Lyon, carrefour des peuples > L'immigration contemporaine > Les réponses à la crise de 1990

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2Au plan national2

Au niveau national, l’explosion de violence dans l’agglomération lyonnaise en octobre 1990 a eu pour conséquence la mise en place d’une unité de commandement politique en la personne d’un ministre d’État, cinquième personnalité du gouvernement, expression d’un souci d’efficacité de l’action publique qui hiérarchise traditionnellement les objets de son travail. On espérait ainsi « obliger » certaines administrations centrales, dont on estimait qu’elles n’avaient pas su s’adapter aux nouvelles fonctions qui leur étaient imparties dans le cadre des politiques urbaines transversales, à s’engager davantage dans l’interministérialité et le partenariat.

Dès sa nomination, le ministre de la Ville réclamait le renforcement de deux types d’actions : l’encadrement scolaire dans les quartiers en Zone d’éducation prioritaire, dont la géographie recouvre quasi-parfaitement les quartiers en développement social urbain, et la mise en place d’un système d’îlotage (police de proximité) dans un certain nombre de ces quartiers. Au sein de l’État, ces explosions ont donc déclenché un large débat sur les conditions de réussite d’une politique qui tendait à l’institutionnalisation la plus classique, oubliant que ce qui en avait fait son intérêt majeur était le principe d’innovation. A ce titre, de grands programmes d’évaluation au niveau territorial et national ont été mis en œuvre et financés par des fonds publics. De même, le vide législatif qui caractérisait cette politique a été pour partie comblé par la loi Besson, la loi sur la solidarité financière des communes et la loi d’orientation sur la ville. Les débats sur les moyens financiers de la politique de la ville et leur utilisation relancés par l’explosion d’octobre 1990 et poursuivis tout au long de l’année 1991 à la suite de l’embrasement d’autres quartiers posent un certain nombre de problèmes quant à la coordination entre les effets d’annonce publique des décideurs nationaux et la gestion au niveau local pour les élus municipaux. De même, l’idée selon laquelle les phénomènes de violence doivent être traités dans leur ampleur in situ en exerçant un effort particulièrement intensif sur une série de sites choisis en fonction d’handicaps particulièrement lourds (pourcentage de Rmistes, de chômeurs de longue durée, de familles monoparentales, d’immigrés, de logements sociaux, de familles issues des Dom-Tom…) permet l’établissement d’une liste de sites pilotes pour l’intégration sélectionnés au niveau de l’administration centrale (secrétariat général à l’Intégration, ministère des Affaires sociales responsable du Fonds d’action sociale) qui fait fi de toute la logique contractuelle entre l’État et les collectivités locales, fondatrice de la politique de la ville.(1)

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Manifestation en faveur de Vaulx-en-Velin
© Marcos

2Le mouvement associatif2

On se souvient que les émeutiers des Minguettes du début des années 1980 étaient à l’origine du mouvement associatif des jeunes des banlieues issus de l’immigration. On constate, dix ans plus tard, que c’est toujours après l’épreuve de force que le mouvement associatif se constitue. Les événements d’octobre 1990 et de l’année 1991 n’ont pas démenti cette logique qui a vu, une fois l’explosion calmée, se constituer des comités d’action et de nouveaux leaders émerger. Des structures associatives, directement issues des incidents, comme le comité Thomas Claudio devenu l’association Agora, très représentative de la jeunesse du Mas du Taureau, se sont construites à partir des incidents et avec une partie des fauteurs de troubles, acquérant une légitimité qui leur a permis de négocier avec les municipalités.

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Manifestation en faveur de Vaulx-en-Velin
© Essertel

2Une politique de désenclavement des quartiers dits « sensibles » : l’exemple de la Duchère2

A la suite des différents événements survenus dans les banlieues, la politique gouvernementale et locale a été redéfinie et a abouti à une volonté de désenclavement des quartiers dit « sensibles » ; ceci a engendré la destruction des « grands ensembles ». C’est en 1990 que François Mitterrand et l’architecte Roland Castro commencent à évoquer cette destruction. En 2005, la rénovation du quartier de la Duchère en est un exemple avec la démolition de la barre des 210. Cette barre, sortie de terre en 1962, était une des nombreuses aberrations architecturales présentes dans le décor des quartiers périphériques des grandes agglomérations. Sa destruction constitue une nouvelle étape pour le Grand Projet de ville du quartier de La Duchère. D’autant qu’elle a un coût : 8,6 millions d’euros pris en charge à 90% par l’État (6,7% par le Département, 3,3% par la Ville) dans le cadre du plan Borloo qui a donné un coup d’accélérateur à la disparition de ces barres, symboles d’une réponse d’urgence à un besoin de logement dans les dernières décennies. Le projet urbain de La Duchère prévoit d’ici à quinze ans la démolition d’environ 1 500 logements locatifs sociaux dont les deux tiers sont propriétés de l’OPAC, comme la barre 210. Cette étape a commencé en 2003 par la destruction des 162 logements de la barre 200. Elle a été menée à bien par la même société, Cebtp démolition. Préalable à cette destruction, l’opération de relogement des usagers qui a été réalisée en moins de deux ans, 56% des personnes ayant choisi de rester dans le 9ème arrondissement. L’espace libéré va permettre, au printemps 2006, de démarrer le chantier de construction de trois petits immeubles de logements de sept niveaux maximum dont une résidence d’étudiante avec des commerces en rez-de-chaussée, des équipements publics (une nouvelle bibliothèque) ainsi que la création d’une place centrale et d’une nouvelle voie reliant La Duchère à l’Ouest lyonnais. Trois articles de Lyon-Figaro datant des 27 (« Foudroyage annoncé ») et 28 (« 12h18 la tour tombe » et « La 210 est tombée ») octobre 2005 reviennent sur la destruction de cet immeuble.

2Bibliographie2

- Virginie Linhart, Des Minguettes à Vaulx-en-Velin : les réponses des pouvoirs publics aux violences urbaines, Cultures & Conflits, 06, 1992

- Schwartz Annie, La Duchère, 40 ans, Lyon, Audacce, 2003

- Sur le site du Grand Lyon. La Duchère fait partie des grands projets en cours. Voir aussi le site de la Mission Lyon-La Duchère

- Franche Duchère ! ; un Point d’Actu ! daté du 15/03/2006 ; Le quartier de La Duchère, dans le 9ème arrondissement de Lyon, fait l’objet d’un des 4 Grands Projets de Ville de l’agglomération lyonnaise, dont l’objectif est d’agir autant sur le volet social que sur le cadre urbain : le quartier va bouger jusqu’en 2013, avec en 2007-2008 la construction de 1 200 logements neufs pour remplacer les 750 partis en poussière lors de la destruction de la tour 210 le 27 octobre 2005…

- Les étrangers dans la région Rhône-Alpes, dossiers de presse couvrant les années 1974-1992 édités par la Bibliothèque Municipale de Lyon.

- Base dossiers de presse Rhône-Alpes : cette base met à la disposition du public les dossiers de presse contenant des articles postérieurs à 1992.

- Violences urbaines, violence sociale, enjeu politique ? ; un Point d’Actu du

7/06/2006. Les émeutes de ces derniers jours en Seine Saint Denis dont les origines, pour Montfermeil particulièrement, sont attribuées au moins en partie à des arrêtés municipaux de début avril (annulés par la justice administrative) interdisant aux mineurs le regroupement à plus de trois dans le centre-ville…


(1)Virginie Linhart, Des Minguettes à Vaulx-en-Velin : les réponses des pouvoirs publics aux violences urbaines, Cultures & Conflits, 06, 1992


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