les malades, les convalescents, les blessés, les « passants » mais aussi de loges pour enfermer les « fols » et de « caves, de greniers et de buchers ». Toutefois, la nouvelle façade tourne son visage vers les voyageurs arrivant du Dauphiné, territoire qui commence dès la rive droite du Rhône. Il faut donc construire non seulement utile et solide mais aussi beau et majestueux. En 1739, au moment du choix d’un architecte pour l’Hôtel-Dieu, le jeune Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) a achevé son séjour à Rome et habite Lyon depuis quelques mois, sans doute sur le conseil de ses amis lyonnais. Il a beaucoup vu et dessiné mais, comme la plupart de ses camarades romains, il n’a jamais construit. Sa carrière lyonnaise est foudroyante. A peine installé, il propose des dessins et enlève cette importante commande, qui l’engage à diriger personnellement les travaux conformément aux plans. Son style marque un retour au classicisme, visible sur la façade de l’Hôtel-Dieu : un rez-de-chaussée strié de refends (lignes creusées dans la pierre) unit deux étages par des colonnes et des pilastres. La première pierre du chantier est posée le 3 janvier 1741. Sept ans après, en 1748, la partie centrale est terminée à l’exception du dôme. La fonction de ce dernier est alors triple : permettre aux malades de suivre l’office de leur lit (comme au petit dôme du 16ème siècle), évacuer l’air vicié des salles de malades, comme une immense cheminée d’aération, et compléter la splendide façade destinée à impressionner les voyageurs.

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Soufflot, d’après une gravure anonyme

Au début de février 1755, Soufflot est appelé à Paris par le marquis de Marigny pour construire l’église Sainte-Geneviève (futur Panthéon, où il repose désormais). Nommé contrôleur des bâtiments du roi, il ne peut plus diriger lui-même la construction lyonnaise, malgré les réclamations des recteurs de l’Hôtel-Dieu. A partir du 15 mai 1757, Melchior Munet et Toussaint Lyer, désignés par Soufflot, sont chargés de faire exécuter ses dessins en son absence. Le gros œuvre est achevé en 1761, la sculpture en 1763. Toutefois, la hauteur du dôme construit par Loyer et Munet a été réduite, engendrant une courbe plus écrasée et renflée que le profil prévu par Soufflot, même si ces derniers s’en défendent.

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Carte postale représentant le grand dôme (non datée)
© BmL

A la fin du 18e siècle, la façade de l’Hôtel-Dieu est inachevée : un trou béant entre le dôme et l’avant-corps nord est occupé par des constructions disparates qui avancent sur le quai. Les travées du corps nord et la cour des cuisines sont construites de 1821 à 1827, puis c’est l’extrémité de l’aile sud à partir de 1837. Le bâtiment de la rue de la Barre (architecte : Pascalon) n’est construit qu’entre 1885 et 1893. Il faut donc plus d’un siècle pour réaliser l’ambitieux projet de Soufflot, avec des modifications importantes du dôme et de l’aile sud. Dans le plan, tout est subordonné à l’immense façade classique de 375 m qui se développe le long du Rhône, longue horizontale rythmée par les verticales du dôme et des ordres. Le bâtiment tire également sa beauté de la qualité des matériaux et de la taille des pierres.

Les salles des malades, sur deux étages, s’ouvrent sur la chapelle par des portes vitrées et des impostes donnant sur des tribunes. Quatre bâtiments transversaux déterminent quatre cours et contiennent des escaliers purement utilitaires. La commodité et le gain de place ont avant tout été recherchés, sans construction de prestige, à l’exception du grand dôme.

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L’Hôtel-Dieu sans son dôme, en 1945
Au premier plan, le pont Wilson en reconstruction
© BmL

L’histoire du dôme ne s’arrête pas là. En septembre 1944, un incendie le ravage. Après la Libération, l’architecte en chef des monuments historiques, André Donzet, est chargé de sa reconstruction. Il propose de rétablir la disposition prévue dans le projet de Soufflot, ce qui est accepté, et le dôme retrouve la forme harmonieuse initialement souhaitée. Entamée en 1957, la reconstruction prend du retard suite à diverses interruptions. En juin 1972, le groupe sculpté qui couronne l’ensemble est déposé avec l’aide d’un hélicoptère.

Pour en savoir plus :

Tous les documents relatifs à l’Hôtel-Dieu sont conservés aux Archives des Hospices Civils de Lyon et aux Archives municipales.
La bibliothèque municipale possède cependant plusieurs dessins de Soufflot, notamment le Plan et élévation de la facade de l’Hôtel Dieu de Lyon, sur le quay de Retz inventé, dessiné et conduit par J.-G. Soufflot (gravé en 1748). Elle détient également, dans le fonds Coste, quelques rares estampes le représentant (Cote 15096, 15098), moins connues que les nombreuses représentations (comme le portrait de Van Loo au musée du Louvre) de cet artiste qui est l’un des architectes français les plus célèbres de son temps.

Soufflot a passé à Lyon une quinzaine d’années, de la fin 1738 à décembre 1749 puis de février 1751 à janvier 1755. Il a laissé dans la ville et ses alentours des édifices nombreux et divers, parmi lesquels, outre la « façade » et le « grand dôme » de l’Hôtel-Dieu, plusieurs ont une importance majeure : le théâtre et l’académie d’équitation disparus, la loge du change dans le vieux Lyon, le baldaquin de Saint-Bruno qui domine la Presqu’île, plusieurs maisons de plaisance et la création du quartier Saint-Clair. Malgré l’importance de son œuvre à Lyon, l’architecte reste associé à l’édification de l’église Sainte-Geneviève devenue Panthéon. Les ouvrages suivants permettent l’étude détaillée et illustrée (plans, esquisses, gravures, lettres) des œuvres lyonnaises de Soufflot.

Soufflot et son temps

Soufflot et l’architecture des Lumières

L’œuvre de Soufflot à Lyon

Jacques-Germain Soufflot

 

Soins au fil des siècles à l’Hôtel-Dieu

Au 15e siècle, le malade, le pauvre, le vieillard, le pèlerin sont accueillis suivant la règle des Hospitaliers de Saint-Jean. Le malade abandonne ses vêtements pour prendre l’habit de l’hôpital. Ceux-ci sont envoyés pour y être lavés à la pouillerie et conservés jusqu’à la sortie du malade (ou vendus au profit de l’hôpital s’il meurt). Lavé et confessé, il gagne ensuite son lit – de 2 à 4 places – dans la salle commune. L’hygiène est un objectif quotidien : la salle et la literie des malades sont tenues propres, la tête, les mains, les pieds des malades sont lavés chaque jour. Les hospitalisés sont bien nourris, largement abreuvés (on attribue au vin beaucoup de vertus curatives à l’époque) et soignés (médicaments, saignées, sangsues, ventouses…).

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L’ancien Hôtel-Dieu sur le plan scénographique de Lyon (vers 1550)

A la Renaissance, l’administration et le médecin de l’Hôtel-Dieu ont à leur disposition un personnel de 18 ou 20 religieuses. A cette époque, il est possible de voir se côtoyer des célébrités telles que l’échevin médecin Symphorien Champier et François Rabelais, nommé médecin de l’Hôpital entre 1532 et 1535 et auteur de Pantagruel (1532) et Gargantua (1534). On sait de ce dernier qu’il prenait plaisir, après sa première visite du matin, à partager la « réfection », petit déjeuner offert à tous, et qu’il dessina 2 instruments chirurgicaux. Il est secondé par une équipe « médicale » : le chirurgien (qui pratique les pansements, les saignées et cumule aussi le métier de barbier), l’apothicaire (qui se charge de donner les médicaments) et un frère des Cordeliers (aumônier). Les traitements commencent à être envisagés mais le souci prioritaire est celui de nourrir les malades et leurs serviteurs : une boulangerie et une boucherie sont créées.

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L’ancien Hôtel-Dieu en 1529,
d’après une gravure d’A. Gaillard (1847)

Au 17e siècle, le médecin unique de l’Hôtel-Dieu, nommé par les recteurs, exerce ses fonctions pendant une période d’environ 4 ans et règne sur une centaine de lits. Personnage principal de l’hôpital, il contrôle l’entrée et les sorties des malades, prescrit les thérapeutiques, assiste aux pansements et ordonne les actes chirurgicaux. Tous les matins, il fait solennellement sa visite, précédé des recteurs, des prêtres, de l’économe et accompagné par les chirurgiens et les apothicaires. Au fur et à mesure de la construction des locaux, les besoins médicaux sont plus importants et un 2ème puis un 3ème médecin sont désignés. Outre les maladies vénériennes, la peste dite « mal contagieux », est le principal fléau dont Lyon peine à se débarrasser, subissant l’épidémie par vagues successives depuis le 15e siècle.

Au partir du 18e siècle, le grand Hôtel-Dieu est à son apogée. L’Almanach astronomique et historique de la Lyon donne des renseignements intéressants sur la population de l’hôpital en 1755, évalué à 1300 malades. Dans la salle des Quatre-Rangs, on dénombre 440 hommes et femmes « ayant la fièvre » ainsi que 600 « blessés ». Des lits spéciaux sont réservés aux opérés de la taille ou du trépan, d’autres aux vénériens nécessitant « les grands remèdes » ; 50 insensés sont enfermés dans les « chambres basses ». Sont également logés à l’hôpital 50 incurables, les femmes en couches, 30 nourrices, les enfants « exposés » ou abandonnés et les enfants teigneux. Enfin, le bureau se charge des soldats blessés, malades ou fatigués. On dispose également du déroulement de la journée type du patient : bol de bouillon à 6 heures pour réveiller les esprits ; à 8h, visite du médecin accompagné de ses collaborateurs, puis le malade reçoit soins et pansements avant le déjeuner de 10h. L’après-midi, après les visites traditionnelles des amis et de la famille, les soins comportent lavements et saignées, précédant le dîner servi vers 5h suivie d’une longue soirée au calme. Pour veiller sur eux, le personnel soignant se compose de 130 sœurs et 50 frères hospitaliers. Le principal spectacle des hospitalisés est celui de la vie du fleuve Rhône, parcouru de multiples embarcations.

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La cure (carte postale BmL)
© BmL

Au 19e siècle, l’Hôtel-Dieu perd progressivement son autonomie, dans le cadre des dispositions nouvelles qui confondent l’administration de l’Hôtel-Dieu et de la Charité. Il se consacre uniquement aux fiévreux et aux blessés, ainsi qu’aux quarante lits des femmes en couches. Au total, l’établissement abrite près d’un millier de malades. Avec ses salles, dépôts, ateliers, recoins, greniers où s’affaire le personnel, l’établissement est une véritable ruche au cœur de la ville. Parmi les transformations du bâtiment, on notera la disparition de la boucherie, jugée indésirable, et remplacée par une galerie marchande de 30 magasins, le passage de l’Hôtel-Dieu. Outre les médecins et chirurgiens (dont la technicité et le nombre se sont accrus), les « servants » jouent un rôle subalterne mais indispensable. Le terme désigne les frères et sœurs à la tête des services et de tous les ateliers (charpenterie, buanderie, matelasserie…). Imaginons donc un Hôtel-Dieu parcouru d’un personnel en noir et de religieuses portant robes à bavettes blanches et coiffes à cornettes. Outre les soins, l’Hôtel-Dieu joue un rôle dans l’enseignement médical, et devient même un centre actif de chirurgie avec son « Majorat » prestigieux (à partir de 1788).

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Les soins à l’Hôtel-Dieu en 1930
© BmL

 

Pour en savoir plus :

-sur l’histoire de l’Hôtel-Dieu :

Les Hospices civils de Lyon : histoire de leurs hôpitaux (2002) : l’histoire illustrée de l’institution des HCL et de ses différents établissements, publiée à l’occasion du 150e anniversaire des Hospices civils de Lyon.

La revue Rive gauche détaille l’origine de l’Hôtel-Dieu, dans un contexte de pèlerinage et de rudes conditions de voyage renforcé par la présence du Pont du Rhône. Né à l’emplacement de l’aumônerie du Saint-Esprit et de l’hôpital du pont du Rhône, réunis au 12e siècle, l’Hôtel-Dieu n’est d’abord qu’un petit hôpital. C’est surtout à partir de 1477 qu’il prend son essor sous l’administration des consuls de la Ville avant de devenir le « grand Hostel-Dieu de Lyon » sous celle des recteurs (1583).

Histoire du grand Hôtel-Dieu de Lyon, des origines à l’année 1900 (1924)

L’Hôtel-Dieu de Lyon et le département du Rhône) (1912)

Histoire chronologique de l’Hôpital général et grand Hôtel-Dieu de Lyon depuis sa fondation (1830) : pour suivre les événements année par année, de 546 à 1829.

Le Patrimoine foncier de l’Hôtel-Dieu de Lyon (1482-1791) (1974)

La base en ligne Photographes en Rhône-Alpes permet de découvrir des photographies de l’Hôtel-Dieu au 20e siècle : passage de l’Hôtel-Dieu, médecins, destructions lors de la 2ème Guerre mondiale.

 

-Sur la médecine lyonnaise :

La médecine à Lyon des origines à nos jours (1987) : une somme sur l’histoire médicale lyonnaise, agrémentées de nombreuses illustrations et reproductions d’archives.

Histoire topographique et médicale du Grand Hôtel-Dieu (1842) : l’organisation de la vie médicale et des soins à l’Hôtel-Dieu.

La Pharmacie à l’Hôtel-Dieu de Lyon du XVIe-XIXe siècle (1993) : l’histoire de l’apothicairerie de l’Hôtel-Dieu, étudiée à partir des collections du musée des HCL.

-Sur la chapelle de l’Hôtel-Dieu :

La chapelle de l’Hôtel-Dieu de Lyon  : carnet d’une restauration (2014) / Suzanne Marchand

La chapelle de l’Hôtel-Dieu de Lyon (2002) : C. Lapras et C. Rousset-Beaumesnil consacre un ouvrage à l’architecture et aux décors de la chapelle de l’Hôtel-Dieu, dont l’entrée aux deux tours clochers donne sur la petite place de l’hôpital.

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La chapelle de l’Hôtel-Dieu

Sa façade Louis XIII de style maniériste possède, sur le tympan, une piéta de Fabisch (1853). A l’intérieur, une magnifique chaire baroque, un Grand Reliquaire en bois doré, des fresques et des tableaux magnifient l’édifice.
Des visites commentées de la chapelle sont organisées chaque mardi. Leur coût (10 euros par personne) est intégralement reversé à la restauration actuelle du monument baroque.

Depuis 2008, la chapelle Notre-Dame de Piété fait l’objet d’une importante campagne de restauration, financée par le mécenat (Crédit Agricole, épiscopat, Fondation du Patrimoine, …) et plusieurs ventes aux enchères.

Quelle est l’origine des Hospices Civils de Lyon (HCL) ? Voir

Qu’était le passage de l’Hôtel-Dieu ? Voir

Où sont les archives des HCL ? Voir

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